Que retenir du Grand Oral de Bruno Le Maire ?

Un article de Gabrielle Radet et Marin de La Rochefordière.

Hier soir, Bruno Le Maire était invité au cinquième Grand Oral de Sciences Po. En fin politicien, maîtrisant ses annonces et détournant les obstacles, le candidat à la primaire des Républicains a reçu un accueil très favorable du parterre d’étudiants. Retour sur l’un des événements politiques phare du second semestre autour de dix phrases.

© Ulysse Bellier

« Je ne serai le Premier ministre de personne. » L’annonce, faite dès les premières minutes, semble mûrement réfléchie. « Je suis candidat pour devenir le prochain Président de la République », ajoute-t-il. Bruno Le Maire fera donc bel et bien cavalier seul, « plus déterminé que confiant ». Rien de bien surprenant au sein d’un groupe politique dont l’unité n’en fait pas la gloire…

« Une campagne politique n’a pas forcement vocation à être une thèse de troisième cycle. » Le député de l’Eure balaie les moqueries sur la faiblesse de deux de ses slogans « Le renouveau c’est Bruno » et « La primaire c’est Le Maire ». Se félicitant même du nombre de réactions qu’ils suscitent le candidat souligne qu’ « un slogan n’est jamais intelligent, il est fait pour porter des gens, pour les enthousiasmer, pour que des personnes s’intéressent à leur candidature ».

« Je ne suis pas là pour faire des actes politiques. » Bruno Le Maire, sur le fond comme sur la forme, semble soucieux de se détacher des carcans politiques traditionnels. S’étant prononcé pour le non-cumul des mandats mais ayant voté contre, il considère que la loi n’est pas allée assez loin. « Il faudrait réduire le nombre de députés, de sénateurs, limiter à trois le nombre de mandats dans la vie », suggère-t-il. Quant à la loi Taubira, le député confirme son soutien pour le mariage homosexuel mais refuse les autres dispositions de celle-ci.

« La philosophie qui est la mienne est que chacun puisse trouver un emploi en France. » Bruno Le Maire fait sien les fondements du catéchisme libéral. « De mon côté, je pense qu’il faut baisser la fiscalité du capital, pour qu’elles puissent innover, investir et créer des emplois. » Pour autant, le député des Républicains se dit séduit par l’idée du revenu de base et « prêt à mettre en place une allocation sociale unique pour des personnes en âge et en condition de travailler, à hauteur de 60% du SMIC. »

« J’adore la littérature et la langue française. » La déclaration est loin d’être anodine alors que bon nombre des concurrents de Bruno Le Maire se sont illustrés par des déclarations plus ou moins imagées. Pour l’homme politique, adopter un langage soutenu pourrait redorer le blason de la politique française tout en restant largement accessible au plus grand nombre.

« Les citoyens n’écoutent plus les grands discours, car ils n’y croient plus. » Face à un électorat désabusé par les partis issus du clivage traditionnel, Bruno Le Maire joue la carte de la sincérité, demandant à ce que l’on juge un politique par « la cohérence de son discours ». Ses grands meetings ne sont donc plus l’arène d’un tribun volubile, mais une sorte d’agora ayant pour départ les questions des citoyens « qui en ont marre qu’on les prenne pour des cons ».

« Toute ma vie on va me juger à mon origine ». Par ces mots, le candidat dénonce ses détracteurs s’appuyant sur une enfance aisée au coeur de Neuilly et poursuivie au sein d’écoles élitistes, pour mieux détériorer les liens qu’il tente d’établir avec les citoyens. Difficile, en effet, de paraître « normal » et de fustiger « l’endogamie de la classe politique française » lorsque l’on est un pur produit de la technocratie. A cela, Bruno Le Maire réplique que la clef de sa réussite ne réside pas dans son milieu social, mais dans ce qu’il en fit.

« La France piétine. » Bruno Le Maire se présente comme vecteur de changement, de grands bouleversements: prenez garde à son air conformiste, il va tout révolutionner. C’est du moins ce qu’il tente de faire croire, faisant le constat d’un « vieux modèle en train de crever sous nos yeux » dont il est prêt à faire sauter les verrous via un renouvellement de la classe politique ainsi qu’une refonte du syndicalisme et de l’administration.

Pascal Bruckner face à Bruno Le Maire © Ulysse Bellier

« Il y a un Islam politique qui est là pour provoquer. » Bruno Le Maire, lui, « nomme les choses » et pointe ainsi du doigt les « Moleenbeek français ». Il souhaite ainsi inquiéter sur leur communautarisme rampant, tout en nous rassurant sur les mesures qu’ils souhaiterait prendre, dans un flou législatif prônant l’interdiction « de toute pratique religieuse ostensible à l’Université ». Cela permettrait-il a la République ayant déjà “reculé face à cet Islam politique” d’endiguer le problème ?

« Rien ne garantit qu’on tienne les promesses, c’est ce qui fait la noblesse de la politique ». On l’aura compris, cohérence et fiabilité sont les mots d’ordres de ce candidat pourtant insaisissable et paradoxal, jouant habilement des frustrations des citoyens sans se vouloir démagogue, se prônant réformiste tout en étant rassembleur. Il sait dès lors que l’obtention de la confiance est le principal leitmotiv politique. A vous de voir si vous souhaitez le croire. Car une chose est sûre : il croit déjà bien en lui.