Smash ou pass ? Notre critique de La Pie voleuse, de Robert Guédiguian

Chaque semaine, en partenariat avec le ciné-club 27 Millimètres, La Péniche vous donne son avis sur les films à voir en salle. Cette semaine, on se penche sur La Pie voleuse de Robert Guédiguian. Alors, smash ou pass?


Robert Guédiguian a voulu rendre hommage aux « bons voleurs » car « le vol participe de la répartition des richesses » a-t-il dit sur France Inter. Le cinéaste aurait pu adapter la thèse qu’il avait préparé à l’EHESS sur la sociologie du mouvement ouvrier. Il a choisi de rester dans le classicisme. La pie voleuse est une fable avec l’Estaque en arrière-plan, quartier de Marseille cher au cœur et à l’œuvre de Robert Guédiguian.

La « bonne voleuse » se nomme donc Maria (Ariane Ascaride). Elle sillonne les rues vallonnées de Marseille avec son caddie et se rend chez des personnes âgées ou handicapées pour lesquelles elle fait le ménage et la cuisine. Mais sa vocation ne s’arrête pas là. Elle est pour eux une compagnie indispensable.

Aussi dévouée soit-elle, Maria a sa face cachée. Elle chipe à ses clients des chèques et des billets pour acheter des huitres et louer un piano pour son petit-fils.

Ces quelques centaines d’euros subtilisés auront d’importantes implications sociales. Laurent (Grégoire Leprince-Ringuet), fils de Monsieur Moreau (l’éternel Jean-Pierre Darroussin) dont la mobilité est réduite en raison du fait qu’il doit se déplacer en fauteuil roulant, découvre que les chèques volés le sont au nom de la fille de Maria, Jennifer (Marilou Aussilloux). Menant l’enquête, il la prend d’abord pour une prostituée. Les prémices d’une histoire passionnée. Et Audrey (Laura Naymark) se venge de la relation extra-conjugale de son conjoint Laurent en dénonçant Maria à la police.

Pendant ce temps, le mari de Maria, Bruno (le tout autant éternel Gérard Meylan), dilapide les maigres ressources familiales en jouant aux cartes dans un troquet. Pour compléter la troupe, on croise aussi Robinson Stévenin en compagnon désabusé de Jennifer et le regretté Jacques Boudet en protégé de Maria.

Au-delà de ce nœud d’intrigues, c’est par la liberté du cinéma de Robert Guédiguian que La pie voleuse nous enchante.

Le cinéaste défend une société libre de toutes pressions administratives et sociales. Le vol n’est pas vu par le prisme du code pénal mais pesé par rapport à son influence sur la société. Les péripéties sont aussi limpides que l’eau de la mer Méditerranée. Laurent tombe amoureux de Jennifer. Et bien, ils s’embrassent. Monsieur Moreau ne veut pas que Maria perde son travail et soit condamnée par la justice. Et bien, il retire sa plainte. Les personnages n’ont pas peur de la bureaucratie et du jugement social. Ils vivent leur vie.

Et pendant ce temps, Robert Guédiguian met en scène ce qui le chante. Monsieur Moreau dévale une colline en fauteuil roulant, avec son chapeau. L’intensité de la scène suffit à nous faire oublier nos inquiétudes sur la manière par laquelle il retrouvera son domicile. Une fois au commissariat, pour retirer la plainte, il cite le poème Les pauvres gens de Hugo. Cela suffit au policier. Il n’a pas de procès-verbal à signer et tout cet affreux décorum, dont nous dispense Guédiguian.

Au fond, l’univers de ce dernier est un monde de personnes intelligentes. La raison est leur seule boussole. Pourquoi empêcher Maria de voler si cela ne pose de problème à personne.

Verdict ? SMASH, sans aucun doute.


Film français de Robert Guédiguian. Avec Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin, Grégoire Leprince-Ringuet, Robinson Stévenin, Lola Naymark, Marilou Aussilloux, Jacques Boudet (1 h 41). Sortie le 29 janvier 2025.

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