Soulagement et incertitude

Samedi 30 AVRIL. Poème d’exil. Parisiens, comment trouver les mots justes pour décrire l’horreur ?

24 février, Invasion.


Rangez les charrues, place aux chars russes
Aux bombes et aux coups de feu
Aux tombes et aux échafauds
Par la forêt, par la montagne
La dictature avance à grandes enjambées
Par la forêt, par la montagne
La dictature déploie ses forces armées
L’Ukraine ne peut demeurer ainsi plus longtemps.


25 février, Évasion.


Dans la capitale, tout le monde sur le Kyiv-vive.
Les gourdes et les gares se remplissent
On dévalise les placards et on fait ses valises
Au revoir Papa, au revoir Papi, au revoir tonton
Les larmes coulent, on les laisse sur le front
Certains sont prêts à laisser leur vie pour l’Ukraine
D’autres vont partir mais laisser leur vie en Ukraine
A ce train là, le combat sera vite fini
Avec ce train là, il faut que les femmes quittent le pays
Avant que ça dégénère, avant que ça tourne mal
Avant qu’on perde ses nerfs et que ça devienne animal.


26 février, gare de Kiev aux aurores


Tout le monde à bord, tout le monde à bord !
On se marche sur les pieds et on marche sur la tête
Les enfants se serrent au fond du wagon
Ivan et Aliocha discutent sur la banquette
Sur un ton grave et en vidant leurs flacons.
La mère Viktoria pleure à chaudes larmes
Pour son fils Maxsim pas de maternelle
Pour son fils Dennis pas d’université
Un départ précipité au milieu du vacarme
Et dans leur malheur, pas de paternel
Car il en faut bien pour prendre les armes
Pour sauver l’univers et la cité.
Pour leur paternel pas d’éternel
Dieu saura-il le ressusciter ?

27 février, arrivée dans la ville de Lviv


A l’Ouest rien de nouveau
La détresse est toujours aussi vive
L’air de la guerre est toujours aussi chaud.
Pour Tatiana, personne n’est venu
Personne ne l’aiguille ni ne lui montre
Comment se repérer dans l’inconnu
Et tous les inconnus fuient sa rencontre.
Il lui faudra pourtant dès le lendemain
Prendre ses deux enfants sous les bras
Prendre son courage à deux mains
Prendre le train qui la sauvera.


28 février, Przemyśl approche


Plus que quelques mètres avant la frontière
C’est le rêve polonais et tout le monde s’y accroche
Un pays ami où règne Droit et justice
Pour nos amis qui ont la peau claire
Pour nos amis qui ont la peau lisse
Pour les autres c’est la police
Pour les autres c’est la galère.
Maria repart déjà pour Katowice
Où l’attendent sa tante et son frère
Une petite chambre fera l’affaire
Jusqu’à la fin du supplice.


30 février, la fin de l’Histoire ?

Un exil au-delà du temps:
Commencer une nouvelle histoire
Ou revenir dès le Printemps ?
Garder espoir ?
N’en demandez pas tant !
Dans ce combat sans victoire
Un courage épatant
Des familles méritoires
Qui ont toujours serré les dents
Qui n’ont jamais cessé de croire.
Dieu saura-il les ressusciter ?

Diego ANTONUTTI