Mentir comme un arracheur….d’affiches
L’affiche dans le métro avec une jolie femme souriante en noir et blanc que l’on aperçoit encore malgré les lambeaux d’affiches qui l’entourent c’est lui! Villeglé, dont le centre Pompidou nous offre une rétrospective digne d’être vue.
Un simple arracheur d’affiches?
A l’occasion de cette rétrospective sont exposées les oeuvres « prélevées » presque chirurgiquement par Jacques Villeglé sur les panneaux d’affichage, dans le métro, sur les palissades qui fleurissent grâce aux travaux de reconstruction de l’après deuxième guerre mondiale. En effet, Villeglé se contente de découper des affiches arrachées et griffonnées par des mains anonymes mais n’intervient dessus que très rarament et ce pour de simples « coups de pouce », notamment lorsqu’il juge le message d’origine des affiches trop immédiat. Il retire alors quelques lambeaux supplémentaires pour le rendre moins directement accessible. Il brouille et dénature ainsi les affiches qu’il arrache à leur fonction originelle.
Une prise sur le monde contemporain
En effet, face à cette foule de messages publicitaires et politiques qui se développe après la deuxième guerre mondiale, arracher les affiches ou les gribouiller devient un moyen de réagir directement au trop plein communicationnel. Et ce au vu et au su de tous, créant ainsi une sorte de complicité entre les destinataires forcés de ces affiches et ceux qui y écrivent leur colère, leur mal-être ou leur approbation. Phénomène qui tend à s’amoindrir aujourd’hui en raison du développement des panneaux d’affichages mécaniques et autres grossièretés électroniques. Sans entrer dans un débat pseudoaltermondialiste et anti-société de consommation que je ne partage guère, il y a là de quoi nous faire réfléchir. Le développement de nouvelles technologies de communication devient -il un moyen de nous asservir plus sûrement à la publicité en nous laissant moins de prise matérielle pour y réagir? Il est néanmoins intéressant de voir qu’une question mille fois posée peut trouver de nouvelles résonances dans cette exposition.
Brouiller les pistes
Au delà d’une simple recherche esthétique, voilà donc en quoi consiste vraiment le travail de Villeglé. Il s’agit de brouiller les messages pour en créer de nouveaux à partir d’associations d’idées, de superpositions de couleur et de sens. Les mots deviennent objets, victimes, dépouillés de leur contexte ils sont comme dénoncés: que devient un mot si on lui subtilise sa définition… ou quelques lettres? Toujours dans cette lignée, on pourrait par exemple citer l’ouvrage Hépérile éclaté réalisé à partir d’un poème de son ami Camille Bryen, que vous pourrez voir dans la première salle de l’exposition
Miroir de nos réalités collectives
Les oeuvres de Villeglé deviennent ainsiun formidable récit populaire et alternatif de ces cinquante dernières années, de la crainte du communisme en passant par les premières dénonciations de la société de consommation jusqu’au passage de Le Pen au deuxième tour des élections présidentielles. C’est la foule grondante du métro qui remonte à la surface avec ses idéaux et ses colères. Allez futurs Enarques et grands pontes de la nation, venez voir grouiller et s’exprimer le petit peuple, même que c’est beau!
Au passage, je me permets de vous rappeler que compte tenu du prix relativement élevé de chaque exposition à Pompidou, mieux vaut se faire faire le pass à l’année qui ne vaut que 22 euros pour les étudiants.
One Comment
Valentine
Excellent article, je vais de ce pas prendre la carte à l’année pour Pompidou! <3