Le deuxième étage du Café du Commerce

Lincoln_debating_douglas.jpgPeut-on vraiment débattre à Sciences Po ? C’est une question qu’il est légitime de se poser. On peut, naturellement voir le sujet sous deux angles divergents : car se poser la question de l’existence d’un espace de débat à Sciences Po est en-soi un débat, appréciez la mise en abîme.

Il y a ceux qui répondront que nombreux sont les clubs où l’on apprend à nos jeunes germanopratins les rouages de l’éloquence, les subtilités de la joute oratoire, la botte de Nevers du combat des idées. C’est vrai, ces clubs représentent un enseignement fondamental quand on sait la tendance qu’ont nos étudiants à se lancer dans une carrière politique sitôt le diplôme en poche. Il y a ceux qui diront que ces clubs enseignent un exercice de style : les thèmes débattus sont volontairement alambiqués afin de tester les capacités d’adaptation des participants qui ne choisissent pas forcément, d’ailleurs, sous quel aspect ils les traitent. Le but est donc d’entrainer, d’enseigner et d’apprendre ou bien, en épicurien du verbe, d’apprécier l’esthétique de la joute oratoire.

Que reste-t-il de l’échange d’idées ? Murmures au coin d’un couloir, lyrisme brouillé sur les bancs des bars attenants à Sciences Po (ceux qui font la bière pas chère) ; on semble encore chercher l’Agora du 27.

A LaPéniche.net nous avons cherché à savoir comment les étudiants décryptaient l’actualité, les grandes questions de société et nous avons à ce titre décidé d’offrir une tribune à nos lecteurs : le deuxième étage du café du commerce. Une discussion de comptoir si l’on veut, autrement dit ouverte à tous, mais organisée de façon sérieuse et justifiée.

Deux étudiants (que nous nommerons J. et F.) se sont portés volontaires pour animer ce débat : dans un premier temps les thèmes seront fixés, deux thèses antagonistes seront développées et les lecteurs seront invités à prendre part au débat, tout d’abord en postant des commentaires puis en participant à l’élaboration des thèses ainsi qu’au choix des thèmes s’ils le souhaitent. Le but est qu’à terme tous les étudiants puissent venir s’exprimer librement et soient à la fois acteurs et spectateurs d’une discussion construite.

Je pressens qu’à la lecture de ces précédentes lignes les crocs acérés de nos lecteurs contestataires s’aiguisent encore plus sous le poids de l’indignation. « Comment, se disent-ils, des étudiants au bagage intellectuel aussi lourd qu’un baisenville, s’octroieraient le droit – voire pire, se le ferait octroyer – de commenter l’actualité, de donner leur avis sur les questions de société ». Il est alors de notre devoir de rappeler ce précepte, celui-là même qui fait vivre LaPéniche depuis qu’elle existe : il n’est pas besoin d’un diplôme pour avoir une conscience, traiter l’information et donner son avis doit être accessible à tout le monde, c’est la base d’une discussion. Qui plus est, on peut estimer, en adoptant un ton plus moralisateur (et casse-bonbon je vous le concède) que si nos étudiants ont le droit de vote, c’est qu’ils ont par là même le droit de penser et de s’exprimer.

Cependant, trêve de provocation et d’autocritiques présupposées ; place au débat, à la rixe, au conflit des idées. (dès samedi)

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