« Visca Catalunya Lliure! » (Vive la Catalogne libre!)

catalogne_inline.jpgÇa vous a peut être échappé, mais la Catalogne traverse une période décisive pour son histoire, et avec elle l’Union Européenne, qui jouera peut être un rôle nouveau qui fera jurisprudence.

En effet, voici la question qui a été posée à 700,000 électeurs catalans le 13 décembre : « Etes-vous favorable à ce que la Catalogne soit un Etat souverain, social et démocratique, intégré dans l’Union européenne ? ». 171 communes ont participé à ce référendum symbolique (rien d’officiel pour le moment) et, sans surprise, le Oui l’a emporté à 94,8%.

Ce résultat peut s’expliquer par deux facteurs. Premièrement, le facteur structurel: la Catalogne a les moyens et la légitimité d’être indépendante: elle dispose déjà d’une très large autonomie. Elle a sa propre langue, sa propre culture, sa propre histoire. Elle a déjà été indépendante et dispose actuellement de ses propres lois, sa propre constitution, son propre Parlement, son propre Président, sa propre vie politique. Elle a même sa propre équipe de football ! De plus, en tant que région la plus dynamique d’Espagne (à peu près autant que la région madrilène), disposant d’une industrie forte, du premier port méditerranéen et d’une économie tertiarisée et financiarisée, le tout sur un territoire comprenant plus de sept millions de personnes, on peut penser qu’elle a largement les moyens d’être auto-suffisante.

Le deuxième facteur est conjoncturel. En effet, les catalans se sentent de plus en plus opprimés par le gouvernement espagnol – en plus d’être ouvertement rejetés de la société espagnole. La Catalogne, en tant que région riche, participe en effet financièrement au développement des régions moins développées de la péninsule ibérique, via des taxes prélevées par l’Espagne sur certaines activités en Catalogne. Un sentiment d’injustice grandît alors dans la nation catalane, puisque parallèlement à ces efforts le territoire catalan souffre d’un réseau de transports chaotique et de grosses coupures d’électricité, faute à l’insuffisance chronique des investissements des compagnies espagnoles sur le territoire catalan. C’est ainsi qu’est né un sentiment de spoliation de la Catalogne par l’Espagne.

Mais à ce sentiment de spoliation s’ajoute une impression de manque de respect du régime espagnol envers la société catalane, que traduit ce passage de l’éditorial commun signé par douze journaux catalans le 26 novembre: « le croissant ras-le-bol de devoir supporter le regard courroucé de ceux qui continuent à percevoir l’identité catalane comme un défaut de fabrication empêchant l’Espagne d’atteindre une impossible et rêvée uniformité ». En effet, il faut savoir qu’un nouveau statut d’autonomie a été voté en 2006 par les parlements espagnols et catalans ainsi que par référendum en Catalogne: ce statut accordait une plus grande autonomie à la Catalogne, et surtout reconnaissait l’existence d’une nation catalane. Mais ce texte attends depuis 4 ans la décision du Conseil constitutionnel espagnol, qui chercherait selon des fuites dans la presse à supprimer la référence à la nation catalane. Si tel est le cas, il ne fait nul doute que l’on assisterait à une radicalisation et une propagation de l’indépendantisme en Catalogne, déjà à un niveau historiquement haut.

Mais, au delà de la Catalogne, ces évènements auront probablement un lourd impact sur l’Union Européenne. En effet, si le référendum était jusqu’alors symbolique et non officiel, un autre référendum sera organisé en 2010 notamment par les grandes villes comme Barcelone. Il n’y a nul doute que la décision de la capitale catalane aura un poids non négligeable sur la politique espagnole dans son ensemble. En outre il semble que le statu quo actuel ne pourra pas tenir sur le long terme – ce qui est incontestablement une porte ouverte pour l’indépendance. Ce serait alors le premier exemple d’une nation qui conquiers son indépendance notamment grâce à l’Union Européenne, qui permettra de régler ce différend sans que « les tanks espagnols ne déboulent sur la Diagonal de Barcelone » (propos rapportés par Libération).

On savait que les catalans se sentaient plus européens qu’espagnols. Ainsi l’Union Européenne pourrait trouver une de ses raisons d’être dans la possibilité pour tous les peuples européens de s’autodéterminer, indépendamment des frontières et des États tels que définis aujourd’hui – et une telle dynamique commencera probablement par la Catalogne.

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Illustration : La Croix

9 Comments

  • françoisdelaportemaillot

    Alors là! une Catalogne indépendante ça c’est vraiment l’avenir!!!!!
    Vive la république de Venise, les états du Vatican et le duché de Normandie.
    Vive le vlaams belang, la ligue du nord Le Pen, Le Vaucluse La Seine et Marne indépendante et.. et la porte Maillot!!!

  • veinat d'en pere

    Le valencien est un parler catalan comme le roussillonnais et le parler de l’alguer.La mondialisation est une catastrophe sauf pour les gigantesques cartels.Une catalogne indépendante dans l’union européenne ferait le bonheur de 7 M de catalans et contribuerait à maintenir une diversité qui est en
    train de se perdre.

  • Galan Edwin

    J’ai beaucoup aimé le commentaire de Virreinato, qui rétablit certaines vérités honteusement effacées dans cette article, aucunement constructif ou simplement instructif, mais bien plus propagandiste. Le référendum où le oui gagne à 94% ne concernait qu’une partie de la catalogne, sa partie la plus rurale, tandis que Barcelone, bien plus ouverte, n’a pas été consultée (sans doute les indépendantistes avaient peur d’un résultat négatif dans la capitale, ce qui les aurait contredit). De même, la participation à la consultation populaire a été assez faible. Le résultat ne vaut donc presque rien, et ne peut pas être pris au sérieux pour affirmer que la catalogne VEUT son indépendance..
    Je voulais aussi faire une petite critique au commentaire de Virreinato, lorsqu’il dit que le valencien est un dérivé de la langue catalane, ce qui n’est absolument pas vrai, mais bon c’est néanmoins une critique de portée limitée.

  • Henriette et Gaston

    Voilà un commentaire qui me semble aller au coeur du coeur des choses ! On aimerait savoir ce que l’auteur de l’article trouve à répondre…

  • Virreinato

    J’ai laissé passer quelques fautes de français bien bêtes que je corrige de suite (car je sens bien que les premières réponses vont concerner cet aspect somme toute secondaire de mon message…) : « la mentalité y est tout autre » (et pas « toute autre »); « ils préfèrent l’utiliser pour leur pomme » (et non pas « il préfère l’utiliser… »); « Je vous saurai gré », bien évidemment, et pas « Je vous serais gré »…
    Voilà, on pourra se concentrer sur le fond, maintenant…

  • Virreinato

    Ce genre d’article consensuel me fait toujours rire, notamment dans le manichéisme simple qu’il propose : méchante ville de Madrid et méchante Espagne qui étouffent gentille Catalogne… Guère digne d’une analyse politique et surtout historique digne de ce nom !
    Comme le disait dernièrement l’hispaniste britannique Raymond Carr, dans une interview accordée au journal espagnol « El Mundo », en Europe, une Catalogne libre aurait le poids politique et économique du Luxembourg. Il faut éviter de faire la Catalogne plus puissante qu’elle ne l’est : indépendante, la Catalogne ne vaudra pas grand’chose dans le jeu européen, et encore moins mondial. Mais si c’est ce qu’elle veut…
    Par ailleurs, je tiens à rappeler que s’il existe une évidente inertie du gouvernement madrilène face à la question de l’indépendance catalane, le gouvernement de José Luis Zapatero a accordé beaucoup de droits et de « fueros » spécifiques à l’autonomie. En contrepartie, qu’a fait la Catalogne ? Supprimer le castillan (langue officielle de tous les Espagnols selon la Constitution de 1978, je le rappelle) de presque tous les enseignements, depuis le primaire jusqu’au supérieur. Et que dire des administrations ? En théorie toujours, le catalan et le castillan y sont à égalité, mais allez donc demander des renseignements en castillan, et vous verrez comme vous serez reçu… Le fait est que la Catalogne est mille fois plus fermée à l’Espagne que l’inverse; c’est déjà probant à Barcelone, mais ça l’est encore plus dans les autres provinces de l’autonomie, que ce soit à Lérida, Gérone ou Tarragone, qu’aucun article prônant l’indépendance de l’autonomie ne cite jamais d’ailleurs. La mentalité y est toute autre; si Barcelone reste encore une métropole cosmopolite et relativement ouverte, la campagne ou les villes catalanes moyennes sont d’une mentalité rurale très conservatrice (dans le mauvais sens du terme) et fermée.
    Madrid n’étouffe pas Barcelone. C’est un cliché qui arrange bien évidemment les indépendantistes catalans et qui fait passer Madrid pour la capitale politique et administrative sectaire qu’elle donnait l’impression d’être sous la dictature Francisco Franco. D’une part, Madrid (que ce soit la ville ou le gouvernement espagnol) est une métropole plus importante que Barcelone à tous points de vue et sans doute plus ouverte que la capitale catalane. Si Madrid souffrait d’un déficit d’image il y a encore vingt ans, les choses changent très rapidement et elle reprend largement le rôle qui lui était dû en tant que capitale de l’Espagne (car, que l’on soit d’accord ou non, elle reste la capitale de ce pays). C’est bien d’ailleurs cette perte de position dominante qui fait peur à Barcelone, et c’est aussi l’une des raisons de l’esprit indépendantiste si fort qui l’anime. On est loin de tout idéal d’autonomie ou de la pauvre Catalogne vilainement traitée par les méchants Madrilènes; c’est d’autant plus vrai que Barcelone peut difficilement soutenir qu’elle est étouffée aujourd’hui, alors qu’un grand nombre de « fueros » et autres droits lui ont été accordés dès 1978, et bien plus encore par les « estatutos » successifs votés par le gouvernement espagnol. On se croirait encore au temps de Franco ou, pire encore, au XVIIIème siècle, sous le règne des Bourbons d’Espagne (mais j’imagine que dans votre souci de victimiser la Catalogne et d’en faire une gentille région si maltraitée, vous avez oublié de vous intéresser vraiment à son histoire).
    Vous dites que la Catalogne, l’une des régions les plus riches du pays, refuse de continuer à payer pour des autonomies moins fortunées ? Bel idéal que celui de l’indépendance, dans ce cas : les Catalans ne veulent tout simplement plus partager leurs richesses, il préfère l’utiliser pour leur pomme. Que dirait-on en France si la région parisienne ou la région rhodanienne hurlaient à chaque fois qu’il fallait payer pour le Limousin ou la Basse-Normandie… Car finalement, n’est-ce pas cela, un État moderne digne de ce nom : une nation dans laquelle les régions se sentent solidaires et tâchent de passer outre leur égoïsme premier ? Bravo les Catalans ! Et cet égoïsme est d’autant plus fort que si Barcelone déteste Madrid (cette haine n’est pas sans fondements, certes, mais elle est clairement exagérée et instrumentalisée), Barcelone a développé un très fort racisme (et je pèse mes mots) contre l’Andalousie, que tous les médias catalans n’hésitent pas à montrer systématiquement comme une région de sous-hommes sous-développés (c’est clairement le propos), pauvre (alors que la région la moins privilégiée en Espagne n’est certainement pas l’Andalousie mais bien l’Extrémadure, mais je suppose que vous n’en étiez pas au courant non plus…) et méprisable. Bel exemple d’ouverture européenne, à nouveau ! Et on voudrait nous faire croire que la Catalogne est la victime qui cherche juste à récupérer ses droits…
    Mais il faut dire que les indépendantismes catalan ou basque se sont toujours fondés sur un principe de rejet et d’exclusion : tout ce qui n’est ni catalan, ni basque doit disparaître. On le constate aisément avec la langue, comme je l’ai déjà montré, mais la rhétorique indépendantiste catalane le prouve dès le départ : au XIXème siècle, les Bases de Manresa (1892), qui constituent encore aujourd’hui le fonds idéologique de l’indépendantisme catalan, prévoient très clairement et textuellement l’exclusion pure et simple de tous les éléments non catalans de l’administration, de l’organisation politique… Pire encore : l’indépendantisme catalan se fonde sur un délire religieux validée par l’Église catholique de l’autonomie, qui ferait de la Catalogne le porte-drapeau des peuples opprimés, le peuple élu de Dieu. Entre racisme pur et simple et sectarisme religieux niais, on ne sait plus que choisir. Et la démonstration vaut aussi pour le Pays Basque : n’oublions pas que le fondateur de l’indépendantisme basque, Sabino Arana, justifie la spécificité basque sur la langue, les « fueros » et… la race basque ! Certains hommes politiques basques n’ont pas non plus hésité à déclarer récemment qu’il existait un « chromosome basque » ?! Mais ceux qui défendent l’indépendance de la Catalogne et du Pays Basque doivent bien sûr être en accord total avec ces merveilleux principes qui font de Barcelone ou Vitoria des havres de paix et d’ouverture… face à la méchante Madrid ! A d’autres…
    Enfin, comment se fait-il que la Communauté de Valence ou les Baléares, que vous occultez savamment dans votre article, ne veuillent pas devenir indépendantes ? Pourtant, ces deux autonomies comptent sur une langue dérivée du catalan (le valencien) et, pour l’une d’entre elles, sur la troisième ville du pays ! Et que dire du siècle d’or valencien (ou Renaissance valencienne), du Royaume de Valence, qui ont autant de fondement historique que les Comtés Catalans, voire plus ?! Car il faut ajouter que la « Marca Hispánica » du Moyen-Âge, prétendument voulue par Charlemagne lui-même, n’a jamais existé en tant qu’entité politique et administrative unie et centralisée autour de Barcelone; tout au plus pourrait-on parler de quelques comtés dispersés (Vic, Pallars, Urgell, Ampurias…), avec certes une prééminence des comtes barcelonais, mais dont l’importance est à relativiser face à l’extraordinaire extension, dans le même temps, de la Castille ou, dans une moindre mesure, de l’Aragon. Pour poursuivre sur ma lancée, pourquoi la Galice, à son tour, avec une langue officielle (qui est même à l’origine du portugais actuel !) et qui cultive ses spécificités propres, ne demande pas l’indépendance ? Certes, son réseau urbain est moins développé que celui de la Catalogne (tout au plus peut-elle compter sur quelques grandes villes comme La Corogne, Orense ou Vigo ainsi que sur l’attrait touristique de Saint-Jacques-de-Compostelle), elle est moins riche que la Catalogne, mais si ce sont uniquement ces facteurs économiques qui jouent pour parler d’indépendance possible ou non, alors il va vite falloir que Munich (ancienne capitale de Royaume, je le rappelle) se sépare de l’Allemagne et que Lyon se constitue en une cité souveraine face à Paris !
    Il faut dire que les Galiciens ont bien compris que jusqu’à maintenant, toutes les particularités (« peculiaridades ») historiques et culturelles qu’ils développent sont loin d’avoir toujours des fondements réels : personne, jusqu’à présent, n’a réussi à prouver scientifiquement l’importance de l’histoire celte ou suève pour la Galice ! Et il en va de même pour beaucoup d’aspects catalans : si certains spécificités sont indéniables, Barcelone n’en cumule pas réellement plus que Séville, en Andalousie, ou Oviedo, dans les Asturies ! Mais tout cela se réduit encore une fois à une histoire de gros sous, et comme je l’ai amplement démontré, la force économique d’une ville ou d’une région européenne ne suffit pas à la proclamer indépendante…
    Je vous serais donc gré de bien vouloir éviter de reproduire la propagande catalane (car à ce stade de contre-vérité, on tombe dans la propagande ou, au mieux, dans la désinformation) et surtout de réviser un peu votre histoire de l’Espagne !
    Cordialement.
    NK

  • A. Bouillot

    Je ne crois pas que la mondialisation et l’effacement progressif des frontières aillent à l’encontre des revendications indépendantistes catalanes. Bien au contraire: ces revendications se sont renforcées avec le sentiment d’étouffement par Madrid. Le but de l’indépendance est donc avant tout l’obtention d’une relation d’égalité entre deux entités distinctes, bien plus à mon sens que l’obtention de nouveaux pouvoirs par Barcelone, qui fait déjà presque ce qu’elle veut… Cela peut paraitre paradoxal, mais je pense qu’une soumission à Bruxelles serait plus acceptable que la même soumission à Madrid: on comprends que les catalans soient européens et à ce titre voisins et amis des espagnols, mais l’affirmation madrilène selon laquelle les catalans sont espagnols ne passe pas pour les raisons évoquées dans l’article.
    En fait, ce qui se dit dans les milieux indépendantistes en des termes plus extrêmes, c’est que n’importe quelle situation serait préférable à ce jeu de « je t’exclus mais ne te laisse pas partir » – et surtout l’option européenne, objectivement idéale pour un Etat qui se constituerait.

  • Sven

    J’aurais aimé savoir l’opinion du rédacteur sur un point :

    Puisque tu sembles avoir étudié la question – au passage je t’en remercie parce que l’information m’avait échappée – est-ce qu’il ne ressort pas des commentaires d’experts ce qui semble évident à un étudiant du XXIe siècle : les mouvements d’indépendance régionale ne sont-ils pas en totale contradiction avec la mouvement « naturel » et « irrémédiable » à la mondialisation? Comme si penser que des groupements nationaux encore plus petits et nombreux allait empêcher un effacement des frontières? Parce qu’entre nous, que vaut une Catalogne libre si elle obtient son indépendance sans aucun des attributs de la souverraineté d’un état (monnaie, politique – je rappelle que les politiques nationales en europe sont dictées par Bruxelles – etc)…?