Le dernier Guillaume Musso, Plaidoyer pour un roman de plage
A l’heure où les sciences-pistes s’acharnent à masquer leur ennui au bord de plages et de piscines, période qu’on nomme communément les vacances d’été, survient parfois un phénomène étrange. Lassé des pavés obscures survolés pour briller dans les diners mondains à venir, ainsi que par les précoces lectures obligatoires des cours du semestre d’automne, il arrive qu’on se laisse aller à considérer le rectangle tape à l’oeil négligemment posé dans un coin. On lit sur la couverture : 7 ans après, de Guillaume Musso. Et pourquoi pas ?
Bien sûr, On a toujours dénigré ce genre d’auteurs, cette « littérature plébéienne » qu’il est bon de mépriser en parfait petit germanopratin que l’on est, d’autant plus que son succès populaire nous donne raison. Honni, Marc Levy. Haro sur Musso. Et ce sans avoir perdu le temps d’en lire une ligne, Faut pas pousser ! Pourquoi pas donc se faire une opinion, une bonne fois pour toute, en connaissance de cause ? C’est dans cette optique que La Péniche s’est attelée à l’exploration de cet univers méconnu des locataires des bancs de Boutmy qu’est la littérature de plage.
« Pelotonnée sous la couette, Camille observait du fond de son lit le merle posé sur le bord de la fenêtre » (Incipit, Ch.1, p.1)
Et malgré toute la bonne volonté du monde, il faut concéder que, dès les premières lignes, cela pique les yeux. La langue est pauvre, la grammaire et la syntaxe sont simples, voire simplistes, voire indigentes. Plus encore, le lecteur doit affronter une série de poncifs stylistiques plus ou moins digérables (oui, certes, le ciel est souvent bleu, et les mines des voyous souvent patibulaires ; est-ce nécessaire de le préciser ?). Guillaume Musso parle français, là n’est pas la question, mais il impose à son livre un style tellement plat qu’on s’imaginerait devant la rédaction d’un collégien studieux.
« Le visage fermé, Nikki fumait, accoudée au bastingage, le regard fixé au loin sur la majesté et l’exubérance du pont Alexandre III » ( Ch.35, P.215)
Plat également, le synopsis de 7 ans après, qui narre l’aventure d’un couple divorcé New-Yorkais, le père bourgeois consciencieux, la mère artiste bohème, brouillés puis se réconciliant à la suite de l’enlèvement de leurs enfants, périple qui les mènera, au gré des cartes postales, de New York à Rio, en passant par Paris. Kidnapping, règlement de compte, jeux de dupes sur fond d’autopsie d’un couple, les rebondissements sont convenus mais on se prend au jeu, au gré d’une construction fluide.
« La carcasse de l’avion s’étendait devant eux. Enorme, saisissante, effroyable. » (Ch.63, p.375)
Et c’est là qu’on peut trouver la force du roman de Musso. Ses écrits sont vivants, les pages finissent par se tourner d’elles-même et, pour peu qu’on ne cherche pas autre chose qu’un divertissement de hamac, on prend un certain plaisir à suivre les pérégrinations des protagonistes. On ne peut, en effet, reprocher à Guillaume Musso d’être un mauvais conteur, de ne pas savoir tenir en haleine son lecteur.
« Si vous leur donnez les coordonnées de l’emplacement de l’avion, ils vous exécuteront dans la minute, vous et vos enfants. » (ch. 62, p. 366)
Cliffhangers et autres usages de matériaux extra-littéraires (insert d’articles de journaux, guides touristiques) permettent ainsi à l’auteur de rythmer son récit, lui donnant une résonnance presque télévisuelle. 7 ans après pourrait ainsi se ressentir comme l’adaptation textuelle d’une série de l’été grand public, avec ses succès et ses écueils. Dans la verve d’une tradition de divertissement estival, Musso emprunte autant aux romans feuilletons qui fleurissaient dans la presse française du XIXème siècle, type Les Mystères de Paris d’Eugène Sue, dont on retrouve la langue fluide, le goût de laisser le lecteur en suspens, que la gouaille populaire d’un Plus belle la vie.
On sort ainsi du roman l’esprit léger, peut-être pas vivifié, mais l’on peut concéder à Musso, qui se déclare humblement « conteur » plutôt qu’ « écrivain », le crédit de divertir, sans prétention et avec un certain talent, les longues après-midis de torpeur méridionale.
Guillaume Musso, Sept ans après, XO Editions
3 Comments
Thibault
roooooooh, sérieusement, un peu de second degré … juste une larme, Olivier, juste une larme.
Olivier
Ainsi le sciences-piste ne lirait des « pavés obscurs » que dans l’unique but de « briller dans les dîners mondains »? d’un côté la littérature « chiante » et de l’autre Musso et Lévy? Belle vision!
Remarquable par ailleurs que tout ce que la Péniche ait trouvé à défendre soit Guillaume Musso quand bien des contemporains gagneraient à être défendus.
virgile b
Cher Samuel,
Si l’envie te prenait de te pendre à un saule pleureur avec ton baisenville, je serais disponible les week-end et jours fériés pour venir cracher sur ta tombe.
Cdt