Tribune inter-IEP : Pour des Sciences Po à la hauteur des enjeux écologiques

La crise sanitaire que nous vivons rappelle la vulnérabilité de notre modèle de civilisation, déjà fragilisé par la crise écologique et sociale. Au vu de l’urgence, les Sciences Po doivent s’engager dans une transition écologique concrète, ambitieuse et collective. Les Sciences Po, qui aspirent à former leurs étudiant.e.s aux grands enjeux contemporains, doivent prendre en compte les enjeux écologiques, sociaux et démocratiques. Ils ont la responsabilité d’agir, dès aujourd’hui, pour engager, au sein de l’enseignement supérieur, une transition écologique concrète et planifiée. Depuis des décennies, la communauté scientifique, relayée par la société civile, nous alerte. Plus que jamais, nous devons engager un changement conséquent de nos modes de vie. Or, jusqu’ici, les efforts faits à la marge ne sont pas suffisants pour atteindre les objectifs des accords internationaux et rectifier la trajectoire écocidaire sur laquelle nous nous sommes engagé·e·s. Le temps des petits pas est désormais révolu.

Artificialisation des sols, réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité, inégalités climatiques : la crise écologique et sociale fait désormais partie de notre quotidien. Il est temps d’agir. Collectivement. Face à la mesure du changement à atteindre, nous appelons nos établissements à prendre leurs responsabilités et à agir de manière participative et concrète.

Avec le concours d’associations et de collectifs, les étudiant·e·s s’activent déjà depuis de nombreuses années afin de faire évoluer les pratiques de leurs écoles respectives, sensibiliser à la crise écologique et sociale mais, surtout, montrer qu’une autre voie est possible.

 Nous souhaitons aujourd’hui répondre à l’appel lancé par les étudiant.e.s de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye pour une convergence des mouvements écologistes dans tous les Sciences Po. Pour ce faire, nous avons constitué un collectif composé de l’ensemble des associations écologistes des Sciences Po. De manière concertée, nous avons donc établi une liste de 10 propositions à mettre en œuvre d’urgence. 10 propositions pour une transition écologique concrète et planifiée. 10 propositions pour que les Sciences Po soient enfin à la hauteur des enjeux écologiques.

Pour une gouvernance écologique, inclusive et éthique

1. Écrire une Charte contraignante et commune à tous les Sciences Po, faisant des enjeux écologiques et sociaux une de leurs priorités. Conditionnée à la participation de la communauté étudiante, enseignante et des membres du personnel ; la rédaction de la Charte doit être précédée de la réalisation d’un « Grand Baromètre » de l’établissement (créé par le collectif Pour un réveil écologique).

2. Rédiger, ou mettre à jour, le « Plan Vert » (loi Grenelle I, 2009). Celui-ci doit être rédigé ou mis à jour par le Comité mentionné dans la proposition 4, et reprendre les éléments déjà établis par le Référentiel et le Canevas de « Plan Vert » en établissant des objectifs précis. Il doit faire l’objet d’une révision régulière, adaptée aux spécificités de chaque campus.

3. Créer dans chaque campus des Sciences Po, selon le mode de gouvernance correspondant, un poste de chargé·e de mission de la transition écologique, aux compétences décisives. Accompagné·e du comité mentionné dans la proposition 4, iel sera chargé·e de mettre en œuvre le « Plan Vert » (loi Grenelle 1, 2009) de l’établissement. Membre du Conseil d’Administration, iel veillera à ce que toutes les décisions soient désormais pensées à travers le prisme des enjeux écologiques et sociaux.

4. Créer un comité de planification de la transition écologique et sociale, chargé d’élaborer le « Plan Vert » de l’établissement et de contrôler sa mise en œuvre. Il serait composé à ⅓ d’étudiant·e·s, ⅓ de membres de l’administration (direction, équipe pédagogique, équipe administrative, membres du personnel) et ⅓ de scientifiques extérieur·e·s à l’établissement.

Pour un enseignement et une recherche à la hauteur des enjeux écologiques

5. Intégrer les enjeux écologiques et sociaux à tous les enseignements. Il s’agit également d’inclure dans les maquettes fondamentales, de manière obligatoire, des enseignements sur les enjeux actuels afin de nous préparer aux défis du XXIème siècle. Nous attendons un corpus sur les limites planétaires et l’écologie scientifique, sur les humanités environnementales, sur l’histoire, l’économie et les pensées écologiques ; avec une attention particulière portée aux problématiques sociales. Il serait établi sur l’ensemble des années de formation des étudiant·e·s. Ouvrir le champ des projets professionnels en relation avec la transition écologique et sociale aux étudiant·e·s dès la 1ère année.

6. Créer un pôle de recherche liant les sciences sociales et l’écologie, qui serait commun aux Sciences Po et à des établissements de recherche dans le domaine des sciences de la Terre et du vivant.

7. Développer des partenariats avec des établissements de l’enseignement professionnel, technologique et d’ingénierie afin d’adopter une approche pluridisciplinaire dans une démarche écologiste et sociale, notamment dans les domaines suivants : rénovation thermique, conservation de la nature, paysages, gestion de l’eau et méthodes de recyclage.

Pour des campus éco-responsables

8. Décarboner les activités des Sciences Po, en réalisant notamment dans chaque campus un bilan carbone annuel public qui ne reste pas lettre morte, ainsi qu’une réduction des déplacements obligatoires polluants (mobilité internationale des étudiant·e·s, déplacements obligatoires des salarié·e·s, professeur·e·s et intervenant·e·s).

9. Eco-responsabiliser les campus, en mettant en place des solutions spécifiques à la situation de chacun d’entre eux. Il s’agit, entre autres, d’établir un plan végétalisation et biodiversité, de réduire les déchets, mais aussi de mettre à disposition des étudiant·e·s une restauration soutenable, éthique et locale en collaboration avec les acteurs concernés.

10. Conditionner les partenariats financiers, logistiques et professionnels à un cahier des charges public établi par le comité de planification de la transition écologique et sociale.

Nous exigeons la mise au vote d’une déclaration de principes reprenant nos propositions lors du prochain conseil d’administration de nos écoles respectives. Notre collectif s’est rassemblé pour faire résonner la voix de l’écologie dans les Sciences Po et interpeller nos directions dans une démarche publique et transparente.

Nous nous sommes nourri·e·s des travaux menés par nos associations respectives ainsi que d’initiatives inspirantes telles que les Fridays For Future, les « Plans verts » mis en place par certaines écoles et universités, ainsi que la proposition de loi sur l’intégration des enjeux écologiques à l’enseignement supérieur (2019). Nous espérons ainsi contribuer, comme d’autres étudiant·e·s l’ont fait auparavant, à la transformation écologique de l’enseignement supérieur français.

Pour signer l’appel du Collectif Ecologiste Inter-IEP: https://framaforms.org/pour-des-sciences-po-a-la-hauteur-des-enjeux-ecologiques-1589971713

Liste des premiers signataires :

Associations écologistes des Sciences Po de France

Association pour la Protection de la Nature et des Animaux (APNA) et Sekoïa de Sciences Po Aix ;
Echo’logik de Sciences Po Bordeaux ;
Agir Alternatif de Sciences Po Grenoble ;
La Ruche de Sciences Po Lille ;
Volonterre de Sciences Po Lyon ;
Collectif pour la Décroissance, Ecophilia, Sciences Po Environnement et Sciences Po Zéro Fossile de Sciences Po Paris ;
Les Décaenté·e·s et Révol’vert de Sciences Po Rennes ;
le Comité d’Action pour le Système-Terre (CAST) et Solidarités de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye;
Alter’bureau de Sciences Po Strasbourg ;
et Gaïa de Sciences Po Toulouse.

Personnalités

Yann AGUILA – Juriste, avocat et professeur de droit public ;
Manon AUBRY – Eurodéputée La France Insoumise et co-présidente du groupe parlementaire confédéral GUE/NGL ;
Dominique BOURG – Philosophe et directeur de la rédaction de la revue La Pensée écologique ;
Valérie CABANES – Juriste internationaliste et présidente d’honneur de Notre Affaire à tous ;
Marine CALMET – Juriste, présidente et co-fondatrice de Wild Legal ;
Alain GRANDJEAN – Économiste et président de la Fondation  pour la Nature et l’Homme ;
Jean JOUZEL – Climatologue et directeur de recherche émérite au CEA ;
Arthur KELLER – Expert et consultant des vulnérabilités systémiques et de la résilience ;
Corinne LEPAGE – Avocate et ancienne Ministre de l’Environnement ;
et Marie TOUSSAINT – Eurodéputée Europe-Ecologie – Les Verts.

Associations et organisations de jeunesse

CliMates, Pour un Réveil Écologique, RÉseau Français des Etudiants pour le Développement Durable (REFEDD), Together For Earth, Youth For Climate France.