« Ferme la fenêtre »

C’est une des premières choses qu’on t’apprend à faire : marcher. Et même avant, même en rampant, c’est un réflexe inné de vouloir avancer. Alors pourquoi maintenant ? Pourquoi maintenant je veux plus. Pas un pas de plus. Aucune impulsion dans mon corps ne veut m’éloigner de ça. Pas de passage vers autre chose. Je n’avancerai plus qu’à reculons. Les yeux rivés vers toi. Quand ton visage deviendra trop flou, je continuerai les yeux fermés. Chaque action que j’entreprends est comme un pas en arrière. Et putain, ça devient tellement loin quand j’y pense. Mais ce n’est que temporaire. Je ne suis que de passage.

on se retrouve vite épris par jeu de perspective

idylle des jours passés fait place à paradis perdu

espoir lointain, joies éphémères

c’est con

fantaisie passagère

nostalgie éphémère ; flashbacks gratuits 

je ne peux pas être ton ami

tu ne changeras rien 

aucun mal—entre nous.

propre exode prend trop de place à ton goût

c’est fou

comment c’est

c’est facile 

pour toi

c’est flou

Dis-moi ton prénom ?

Mais je vais jamais le retenir !

Quoi ?

Mais la musique elle est beaucoup trop forte !

Je ne vais jamais m’en souvenir !

Mais moi je me souviendrai du tien. 

plus tard

pas maintenant

pas comme ça

mais pas à pas

La fenêtre est ouverte. J’ai un délire avec les nuits d’été. Je vois les lumières de la défense avec des reflets un peu flous sur les côtés des gratte-ciels ; en grandissant tu lèves moins les yeux au ciel dans les moments de silence, ça devient un peu tes étoiles. Il y a une infinité de moments en dix-huit ans d’existence qui m’ont fait penser que je n’étais pas à ma place. C’est assez illogique de chercher un ancrage terrestre dans des corps célestes. Pourtant ça m’a toujours rassuré, allez savoir pourquoi c’est un peu un motif récurrent, le fait de se dire qu’il doit bien y avoir une métaphore quelque part là-dedans. 

À six ans, le ciel était pour moi partout sur terre. La grande casserole, suprême prêtresse angélique était la seule entité en laquelle j’avais réellement foi. À sa vue seule, mon corps était pénétré par une sérénité qui devrait être constante à l’enfance. J’étais sur Terre au moins, sûre. Trouver la lumière dans le noir, c’est un symbole fort aussi surconsommé soit-il. En observant la nature, on se rend rapidement compte qu’il n’y a que l’homme pour s’infliger le noir opaque et total. C’est pas naturel. 

Il fait chaud dehors,

Il y a un rideau blanc,

FIN

très fin

mais j’ai pas faim, juste soif ;

braquage d’or bleu

fin

enfin, voilà

Rideau de Fin. 

AVANCE 

petits pas

pas de loup

j’ai vendu mon dernier justaucorps

il ne me va plus

rien ne me va plus

rien ne me va

rien ne va plus

au choix

Pas à pas. Je te tendrai la main une autre fois. Mais pas aujourd’hui. C’est trop tôt. Je revois tout quand je marche, sans faire exprès. C’est presque plus sa ville. C’est presque comme si on avait vraiment acheté une maison ici. T’es propriétaire de chacun de mes pas dans cette ville. Et je te déteste tellement pour ça. 

Je laisse toujours la fenêtre ouverte maintenant.

Avant

maintenant

aller de l’avant

avènement

amèrement

passablement

laisser passer

pas à pas 

je te déteste tellement pour tout

mais j’ai peur des papillons 

depuis que mon grand frère me les a montrés au microscope

alors j’ai encore plus peur de leur effet

je ne m’attarderai pas sur ce sujet

et je garderai tout

et mon dira que c’est trop destructeur

 pour parler de nostalgie 

et je m’en fous 

sans cap on finit toujours par chavirer

rien n’amortit le naufrage sur la terre ferme

À première vue, ces deux termes semblent antinomiques. En effet, la concurrence n’existe qu’à partir du moment où les acteurs s’affrontent à ceteris paribus. Entre la concurrence parfaite et le monopole pur : l’emprise totale de l’entité sur une autre. 

Je me penche plus sur les balcons.

Je me demande trop ce que je pense de ma propre conscience. Si mon regard porté sur le reflet était une version si antérieure, à même de ne pas douter de son affection pour moi. Quand le concept m’échappait encore tout seul. Tout était un peu moins casse gueule. On étudiait peut-être déjà les gueules cassées. Ou alors j’avais lu un livre dessus et ça m’était resté. La guerre n’était qu’une notion très éloignée. Une sorte d’élément de scénario facile et glorifié. Ma vie n’est qu’éternelle relecture, en sachant parfaitement que ceux qui apercevront les pages que je noircis ne parlent pas ma langue maternelle. Je suis la même gamine butée. 

Mais tu leur expliqueras, 

Ils te donneront raison.

Et je n’écrirai plus rien sur toi.

Alors je ne te rends pas ton nom.

Jamais.

Plus un seul pas en ta direction.

déchirement minuit passé

de te laisser ainsi à Morphée

quitte ses bras dès l’aube : je t’en conjure

délaissée

lassée,

mais que d’elle même

toujours pareil

Dis-moi ton prénom ?

Mais je vais jamais le retenir !

Quoi ?

Mais la musique elle est beaucoup trop forte !

Je ne vais jamais m’en souvenir !

Mais moi je me souviendrai du tien. 

Le silence n’est qu’outil des anges. Je cherche la clef des enfers monsieur. J’ai l’extrême honneur de ne plus jamais vous inviter ici. Je vous informe par la présente missive que nos photos sentent encore la citronnelle. Ils m’exileront au nom d’une hystérie, nous ne pourrons plus jamais correspondre. Ne m’oubliez plus. Vous l’avez tant fait déjà. Je n’oublierai pas, je ne le peux, mais un jour je vous le pardonnerai. Un jour je vous pardonnerai tout. Et on me le reprochera sans doute.

Les règles de votre jeu m’échappent. Pourquoi vous retirez ainsi après tous ces étés passés joints. Jamais je ne vous avais embarrassé du fait accompli, et pourtant vous voilà ainsi malgré tout. J’aurais pensé votre peine bien plus légère. Peut-être me suis-je trop peu soucier de votre voyage ? Pourquoi me laisser ainsi sans mot de votre esprit que j’estime ? Je ne saurai plus qu’être maladroite dans l’expression de ma peine. Pardonnez-moi de ne savoir comment vous excuser dès à présent. 

Elle y pensait souvent,

Au fait qu’elle se peignait les lèvres,

Comme une enfant.

Finalement, j’ai dansé ce soir. Pourtant j’avais pas encore su trop boire. J’avais plus de jus de pomme que d’autre chose dans le sang. Je l’ai fait pour le moi de quand j’étais enfant. J’avance. Je me suis levée sur une musique que je connaissais pas. Y’a que quand je me suis rassise que j’ai accueilli l’adrénaline. J’avoue, j’y ai repensé. On joue mieux à deux, mais il reste que moi sur ma chaise ; table quarante-deux. Il me glisse à l’oreille que pourrais jouer beaucoup mieux. Le grand restaurant est témoin de mon sourire. Les murs par-dessus tout, m’entendent grandir. L’accoudoir retient ma tête. 

Il fait chaud,

t’as pas chaud?

On ouvre la fenêtre?

les moustiques

ok

Je reviens.

Ils disent que les cheveux retiennent les souvenirs. Je me découvre des nouveaux problèmes depuis que les miens sont longs.

Sous la rose.

Le nouvel ascenseur est tellement lent que j’ai l’impression de pouvoir mourir dedans. On a dû démonter l’évier. J’ai saigné du nez. Et j’ai jeté le mouchoir à la poubelle. C’est l’été maintenant : il n’y a plus que des cadavres. Cerises. Pastèque. 

Je vais rentrer chez moi.