Nouvelles précisions sur la réforme du Collège Universitaire

Un article d’Ulysse Bellier et Clara Marchaud, avec la contribution de Yann Schreiber et Gabrielle Radet.

Dates, effectifs, maquettes, esprit. Dans un entretien à La Péniche, Bénédicte Durand, doyenne du Collège Universitaire, révèle les premiers détails de ce qu’elle appelle « l’acte 2 » de ce Collège. Une première année stable, des majeures obligatoires en deuxième année, un rendu final à Paris au retour de la 3A constituent les éléments d’un nouveau “Bachelor of arts” que Sciences Po entend faire reconnaître.

Bénédicte Durand, doyenne du Collège Universitaire. Photographie: Yann Schreiber
Bénédicte Durand, doyenne du Collège Universitaire. Photographie: Yann Schreiber

 

Un calendrier fixé pour la création d’un collège en réseau

 

Le transfert des effectifs à Reims se fera de manière progressive, avec « environ 1000 étudiants cette rentrée et 1600 en 2018 » détaille Bénédicte Durand. Aujourd’hui, la volonté initiale, issue du projet « Sciences Po 2022 » de rééquilibrer les effectifs du Collège Universitaire entre Paris et Reims se concrétise. L’aménagement progressif du campus champenois, avec notamment un amphithéâtre de 600 places ouvert à la rentrée 2017, doit rendre possible cette évolution. La nouvelle promotion 2021 est donc la dernière à connaître le collège universitaire sous sa forme existante. Ainsi, la promotion qui entrera en 2017 va suivre, pour chaque année, des maquettes pédagogiques renouvelées par la réforme.

Un autre pan de cet « acte 2 » de Sciences Po 2022 est la réflexion sur les Conventions d’Education Prioritaire, qui fêteront leurs 15 ans en novembre. « Les étudiants CEP ont vocation à être présents sur tous les campus. Le mouvement est déjà enclenché [déjà une vingtaine à Reims en cette année] mais reste à accroître » nous confie Mme Durand, qui dit garder en tête l’objectif de 10% de CEP et 30% de boursiers au Collège Universitaire.

« On va s’éloigner de la logique de fonctionnement de campus avec une identité très propre, très programmatique »

Si Reims est un pôle important de cette nouvelle réforme, le campus de Paris n’a pas vocation à disparaître. « Un campus parisien va rester avec un projet particulier, sur lequel on n’est pas totalement fixé aujourd’hui » explique la doyenne. En effet, si les bicursus – environ 180 par promotion – restent dans la capitale, d’autres étudiants de Collège y seront, mais sans que l’on sache leur éventuelle spécificité. Bénédicte Durand envisage l’éventualité de « proposer des spécialités géographiques » à Paris. L’effectif du Collège Universitaire parisien va donc être réduit, même si l’équilibre entre étudiants diplômants, en échange et en double diplôme reste à déterminer. Cependant, l’acquisition de l’hôtel de l’Artillerie permettra de garder une croissance stable des effectifs, aux alentours de 2%. En effet,  le nombre en hausse d’étudiants en masters et en échange devrait compenser le « transfert » d’une part du Collège Universitaire.

L’idée déjà avancée par Frédéric Mion d’un collège en réseau semble confirmée par les propos de la doyenne du Collège Universitaire. L’acte 2 de la réforme a ainsi pour but de s’appuyer sur un « curriculum » – parcours pédagogique – commun à tous les campus.

« On va s’éloigner de la logique de fonctionnement de campus avec une identité très propre, très programmatique » insiste la doyenne, tout en précisant que les campus délocalisés garderont leurs spécificités, notamment dans leur enseignement des langues. « Il faut arrêter de regarder Paris et regarder le Collège comme un objet contemporain. Aujourd’hui on vit dans un monde en réseau et le Collège Universitaire de Sciences Po vit en réseau ».

 

Bibliothèque du campus rémois. Photographie: Joanna Lancashire et Mary Belykh / The Sundial Press
Bibliothèque du campus rémois. Photographie: Joanna Lancashire et Mary Belykh / The Sundial Press

 

 

Des maquettes pédagogiques renouvelées

 

La grande nouveauté de cette réforme est la création d’un « Bachelor of arts » pour le Collège Universitaire, sur le modèle anglo-saxon. Cette réforme est également synonyme de « 1A, 2A, 3A nouvelles autour d’un cadrage académique un peu plus fort » et d’une « logique de spécialité géographique moins présente » explique Bénédicte Durand.

Ainsi, la réforme est nourrie par une volonté de renforcer la culture commune de Sciences Po dès la première année. Celle-ci changera relativement peu avec les cinq matières fondamentales, à charges horaire égale, à quoi s’ajoutent des cours d’humanités. La 2ème année connaîtra les changements les plus importants avec une majeure obligatoire à choisir, en plus d’un tronc commun affaiblit. « On transforme un peu la logique du choix des approfondissements, qui reste assez faibles, pour en faire une logique d’orientation, une logique de projet pour l’étudiant », détaille Mme Durand.

Si les titres des majeures ne sont pas encore définitivement fixés, on sait déjà qu’elles seront au nombre de trois: « Politique et gouvernement », « Économie et société » et « Humanités politiques ». Cette dernière majeure, inspirée du succès des bicursus avec Paris IV, est née de la volonté de M. Mion de « valoriser des disciplines moins structurés dans la culture de l’établissement, comme la littérature, l’art et l’histoire de l’art, la philosophie ou l’anthropologie ».

Bénédicte Durand sait que certains étudiants suivent des bicursus de manière informelle et ne s’en dit pas inquiète: « c’est au contraire un signal du besoin que les étudiants qui font des sciences sociales, ont des sciences humaines ». Pour la doyenne, « la spécialité géographique sera motivée par deux choses: la 3ème année et le campus d’origine ».

« Améliorer la compatibilité de l’offre pédagogique dans le cadre de la mobilité européenne »

La troisième année à l’étranger sera l’année d’approfondissement. L’objectif est de poursuivre son parcours à l’étranger afin de décrocher une mention à son Bachelor. « L’étudiant n’est cependant pas obligé d’aller chercher la mention » précise Bénédicte Durand. « Il peut également faire une année mixte avec 6 mois de stage et 6 mois d’études ». Il sera également possible de changer de majeure entre la deuxième et la troisième année, même si cela nécessitera plus de cours. Pour obtenir la mention à son Bachelor, il faudra avoir obtenu au moins 40% des crédits dans la matière.

Pour « acter » ces trois années d’études, tous les étudiants de 3ème année devront passer une épreuve à déterminer, de type soutenance, mais en aucun cas une épreuve sur table.

Cette réforme permettra donc de « donner une sorte de lisibilité de la cartographie de nos enseignements » et « d’améliorer la compatibilité de l’offre pédagogique dans le cadre de la mobilité européenne » affirme Bénédicte Durand. Autrement dit, l’administration va demander d’obtenir le grade – pas le diplôme – de licence.

Dans cette optique d’internationalisation du diplôme, la doyenne annonce par ailleurs la création d’un « référentiel de connaissances et de compétences qu’un étudiant de Sciences Po devrait avoir ». « C’est une réforme, pas une révolution », ajoute-t-elle.

Vue extérieure du Campus de Reims. Photographie: Joanna Lancashire et Mary Belykh / The Sundial Press
Vue extérieure du Campus de Reims. Photographie: Joanna Lancashire et Mary Belykh / The Sundial Press

 

Vie associative et professeurs : « Il n’y a pas d’inquiétude à avoir »

 

« Il faut qu’on arrête de regarder ce collège depuis Paris ».

Cette réforme, depuis qu’elle est annoncée, inquiète de nombreux acteurs de l’école. Avec, au premier chef, les associations étudiantes parisiennes. La vitalité de cette vie associative étant assurée en grande majorité par les étudiants du Collège Universitaire, la baisse de ses effectifs pourrait mettre en péril ce qui constitue un des grands attraits de l’école.

À cette inquiétude, Bénédicte Durand répond catégoriquement: « je pense qu’il n’y a aucune inquiétude à avoir ! », dit-elle, pointant la richesse associative des autres campus: « Il faut qu’on arrête de regarder ce collège depuis Paris ».

« Les associations sportives et les pratiques culturelles peuvent être extrêmement riches à Reims comme à Paris ! (…) Les étudiants bénéficieront d’une vie associative riche parce que – je vais vous dire une chose – ce sont eux, ce sont vous les créateurs de la vie associative », quel que soit le campus certifie la doyenne. Quand à l’accompagnement des associations dans cette réforme, elle dit travailler avec les équipes du directeur de la vie universitaire, Andreas Rossner, mais n’avance pas encore de mesures concrètes.

Ces engagements associatifs pourront être crédités au titre d’un parcours civique. Entendant répondre à la critique des élites, qui sont « attendues sur leur sens de l’intérêt général », ce parcours civique, obligatoire et crédité, pourra prendre des formes très différentes : projets collectifs, humanitaires…

« Si on a le goût de vous, on vous enseignera ».

L’autre question soulevée par le déménagement d’effectifs à Reims concerne les professeurs. Sciences Po accueille – c’est une spécificité – une proportion très importante, du moins à Paris,  de vacataires, qui travaillent souvent dans des institutions parisiennes (ministères notamment). Vont-ils vouloir enseigner en Champagne ?

La doyenne voit en cela l’expression d’une « peur ». « Il y a quelques grincheux et quelques institutionnels sédentaires et parfois un peu enfermés qui diront ça ».

Pour Bénédicte Durand, les professeurs qui veulent enseigner à Sciences Po iront sans soucis dans les campus: « si on a le goût de vous, on vous enseignera ». Les professeurs permanents à Sciences Po n’ont, quant à eux, pas le choix de leur mobilité.

 

 

Réactions syndicales et du BDE

 

  • « Le BDE est trop concentré sur le Collège Universitaire, il faut l’ouvrir [davantage] aux masters ».

Corentin Bonnet, nouveau président du Bureau des Elèves du campus parisien, apprend par La Péniche nombre de ces informations. Ses contacts avec l’administration dès janvier 2016 – soit bien avant la campagne BDE – et après sa prise de fonction, avec M. Roessner, ne l’ont initié qu’au calendrier de la réforme.

Selon lui, avec des effectifs parisiens plus faibles, le BDE fera « la même chose [que tous les ans], mais de façon beaucoup plus réduite ». Si le Gala (⅔ du budget du BDE) et le bal du bachelor ne sont pas impactés, le reste va voir sa voilure réduite. Des soirées plus petites, un week-end d’intégration réduit, des événements comme le Prix Philippe Seguin éventuellement compromis, un pouvoir moindre pour négocier des partenariats…

Pour contrecarrer les difficultés qui s’annoncent, il évoque un rapprochement « très fort », nécessaire et « logique » avec les associations des bicursus, « pour mettre en commun les moyens », de même qu’avec des associations de masters. Aujourd’hui, « le BDE est trop concentré sur le Collège Universitaire, il faut l’ouvrir [davantage] aux masters ».

Mais, élu pour un an, le BDE ne peut se projeter sur le long terme, d’autant plus que les transitions entre équipes semblent minimales. Un week-end intercampus, qui lui « tient à cœur », aura lieu cette année à Paris, en mars, preuve de ce début de rapprochement avec les campus délocalisés.

 

  • « Le rôle des syndicats est de rester vigilant sur les sujets flous »

Du côté des syndicats étudiants, on attend d’en savoir plus pour commenter, ce qui n’empêche pas UNI et UNEF de suivre l’administration sur les idées globales. « Orientations bonnes dans l’ensemble » pour Carla Sasiela, Présidente de l’UNI Sciences Po, même si  « il faudra voir » les décisions. Même son de cloche à l’UNEF, qui se satisfait de ce qui irait « dans l’intérêt des étudiants ».

La reconnaissance du bachelor « est un objectif central », car « la liberté en plus est une bonne chose » pour Maxime Gaborit, secrétaire général de l’UNEF Sciences Po,  qui cependant se « méfie de la mise en place ».

Il regrette que l’initiation de cette réforme ait été peu accessible aux syndicats, consultés en mai-juin dans 4 groupes de travail. « Il faut qu’on puisse apporter des points » ajoute-il, une quinzaine de groupes de travail se réunissant dans les prochaines semaines à ce propos.

L’UNI, de son coté, reste vigilant sur certains points, comme le concours d’entrée – non évoqué par la doyenne – ou une 3A « qui doit rester personnelle et pas trop scolaire ». « Cela ne doit pas empêcher certains cours d’ouverture » ajoute l’UNEF, qui trace « une ligne rouge » : pas de limitation de choix pour cette troisième année à l’international. Il faut préciser que certains étudiants en campus ont un choix restreint.  « Il faut qu’il soit possible de ne pas prendre de majeure ». Cela est clairement affirmé par Bénédicte Durand. Ces nouvelles majeures, ne « dérangent pas » l’UNI, si cela « reste utile et cohérent ».

« Nous n’avons pas de positions tant que nous n’avons pas d’éléments concrets là-dessus », déclare à la Péniche Maxime Gaborit. « Le rôle des syndicats est de rester vigilant sur les sujets flous » conclut-il, attendant d’obtenir ces informations de l’administration. Contactés, The Alliance et Solidaires n’ont pas répondu à nos sollicitations.