Paris est une fête – Impressions d’un Québécois dans la capitale

Il est 5h, Paris s’éveille. Le jour est finalement arrivé. Les petites filles qui trépignent d’impatience depuis des semaines cessent enfin d’embêter leurs parents. La journée est d’une importance telle que les Français en ont fait un rituel festif et annuel, comme Noël ou le 14 juillet. Alors les soldes battent leur plein, on s’échange des cadeaux, les mômes cavalent dans tous les sens, aux grands hommes la patrie se montre incessamment reconnaissante, et de ce fait, nous avons droit au discours enjoué du Président de la République.

Aujourd’hui est le jour de grève national dans les transports en commun. Forcément, les Parisiens sont euphoriques; ils ont une raison supplémentaire pour se plaindre. Effectivement la grève, ils la kiffent à fond, elle déchire totalement. C’est de la balle quoi, la grève. Bien qu’elle soit d’envergure nationale, elle culmine dans la capitale, comme le défilé sur les Champs-Élysées. Le plus intéressant se déroule à l’intérieur des murs, ces palissades de Paris qu’on surnomme amicalement le périf’.

Le défilé parisien du jour de grève national, c’est un chaos post-apocalyptique absolument innommable : embouteillages monstres de bagnoles, scooters et piétons qui grouillent stressés par millions à travers six mille rues. En première ligne, les chauffeurs de taxi s’en trouvent à la fois ravis et extasiés, poussent des hurlements, s’en prennent plein la gueule et s’en foutent plein les poches. Comme chacun sait, « à New York les taxis sont jaunes, à Londres ils sont noirs et à Paris ils sont cons ».

La Ville de Paris, et particulièrement son maire (auquel on prête des ambitions présidentielles), a donc mis sur pied un système de vélos en libre-service. Le principe est simple : on paye, on prend un vélo au point A, on fait Tout-Paris en 30 minutes (parce qu’après c’est plus cher) et on restitue ledit célérifère au point B. Tout en tentant de contourner les réjouissances nationales, le fêtard avertit enfourche un vélo qui l’amènera à l’université. Apparemment, il FAUT s’instruire, même les jours de fête nationale. Il prend Saint-Martin jusqu’au boulevard de Bonne Nouvelle, et avant d’atteindre les grands magasins (qui font à la fois le Bonheur des Dames et celui des Ogres), prend un raccourci rue de Cléry, puis à gauche en passant devant le Ventre, rue du Louvre.

Ne reste alors qu’à tenter de battre le record mondial de la visite la plus rapide du célèbre musée, établi en 1964 par une Bande à part. Facile : avec un vélo, il suffira de pédaler, et ce sera rapide. Le fêtard, dans toute sa lucidité, renonce aussi promptement en voyant le visage désapprobateur du gardien de sécurité. Il aboutit – pas le choix – sur le Pont des Arts et en traversant, dévore du regard la Seine, crie intérieurement PARIS JE T’AIME!, puis remonte successivement rue des Saints-Pères, Grenelle et Saint-Guillaume jusqu’au numéro 27 : l’École libre des Sciences Politiques.

Jour de grève, jour de fête. Ici c’est Paris.

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