Zellidja, ou la plongée dans l’inconnu

Un article de Clara Marchaud.

Il y a un an, j’ai entendu parler des bourses de voyage Zellidja pour la première fois. Une amie de lycée allait partir seule pour un mois au Maroc pour y étudier l’émancipation de la femme. Son voyage était financé par cet organisme au nom étrange. Pour moi, c’était le premier pas de l’aventure Zellidja.

 zellidja

 

Les bourses Zellidja ont été créées en 1939 par l’architecte Jean Walter,  du nom des mines dont il est propriétaire à  la frontière marocaine-algérienne. Cette idée lui était venue d’un voyage de 6000km jusqu’à Istanbul, qu’il avait effectué à bicyclette alors qu’il était étudiant. Agrémentée en 2008 par le Ministère de l’Éducation Nationale, la fondation aujourd’hui est financée par des mécènes privés et publics.

En juin dernier, c’était donc à mon tour, de découvrir le voyage en solitaire. Après avoir monté mon projet et passé un entretien, je me suis lancée pour un mois seule en Ukraine. De Kiev à Odessa, j’ai rencontré des étudiants, activistes, réfugiés dont je tire maintenant le portrait pour mon rapport de voyage. À mon retour, j’ai voulu rencontrer les « Z » – nom donné aux boursiers Zellidja – de Sciences Po, confronter leurs expériences à la mienne. Portraits.

 

Une rencontre avec soi-même

« On est vraiment maître de ce que l’on fait », Audrey Chamboredon

Anne-Lise Vernières est partie en 2015 en stop « À la découverte du patrimoine naturel irlandais le long du Wild Atlantic Way ». Pour la jeune fille qui est rentrée en 1ère année il y a peu, ce voyage lui a surtout appris l’autonomie et « à se sortir de situations complexes ». Ainsi, la jeune  voyageuse est partie sans avoir de logements prévus sauf un pour la première semaine qu’elle avait pu trouvé sur un site de couchsurfing. « Je ne voulais absolument pas dormir à l’auberge ou dans un hôtel. Quand je me suis rendue compte que je ne trouvais pas j’ai appelé plusieurs endroits dont un centre de thalasso thérapie expliquant que je pouvais dormir n’importe où et les aider à l’hôtel. On a accepté de me loger quatre jours » détaille-t-elle.

Rue en Ukraine: partir, c'est aussi se confronter à une nouvelle langue ! Photographie: Clara Marchaud
Rue en Ukraine: partir, c’est aussi se confronter à une nouvelle langue ! Photographie: Clara Marchaud

Pour Audrey Chamboredon, étudiante en 2ème année à Dijon qui a effectué un voyage autour de la place de la littérature dans l’identité écossaise en 2015 alors qu’elle n’était encore qu’en terminale, le projet a été vraiment formateur. En plus des détails pratiques comme apprendre à monter un budget, à contacter des inconnus, c’est surtout « le fait de voyager seule qui a été une expérience enrichissante ». « Zellidja encourage à poursuivre un projet très personnel, on est vraiment maître de ce que l’on fait » explique l’étudiante qui confie avoir beaucoup gagné en audace.

 

La découverte de l’Autre

« Quand je suis arrivée, ils n’avaient jamais vu de blanc de leur vie, ils avaient peur de moi », Chloé Chastel

« Voyager seul permet de faire des rencontres que l’on n’aurait pas faites en groupe, on est forcé d’aller vers l’autre » estime Audrey. C’est aussi le constat de Cloé Chastel, étudiante en césure entre sa 4ème et 5ème année de master Human Rights and Humanitarian Action. En 2012, lors de son premier voyage au Népal sur la condition des enfants, elle avait marché 5 jours pour rencontrer les sherpas, peuple venu du Tibet se nicher dans les montagnes himalayennes. « Quand je suis arrivée, ils n’avaient jamais vu de blanc de leur vie, ils avaient peur de moi » raconte-t-elle. « Malgré la barrière de la langue, tu commences à échanger et tu te rends compte qu’ils dépassent leur peur » poursuit la voyageuse qui a passé quelques jours dans ce village à aider aux champs et à la cuisine.

Guillaume Surmont, étudiant terminant sa 5ème année en double-diplôme avec la Freie Universität de Berlin, lui, dit avoir reçu une leçon d’humanité et de générosité lors de son voyage en Afrique du Sud en 2015 « à la rencontre des Afrikaners du XXIème siècle ». Il se souvient d’une rencontre « qu’il n’oubliera jamais » avec une famille recomposée du Cap Occidental endeuillée par la mort du grand-père, qui l’a malgré tout accueilli pendant une semaine. « J’ai été particulièrement touché par leur harmonie, leur ouverture, leur générosité, leur force face aux événements mais surtout, par l’amour qui émanait d’eux » confie l’étudiant qui repart cette année en Louisiane pour étudier les cultures francophones.

"C'était la première fois que je voyais des éléphants d'aussi près et surtout, en liberté!". Photo: Guillaume Surmont, Afrique du Sud
« C’était la première fois que je voyais des éléphants d’aussi près et surtout, en liberté! ». Photo: Guillaume Surmont, Afrique du Sud

 

Un voyage à vie

Le voyage Zellidja forge le caractère et laisse une marque bien longtemps après le retour. Les deux voyages de Cloé au Népal puis au Cameroun ont influencé son choix de master et son parcours professionnel. « J’ai tellement été bien accueillie que j’ai eu envie de faire pareil ». Pendant son année de césure, la jeune femme a travaillé pour l’association Aurore de lutte contre l’exclusion. Elle part à l’automne prochain à Calais avec Médecins du Monde. « L’envie de découvrir et le respect de l’autre sont des valeurs qui se sont incarnées de manière professionnelle pour moi » estime-t-elle.

Mais c’est les mots d’Anne-Lise dans son carnet de voyage qui selon moi, représentent le plus « l’esprit Z ». Lors de ses pérégrinations en Irlande, la jeune fille écrivait « un voyage n’est pas une fin en soi mais il donne l’envie d’y revenir, et laisse un goût tellement agréable que l’on a envie d’y re-goûter ».

 

Pour de plus amples informations, consultez le site de Zellidja.