Sciences Po occupé par les étudiant.e.s : premiers détails

Suite à une Assemblée Générale qui s’est tenue dans le petit hall du 27, rue Saint-Guillaume mardi soir, une « occupation pacifique et reconductible » du bâtiment a été décidée par les organisateurs du blocage. Cette décision vaut « jusqu’au retrait de la loi ORE et de toutes les lois antisociales et racistes portées par le gouvernement ». Ce matin, des barricades faites de tables et de chaises s’élèvent devant les portes de l’immeuble principal de Sciences Po Paris, et il est par conséquent impossible d’entrer dans les bâtiments du 27, rue Saint-Guillaume et du 56, rue des Saints-Pères. Dans un mail envoyé aux élèves peu après minuit, l’administration a annoncé que « l’accès au site du 27, rue Saint-Guillaume risque d’être perturbé le mercredi 18 avril ».

Des étudiants réunis en péniche vers minuit. Crédits photo : Pierre-Alexandre Bigel

« Ici sont formés ceux qui sélectionnent »

Ce matin, les cours qui étaient supposés se dérouler au 27, rue Saint-Guillaume ont effectivement été annulés. Certains d’entre eux ont pu su tenir dans d’autres bâtiments de l’IEP, tandis que d’autres ont tout bonnement été reportés. Vers 8h30, des échanges houleux ont eu lieu entre des étudiants qui souhaitaient entrer dans le bâtiment et des manifestants perchés au premier étage du 27. Ces derniers ont retiré les drapeaux français et européen qui se trouvent habituellement au-dessus des portes, et déployé plusieurs banderoles sur la façade de l’institut. On peut notamment y lire « Ici sont formés ceux qui sélectionnent, bloquons la fac à élites », « Une de plus dans la lutte », « Les étudiant.e.s de Sciences Po contre la dictature macronienne », « No border, no nation, stop deportation » ou encore « Macron, ton école est bloquée ». À en croire les termes du communiqué qui a été distribué par les organisateurs de l’événement, le blocage de Sciences Po est particulièrement symbolique. On peut y lire la chose suivante : « (…) en tant que fac où a étudié Emmanuel Macron et de nombreux membres de sa majorité parlementaire, celle-ci se fait le relais académique et symbolique de l’idéologie néolibérale et raciste dominante (…) »

Plusieurs banderoles ont été déployées sur la façade de l’IEP. Crédits photo : Pierre-Alexandre Bigel

Deux projets de loi initiés par le gouvernement Philippe cristallisent la colère des bloqueurs : le projet de loi Asile et Immigration, dont l’examen à l’Assemblée Nationale a débuté en début de semaine, ainsi que le projet de loi ORE ( loi relative à l’Orientation et la Réussite des Étudiants ), dont ses détracteurs estiment qu’il instaure une véritable sélection à l’entrée de l’université. Les manifestants entendent poursuivre leur action. Le communiqué indique à ce titre : « Nous appelons tou.te.s les étudiant.e.s révolt.é.e.s par la politique de Macron, de Mion et de leurs allié.e.s à nous rejoindre pour faire de Sciences Po un lieu ouvert à tou.te.s, étudiant.e.s, chômeur.se.s, précaires, salarié.e.s, exilé.e.s, avec ou sans papiers, en vue de briser ce temple de l’enseignement injuste, inégalitaire et élitiste que l’on essaie de nous imposer. »

De nombreuses réactions de la part des associations

Le blocage de l’Institut d’Études Politiques de Paris a suscité de vives réactions depuis hier soir. Plusieurs étudiants et associations ont réagi sur les réseaux sociaux afin d’exprimer leur soutien ou leur opposition au mouvement. Sciences Po En Marche, association étudiante représentant le gouvernement et la majorité parlementaire, a indiqué par le biais d’un message publié sur Facebook : « Ne nous laissons pas submerger par l’ivresse d’actions puériles et non constructives. Il existe dans une démocratie tant de moyens légaux pour exprimer ses idéaux. » Dans un communiqué, l’UNI Sciences Po a déclaré condamner « un acte qui n’est que l’émanation de groupuscules gauchistes de personnes ayant fait le choix d’instrumentaliser leur lieu d’étude pour faire de la communication. »

L’entrée du 27, rue Saint-Guillaume bloquée. Crédits photo : Pierre-Alexandre Bigel

Les Républicains Sciences Po se sont également fendus d’un communiqué dans lequel ils demandent aux étudiants responsables du blocage « d’arrêter immédiatement leur action ». Tous s’accordent sur le fait que les initiateurs de l’occupation de Sciences Po incarneraient une part minoritaire de la population étudiante. Interrogé ce matin par La Péniche, un élève de deuxième année affirme : « Je m’interroge quant à la légitimité de l’action menée, au regard des revendications portées par une minorité d’étudiants au sein du campus. »

À l’heure où nous écrivons cet article, l’accès au 27, rue Saint-Guillaume, au 30, rue Saint-Guillaume et au 56, rue des Saints-Pères est toujours interdit.

Un étudiant tient le communiqué rédigé par les organisateurs. Crédits photo : Pierre-Alexandre Bigel

Davantage de développements seront apportés dans la journée. Les organisateurs du blocage ont apporté la conclusion suivante à leur communiqué : « Nous occupons Sciences Po parce que Macron en est sorti, et que nous ne voulons pas finir comme lui. » Ils précisent cependant que « les appariteur.se.s et personnels de sécurité ne sont pour rien dans notre mobilisation, et qu’aucune sanction ne sera tolérée contre elles et eux. » Frédéric Mion, directeur de l’Institut d’Études Politiques de Paris, ainsi que Bénédicte Durand, doyenne du Collège Universitaire de Sciences Po et Cornelia Woll, directrice des Études et de la Scolarité, n’ont pour l’instant apporté aucune réaction.