2012, le goût de l’apocalypse

untitledDifficile d’échapper au matraquage publicitaire nous abreuvant d’images de chaos : le film 2012 fait parler de lui. Avec 65 millions de dollars de recette lors de son premier week-end en salle, Roland Emmerich rattrape presque le score de son film précédent, The Day after. La veine du catastrophisme rapporte, la fin du monde est à la mode.

Elle le sera encore plus la veille du 21 décembre lorsqu’une foule d’enragés en tout genre nous prêchera le repentir, puis se réveillera le lendemain avec cette terrible déception : ce monde n’est, hélas, pas prêt de brûler. Beaucoup plus que le film, c’est l’engouement pour ce thème qui se révèle fascinant, avec ce qu’il suggère sur l’esprit du temps, quoique la passion de l’apocalypse ne date pas d’hier. Bien entendu, il est hors de question de généraliser le rapport au film qui reste propre à chacun, mais également de feindre que ce thème soit caractéristique de notre époque. Nous pouvons cependant esquisser quelques traits emblématiques.

Le goût pour l’apocalypse pourrait être le symptôme d’une certaine forme de rapport de l’individu et de la société au temps. Il s’agirait d’un temps qui ne se pense plus dans la continuité, mais dans le culte de l’instant : un monde que l’on consomme et consume, et après nous le Déluge, en l’occurrence le cataclysme planétaire. Sommes nous capable de nous projeter dans un avenir qui soit autre que l’anéantissement? Le sentiment permanent de culpabilité, l’impression de ne pas aller dans le bon sens, ceci nous ronge peut être au point d’être impatients de voir venir ce qui est selon nous inéluctable. De manière générale, qu’il s’agisse des dangers climatiques ou de crise économique, peut être que le sentiment reflété est celui de la paralysie face à un futur qui se déroule sans nous, à un destin dont nous ne tenons plus les rênes. C’est cette perception d’un monde privé de possibles, d’un non-futur, qui contribue à nous suspendre dans une seule dimension, le présent, sans projection vers l’avenir. Avons nous encore des espoirs? Qui marche vers un idéal? Peut être que le goût de l’apocalypse naît de la crise du progrès, l’impression que l’on ne peut regarder que sur terre ou au ciel, mais sans jamais les voir se rencontrer, à l’horizon. Si c’est le cas, si nous sommes privés d’avenir, alors pas d’inquiétude, car la fin du monde a déjà eu lieu.

Cependant, ne l’oublions pas, rares sont les pensées de la destruction non accompagnées par celle de la reconstruction. La table rase, le nouveau commencement, voilà qui pourrait évoquer aux États-Unis le geste fondateur, car c’était bien du « Nouveau Monde » qu’il s’agissait à l’origine de leur histoire, même si ce monde empruntait beaucoup à l’ancien. 2012 n’échappe pas à cette règle du renouveau, et dessine une nouvelle humanité. La régénerescence est encore l’occasion de penser un type de temps précis, un temps « charnière » qui sert de transition, et qui se distingue du temps figé sans avenir. Quel pourrait être ce temps du passage? Peut être celui durant lequel le monde occidental prend conscience qu’il n’est pas la seule dimension du monde. Peut être celui où de nouveaux enjeux amènent à briser les cloisonnements culturels, à une union face à l’avènement de périls, eux aussi mondialisés. Bref, peut être que l’union et l’action n’ont lieu que face à l’apocalypse, dans une communauté rassemblée par la peur. A nous de montrer que la prévoyance, la sagesse ou le simple bon sens peuvent nous diriger, que nous ne sommes pas que ces bœufs, qui n’avancent qu’une fois piqués par l’aiguillon. Une bonne résolution pour regarder 2012 sans complexes.

Illustration: collider

One Comment

  • ou...

    Ou alors Emmerich avait juste envie de refaire un film où tout explose dans un déluge d’effets spéciaux, donc il a ecrit un scénario qui tient en une ligne: 2012 c’est la fin du monde.
    Et après il a fait péter pleins de trucs.