Démocratie européenne : les sections sciencespistes haussent le ton
« Doit-on faire la démocratie européenne ? » C’est autour de cette question, pour le moins ambitieuse, que se sont retrouvés les partis politiques de Sciences Po mardi 10 novembre dernier, lors d’un débat animé par Sciences Polémiques.
A chacun sa paroisse
Ce sont des intervenants confiants, concentrés, plus ou moins bien habillés, qui se sont exprimés tour à tour face à un public attentif.
Dans cet entre soi phallocratique, on retrouve plusieurs catégories d’orateurs : les révoltés de la première heure (les éternels camarades du Front de gauche et du FN) ; les désespérés qui disent encore espérer (PS, Républicains, UDI) ; et enfin les optimistes idéalistes qui appellent à une refonte du système (Ecolos, Nouvelle Donne).
Les Ecolos ont insisté sur la nécessité de mettre en place une politique de convergence sociale, les Républicains de renforcer le rôle d’arbitre joué par l’Union Européenne, tandis que le FN, nostalgique, s’est chargé de louer les grands hommes qui ont « fait la France », de Chateaubriand à de Gaulle, afin de justifier leur volonté de repli patriotique.
Théophile Gayard, porte-parole de Nouvelle Donne, dans une parfaite rhétorique, reprend l’idée que l’Union Européenne telle qu’elle existe aujourd’hui n’est ni efficace ni viable, et qu’il faut donc la refonder entièrement. Nouvelle Donne confirme ici sa position radicale et souhaite monter une nouvelle entité politique, rejoint par les citoyens ayant approuvé leur adhésion par référendum.
Le Parti Socialiste, de son côté, expose son point de vue à travers la voix assurée de Milan Malik qui rappelle la nécessité d’accroître la représentativité du peuple européen, en appelant de ses vœux la formation d’un Parlement Européen, comme l’a suggéré François Hollande récemment.
Malgré cette volonté d’affirmer les idées propres à leurs partis, force est de constater une certaine convergence dans leurs propos.
Un vrai faux débat ?
Tous s’accordent sur un point : la démocratie européenne telle qu’elle existe est condamnable. Ainsi, malgré un lexique plus ou moins propre à chaque parti (on retrouve les habituels « pourris » du Front de Gauche pour qualifier les hautes figures de l’Union Européenne, le « vivre-ensemble » du PS, ou encore le « participatif » de Nouvelle Donne) la critique qui revient est toujours la même : nous sommes sous le joug d’une oligarchie européenne qui ne sert que ses propres intérêts.
Ces intérêts apparaissent trop orientés autour des questions économiques et trop peu sur les enjeux sociaux. Le Front de Gauche dénonce une Europe aux mains des banquiers. Les Ecolos souhaitent revoir les priorités de l’Europe, au profit d’une plus grande politique sociale.
A entendre la majorité des intervenants donc, l’Union Européenne est une institution oligarchique, ploutocratique, agissant pour le seul compte des lobbys.
C’est alors que l’UDI s’empresse d’ajouter son grain de sel. Elle rappelle que le Parlement est élu au scrutin proportionnel, le plus démocratique qui soit, et ce depuis la première élection de 1979. Le parti souligne également l’existence de la procédure d’initiative citoyenne instaurée par le traité de Lisbonne qui permet aux citoyens européens de formuler des propositions à la Commission.
C’est en effet un aspect de l’Europe trop peu cité et encore méconnu aujourd’hui, le débat étant monopolisé autour des failles de cette institution démocratique pour certains, technocratique pour d’autres.
Renouer avec la démocratie
Doit-on y entendre un message désespéré concernant l’avenir de l’Europe ? Que nenni : il faut simplement, pour reprendre les termes de Lucas Rochette-Berlon, au t-shirt vert de sa couleur politique, « donner le pouvoir au peuple ».
C’est donc là la clé d’une nouvelle démocratie européenne : les citoyens doivent être au cœur de cette nouvelle Europe afin de la faire fonctionner. L’UDI préconise un recours plus fréquent aux référendums, mesure soutenue par plusieurs de ses opposants, notamment le PS et Les Républicains.
L’UDI appelle également à l’élection d’un Président de la Commission Européenne au suffrage universel direct, afin de lui conférer une légitimité réelle. Nouvelle Donne va plus loin en appelant à une refonte complète des institutions européennes afin d’impliquer davantage les citoyens et de les laisser gouverner directement.
Les solutions proposées par les représentants des partis sont souvent bien pensantes et idéalistes. Nouvelle Donne, au travers de la voix de Théophile Gayard, ne perçoit pas cet utopisme comme un obstacle. Plutôt que de chercher à unir tous les peuples, l’Union Européenne doit accueillir les pays qui le souhaitent réellement, ceci passant par une adhésion par référendum, afin de construire une Europe réduite certes, mais unie.
L’Europe de la qualité plutôt que l’Europe du nombre donc. Ce n’est pas l’avis du porte-parole des Républicains, qui s’appuie sur Philippe Seguin, de manière honorable d’abord, pour rappeler que l’Union Européenne ne peut avancer que sur des compromis et que tout l’enjeu est « l’acception de la minorité par la loi de la majorité ». Il résume sa pensée en concluant en finesse que « plus c’est gros, plus ça passe ».
Si l’on souhaite avancer en effet, la simple réponse donnée par le FN à l’injonction autoritaire d’une élève forte aimable demandant aux intervenants de résumer en un mot le pire défaut de l’Union Européenne, à savoir « son existence », risque de ne pas être suffisante.
On retient donc du débat la nécessité de mettre en place une Europe politique plus que diplomatique ainsi qu’une assise devant donner plus de pouvoir au peuple. C’est au cœur même des intérêts des représentants.
Nous n’oublions pas la déclaration d’amour du FN pour la démocratie et leur haine envers le tofu – que cette rédactrice approuve pourtant fortement et appelle tout un chacun à en faire autant. En usant de métaphores charmantes pour critiquer tous les faits et gestes de l’Union Européenne, le FN a accusé le pauvre Tsipras, après l’avoir paradoxalement loué, d’être « passé sous la table » ! Nous n’en demandions pas tant…