Être bâtisseur.euse à la fête de l’Humanité : c’est comment ?
Les bâtisseurs et les bâtisseuses sont des acteurs de l’ombre dont le travail reste souvent méconnu des bénéficiaires, mais qui sont pourtant essentiels à l’organisation de la fête de l’Humanité. Pour percer leur mystère, nous avons demandé à deux étudiants de Sciences Po de nous faire un retour d’expérience sur leur participation à l’organisation de cette grande liesse populaire.
La fête de l’Huma revient pour sa 88ème édition ! L’événement qui se décrit lui-même comme « culturel, politique et populaire » se tenait cette année sur la base 217, entre les communes de Brétigny-sur-Orge et du Plessis-Pâté dans le département de l’Essonne (91). Perçu comme un grand rassemblement de la gauche, la fête du quotidien éponyme ne s’illustre pourtant pas – du moins cette année – par l’union de toutes les composantes de la famille politique. « À la fête de l’Huma, la gauche met en scène ses divisions » titre Le Monde en évoquant notamment un rassemblement portant sur la reconquête des classes populaires où Jean-Luc Mélenchon fait huer son « rival communiste » Fabien Roussel.
Toutefois, la fête de l’Huma parvient toujours à attirer des partisans de tout le spectre de cette gauche plurielle. Parmi eux, les sciencespistes sont bien évidemment au rendez-vous ! Eux-mêmes se scindent en deux catégories. Nous avons d’abord ceux qui se félicitent du rapport qualité/prix du billet pour le quadruple ou quintuple concert qu’ils se sont dégotés. Il faut les comprendre : Disiz, Angèle, Djadja & Dinaz, Bigflo et Oli…tout ça pour 50 euros ! D’un autre côté, il y a les militants aguerris venus quant à eux écouter la grande messe de leurs mouvements politiques ou tout simplement des experts à l’occasion de débats enflammés. Au sein de ce groupe, nous nous intéressons à la petite partie de vaillants sans qui cette liesse n’aurait pas pu voir le jour : les bâtisseurs et les bâtisseuses.
La fête de l’Humanité a accueilli cette année quatre-cent-trente-mille personnes selon Thibaud Veiss, directeur général de l’événement. On parle d’une véritable ville éphémère avec toute la logistique qui s’en accompagne. Celle-ci n’aurait pu voir le jour sans le concours de tous les bénévoles qui affluèrent bien avant nous autres, simple public. Mais concrètement un bâtisseur, c’est quoi ?
Vous l’avez sûrement aperçu en Péniche, se dressant fièrement derrière la bannière du PCF. Plusieurs jours avant la fête de l’Humanité, Ulysse écoulait déjà des places à tarif militant, vendues à 40 euros au lieu 55. L’étudiant en deuxième année nous explique que du fait de son adhésion au Mouvement des jeunes communistes de France (MJCF), il dispose de bons de soutiens : « On les vend dans des espaces dédiés. Il y a une volonté propre à ce festival de rendre la culture plus accessible. Sciences Po étant un espace étudiant, il est pertinent d’y vendre ces places ». C’est ainsi qu’Ulysse se mobilise en amont des festivités.
Toutefois, l’essentiel du travail de bâtisseur réside en la préparation du site et à l’installation des stands la veille de la fête de l’Humanité. Dans les faits, il s’agit de travaux logistiques et de manutentions. Ulysse et Alix Zimmermann nous renseignent sur les opportunités qu’offre cette arrivée anticipée. Tous deux parlent surtout des échanges entre militants. Ceux-ci sont « internationaux, interculturels et intergénérationnels » selon Alix, adhérente au Nouveau Parti Anticapitaliste. Étant sympathisants des mouvements représentés, les bâtisseurs et bâtisseuses viennent des quatre coins de la France. Nos deux sciencespistes évoquent aussi un cadre plus propice aux rencontres entre les militants. « Pendant la fête, on est trop dans le rush pour cela » explique Alix.
Par ailleurs, la fête de l’Humanité ne se limite pas au militantisme français puisqu’elle attire aussi des mouvements étrangers proches des valeurs défendues par le quotidien et entretenant des liens historiques avec la gauche française. Un espace leur est dédié, le « village du monde » précise Ulysse. « Je suis devenu pote avec des irlandais, des haïtiens et des libanais » ajoute-il.
Concrètement, les missions des bâtisseurs restent raisonnables de telle sorte à ce qu’ils puissent profiter du festival. Ulysse et Alix s’occupent tous deux de la sécurité de leur stand respectif. Les dispositifs autour de cet aspect sont beaucoup plus importants qu’il n’y paraît selon la militante au NPA : « L’année dernière, j’étais allée à la fête de l’Huma en tant que simple bénéficiaire. Je n’avais pas idée de toute l’attention portée à la sécurité ». Ses missions ne s’arrêtent pas là puisqu’elle a eu l’opportunité d’organiser un débat avec une représentante des Soulèvements de la Terre. Les rôles qu’occupent les bâtisseurs et les bâtisseuses sont donc divers, et la possibilité d’en définir les contours leur est laissée.
Ulysse résume son expérience de bâtisseur à la fête de l’Humanité de la sorte : « Ça a été une perspective de découverte et de cohésion pour moi. C’est vraiment une expérience de vie pour moi dans la mesure où je me suis senti participer à quelque chose d’immense ». De quoi donner envie d’en être pour l’an prochain non ?
Crédits images : Alix Zimmermann