Fake news, nouveaux médias… Retour en 5 points sur le débat avec Audrey Pulvar, Yves de Kerdrel, Rémy Buisine et Frédéric Dabi

 

Audrey Pulvar, journaliste à C News, Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP, Yves De Kerdrel, directeur général du journal d’opinion Valeurs Actuelles et Rémy Buisine, jeune journaliste au nouveau média d’information Brut, participaient au débat, guidé avec entrain par Loris Boichot, membre du journal La Péniche et Camille Chevalier, président de la section Les Républicains de Sciences Po. Retour en cinq points sur ce débat, à quelques jours d’une élection présidentielle historique.

 

Audrey Pulvar: « Cette campagne est particulièrement exténuante »

Pour Audrey Pulvar, « les chemins de cette présidentielle sont très âpres et difficiles pour les candidates, les candidats, leur entourage, les journalistes.» Les deux primaires et les rebondissements des affaires, ont en effet débouché sur une impression d’allongement de la campagne. Si certains reprochent aux journalistes de ne pas suffisamment s’attarder sur le fond, les intervenants récusent les fondements de ce reproche. L’information est en effet constamment à la portée des lecteurs, spectateurs et auditeurs puisque la presse publie des dossiers sur les programmes des candidats dans tous les domaines : « au bout d’un moment, c’est le citoyen qui doit se prendre en main, et cela même face aux affaires qui ont tendance à encombrer la vue », explique Audrey Pulvar.

Selon elle, la campagne est aussi inédite par l’audience qu’elle donne aux candidats. Tous ont en effet pu être entendus de 6 à 8 millions de personnes lors des débats télévisés, ce que Philippe Poutou et Jean-Luc Mélenchon par exemple n’avaient jamais expérimenté.

 

Frédéric Dabi (IFOP) : « Il y a un nouveau type d’abstention : les  « abstentions de vanité »»

Selon Frédéric Dabi, la campagne est aussi inédite au travers du prisme des sondages. Le nouvel aspect de la campagne ne repose pas sur l’indécision ou la volatilité de l’électorat dans l’élection présidentielle, puisque le taux d’indécis (électeurs certains d’aller voter mais qui ne sont pas sûr de leur choix), est presque équivalent à celui de la campagne présidentielle de 2012 : environ 30%. En revanche, cette campagne présidentielle de 2017 annoncerait un taux d’abstention élevé (28% d’après la dernière enquête du Cevipof), supérieur au record atteint aux élections présidentielles du 21 avril 2002 : « Il y a un nouveau type d’abstention : les « abstentions de vanité » qui reposent sur la question « N’est-il pas vain d’aller voter ? » », analyse Frédéric Dabi. « Les quinquennats de Sarkozy et Hollande ont fait du mal aux Français, ils ne croient plus au changement ».

 

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Loris Boichot (à gauche) et Camille Chevalier

 

Brut, un média non-traditionnel aux formats courts

Rémy Buisine est journaliste à Brut, un nouveau média 100% réseaux sociaux qui s’adresse aux plus jeunes, intéressés par la politique mais souvent détournés des médias traditionnels. La plupart des  vidéos de Brut sont courtes, même si certains live peuvent durer jusqu’à cinq heures (lors des manifestations Nuit Debout par exemple). L’originalité de ce média se trouve aussi dans l’accessibilité à l’information : « On fait la démarche d’aller voir la télévision, tandis que sur Internet, on ne se prépare pas forcément à regarder une vidéo… On scrolle son fil d’actualité, et on tombe dessus. »

 

Une classe politique « droitisée » ?

Les intervenants étaient d’accord sur ce point : la réaction des partis républicains face à la montée du Front National a des conséquences déplorables sur le cours de la vie politique aujourd’hui. Selon Audrey Pulvar, au lieu de défendre leur programme avec conviction, en concordance avec leurs valeurs et leurs projets de sociétés, la majorité des politiques s’est « droitisée », jusqu’à nous faire entendre de la bouche de François Hollande le projet de la déchéance de nationalité. Pour Yves De Kerdrel, la campagne présidentielle a été biaisée par le fait que les médias, tout comme les hommes et les femmes politiques, ont établi comme acquis le passage de Marine Le Pen au second tour. « Si elle avait réellement été combattue, nous n’en serions pas là », regrette-t-il.

 

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Yves De Kerdrel (à gauche) et Rémy Buisine

 

Quand la fausse information devient une vérité…

Selon Rémy Buisine, le métier du journaliste ne consiste pas seulement à produire l’information, mais aussi à la vérifier. Audrey Pulvar complète son propos en soulignant à nouveau la part de responsabilité des citoyens dans leur quête de l’information : « Certes, si les journalistes se doivent de recouper l’information avant de la délivrer, on n’est jamais à l’abri des erreurs ».

Cependant, tout citoyen ne peut pas être journaliste : il ne suffit pas d’une photo prise à la volée d’un téléphone portable pour produire une information. En effet, l’image doit être interprétée et le point de vue élargi pour éviter que, comme le dit si bien Rémy Buisine, que « deux chaises qui volent en l’air ne deviennent un attentat terroriste ».

Audrey Pulvar, ayant été elle-même victime de fake news, a retracé le parcours affolant de ces informations non fondées au départ comme à l’arrivée, mais transformées par leur visibilité et apparente crédibilité. Tout commence par un anonyme qui décide de diffuser une fausse information. Au bout de quelques heures, voire aujourd’hui quelques minutes, cette dernière tombe dans un deuxième circuit d’internautes plus connus, avant de circuler au niveau des « gros faiseurs d’opinion ». A ce stade, lorsqu’elle est reprise pas des médias reconnus très sérieux, l’information devient une vérité. Seulement, personne n’a jamais vérifié son exactitude.

Les fake news peuvent potentiellement s’attarder sur n’importe quel sujet dont les personnalités politiques et peuvent ainsi entrainer des effets non négligeables sur l’opinion publique, par un « phénomène de boule de neige ».

Selon Audrey Pulvar, les fake news ont toujours existé, mais elles ont aujourd’hui pris une immense ampleur et un pouvoir sans précédent : « C’est bien un complotiste qui a été élu à la présidence de la première puissance mondiale… ».