Politique : aux grands mots les grands remèdes
« Quelles erreurs avez-vous commises pour arriver à ces ruptures politiques ? » C’est en ces termes que le rédacteur en chef de La Péniche, Marin de La Rochefordière, a ouvert la dernière table-ronde de l’Université des Gracques, ce samedi 21 novembre. Les intervenants, en rejoignant l’association des Gracques, ont choisi de s’engager pour la réforme. Voyons ce qu’ils proposent pour résoudre les défaillances du système politique actuel.
« Politique : le temps des ruptures ? »
Les intervenants sont unanimes : nous vivons une période de rupture au sens large, aussi bien sur le plan social, économique, que politique.
Benjamin Gillet, militant de l’UDI Sciences Po, fait état de la situation : fragmentation de la société, au communautarisme, peur de l’autre, déficit démocratique et avenir européen en danger… Remplaçant pour l’occasion Jean-Louis Borloo, le jeune homme déplore la « cassure entre le peuple et ses représentants« .
La fameuse « génération Y » est la première concernée. 86% des étudiants interrogés par La Péniche jugent que les pouvoirs publics ne représentent pas les jeunes.
« La crise entre les partis et l’électorat est extrêmement grave », s’inquiète Robert Rochefort (MoDem), preuves à l’appui. Selon les sondages réalisé par la Société Jean Jaurès, 26% des sondés pense qu’un autre système que la démocratie serait favorable. Et les jeunes seraient même 31% à le penser.
« L’ennemi a changé. Mais il est toujours là, avec le fondamentalisme religieux. Il faut évidemment le combattre, avec lucidité et avec l’objectif de défendre les principes même de la société ouverte et libérale », pointe de son côté Christophe Caresche, en écho aux attentas du 13 novembre. Ajoutant que la France est aussi « menacée de l’intérieur par une forme de déclinisme des mouvements populistes ». En bref, notre pays est confronté à une crise de sa propre représentation, ayant été touché dans ses propres valeurs.
A qui la faute ?
Pour Benjamin Gillet, « la campagne politique perpétuelle » fait voler en éclat l’unité nationale. « Les logiques de partis et les consignes » contribuent à la fracture entre le peuple et la classe politique.
Christophe Caresche ne met pas uniquement en cause les partis politiques. Les intellectuels défendraient trop peu la société libérale, faisant le lit des discours anti-européens. « Tous ceux qui tiennent à la société doivent se mobiliser pour la défendre », lance alors le député PS fidèle au projet politique des Gracques.
Enrico Letta n’a pas hésité à dénoncer directement la responsabilité des politiques, dans la crise de représentativité actuelle. « Seule la politique d’authenticité peut gagner aujourd’hui« , a affirmé l’ex-président du Conseil italien dans un débat marqué par l’entre-soi des élites politiques. « Elle se trouve dans ce qu’on a vécu, les choix qu’on a fait ».
Internet, un outil de participation citoyenne
Si cette recherche d’authenticité est si importante pour Enrico Letta, c’est que l’arrivée d’internet « rend nécessaire une transformation des relations entre élus, électeurs, partis, candidats, et militants. »
De fait, le fulgurant succès du Mouvement Cinq Etoiles serait en partie dû à l’opportunité donnée aux italiens de s’exprimer sur un internet. « Il faut rompre avec la vie politique traditionnelle ». « Les réponses doivent être nouvelles en termes de méthodes, de participation des gens à la vie politique et de sélection des candidats. J’aimerais que les partis antisystèmes ne soient pas les seuls à donner la possibilité aux citoyens de participer », assène-t-il.
Selon Enrico Letta, cette rupture est essentielle pour lutter contre le Front National. « En France, la force des institutions empêche aujourd’hui le Front National d’entrer dans le jeu des décisions politiques. Mais je ne crois pas qu’on puisse continuer de penser que 30% des électeurs sont fous ou hors du système. »
Représenter fidèlement l’opinion
Animés par cette même volonté de prendre en compte les opinions des citoyens, Robert Rochefort prône pour sa part l’instauration d’une dose de proportionnelle dans les élections législatives. « Aujourd’hui, il y a sûrement plus de 40% des français qui ne sont pas représentés par les partis politiques », s’insurge-t-il. « Et la France est un des deux seuls pays de l’Union Européenne sans représentation proportionnelle dans son Parlement ! »
Sans proportionnelle, le système demeurera celui d’une alternance entre deux partis. « Notre constitution comporte un paradoxe. Le chef d’Etat détient des pouvoirs très forts. Néanmoins, il se comporte plus en chef de parti qu’en chef d’Etat. L’alternance ne permet pas de réaliser des réformes dynamiques et durables », pointe du doigt Robert Rochefort.
Le temps des coalitions ?
L’instauration de la proportionnelle faciliterait l’émergence de coalitions qui, selon Robert Rochefort, permettent d’exclure les « déraisonnables » et d’agir non plus par idéologie mais par pragmatisme. D’après le sondage réalisé par La Péniche, 53% des étudiants se disent d’ailleurs favorables à gouvernement de coalition.
Pour Roland Cayrol, directeur de recherche associées au CEVIPOF, il importe de sortir de cette « guerre de religion » et de « restaurer compromis permanent entre les forces existant dans l’arc-en-ciel démocratique ».
Dans l’imminence des prochaines élections régionales, c’est d’ailleurs une entente entre la gauche, la droite et le centre qui est préconisée par les différents intervenants en cas de triangulaire avec le FN au second tour. « C’est une question de volonté politique », ajoute Christophe Caresche, député de Paris.
« Cette fusion ne doit pas être évitée », avertit quant à lui Roland Cayrol. « Sur le plan mondial comme sur le plan français on est en 1932. Chacun doit prendre ses responsabilités. Ceux qui refusent cette union prennent un risque lourd. »