Le Mag’ : Jean-Michel Basquiat, portrait du « Radiant Child »

A l’occasion du trentième anniversaire de sa mort et de l’exposition qui lui sera prochainement consacrée à la Fondation Louis Vuitton, La Péniche se penche sur l’artiste Jean-Michel Basquiat, icône de l’art contemporain et du New-York underground des années 80.L’histoire de Basquiat est celle d’un mythe, celui du « Radiant Child » que la postérité lui a attaché. C’est celle d’un garçon intrépide, d’un sale gosse hypersensible, d’un peintre de l’urgence, insouciant dans sa vie mais cruellement honnête dans ses œuvres.Jean-Michel Basquiat naît le 22 décembre 1960 à Brooklyn, New York, d’une mère porto-ricaine et d’un père haïtien. Ses parents sont assez aisés grâce au métier de comptable de son père. Basquiat est un enfant surdoué, il parle trois langues à l’âge de sept ans et montre dès son plus jeune âge un intérêt pour le dessin. Il est sensibilisé à l’art par sa mère, qui l’encourage à développer ses talents et l’emmène régulièrement visiter les musées new-yorkais. Mais l’enfance de Basquiat se révèle être très difficile, à cause des violents troubles psychiatriques de sa mère et de la relation conflictuelle qu’il entretient avec son père, très strict et, selon certaines sources, violent. Ses parents se séparent en 1968, Jean Michel part vivre avec son père.

En 1976, lors de son retour à New-York après deux années à Porto Rico, Basquiat intègre l’école City-As-School dont la pédagogie alternative s’adresse aux adolescents doués. C’est un milieu qu’exècre Basquiat, déjà très anticonformiste et provocateur (il asperge de mousse à raser le proviseur de son lycée). Il y fait la rencontre du graffeur Al Diaz, qui devient son ami.A l’âge de 16 ans, Jean-Michel fugue pendant près deux semaines. Il est retrouvé dans un parc, sous acide. C’est sa première expérience de la rue, peut-être pas de la drogue, mais elles débutent une longue liste qui participera à créer le mythe Basquiat.

Untitled (Fallen Angel), 1981

En 1977, Jean-Michel commence le graffiti sous le pseudonyme de Samo (pour Same Old Shit) avec son ami Al Diaz. Ils couvrent les murs de Manhattan de slogans provocateurs, anticapitalistes et très virulents envers le monde de l’art : « Samo soigne les imbéciles », « Samo pour ceux qui ne tolèrent pas la civilisation » ou encore « Samo ne cause pas le cancer chez les animaux de laboratoires ».En 1978, à 18 ans, Jean-Michel quitte définitivement l’appartement de son père, décidé, comme il l’explique lui-même « à devenir une star ». Accueilli par plusieurs de ses amis, il commence à fréquenter les clubs underground et branchés de New-York, où il est vite remarqué pour son grand charisme et son sens du style assez (beaucoup) décalé. La même année, il entame une relation avec Alexis Adler. Le couple habite chez un ami proche, mais il est rapidement expulsé à cause du comportement de Jean-Michel : il peint sur tout ce qu’il trouve, les vêtements, les murs, le réfrigérateur et même la télévision.

Pour subvenir à ses besoins, Basquiat vend des cartes postales dans la rue. Il rencontre par hasard Andy Warhol dans un café, l’artiste renommé lui achète une carte postale : il s’agit de la première rencontre entre deux artistes compatibles et de futurs grands amis. Après la révélation de l’identité de SAMO dans un article de The Village Voice, Jean-Michel Basquiat arrête le graff en 1979 et fonde le groupe de musique noise Gray, qui consiste en gros à faire le plus de bruit possible en public.

En 1980, Jean-Michel est exposé pour la première fois avec plusieurs artistes de l’avant-garde New-Yorkaise lors de l’exposition The Time Square Show. Encouragé par le succès de ses œuvres, il quitte Gray, joue dans un film (jamais sorti), mais dont la production lui fournit son premier atelier.Il peint compulsivement et affirme son style artistique : des personnages noirs, squelettiques, aux figures monstrueuses, comme perdus dans un décor de couleurs criantes. Des phrases obscures ou chargées de nihilisme, de lutte anti-raciste, hurlantes de dégoût face à la superficialité et la banalité de la société américaine des années 80. Et une couronne, sa couronne, en guise de signature. L’année 1981 lance véritablement la carrière de Basquiat : il participe à 4 expositions, dont la première qui lui est entièrement dédiée, en Italie. Un article de René Ricard dans Artforum, intitulé « The Radiant Child », consacre le travail de l’artiste.

Most young kings get their head cut off

Son rayonnement s’étend en 1982, il réalise sa première exposition individuelle aux Etats-Unis, puis à Los Angeles, en Italie, et sa propre exposition à Zurich et à Rotterdam. Il participe à la documenta 7 en Allemagne, une exposition d’art contemporain quinquennale. S’ensuit une période de travail acharné : Jean Michel s’enferme dans son appartement et peint frénétiquement, aidé par les drogues (beaucoup de drogues). Il expose ensuite ses œuvres à la Fun Gallery de New York et conçoit lui-même son installation, complètement chaotique et délirante. Mais ses œuvres, par leur originalité, font taire les derniers critiques qui doutaient de lui.En 1983, Basquiat devient le plus jeune artiste à être exposé lors de la Biennal Exhibition du Whitney Museum de New-York. Grâce à Paige Powell, sa petite amie journaliste, Jean-Michel se rapproche de Warhol. Ils deviennent de très bons amis et réalisent plusieurs peintures collaboratives avec un autre artiste, Francesco Clemente. Durant cette période, Basquiat entretient aussi une relation avec Madonna (oui oui, la chanteuse).

Skull, 1981

L’artiste enchaîne les expositions en Europe et aux Etats-Unis, son comportement est fortement influencé par sa prise presque quotidienne de drogues dures, il devient paranoïaque et détruit énormément d’œuvres par peur que les marchands d’art lui prennent un travail inachevé. En 1985, il devient le premier artiste afro-américain à faire la une du New York Times Magazine. L’année suivante, il voyage au Japon, en Côte d’Ivoire et aux Pays-Bas pour des expositions. Son addiction à l’héroïne précipite sa rupture avec sa petite amie de l’époque, Jennifer Goode.Jean-Michel est dévasté par le décès de son ami Andy Warhol en février 1987, il peint Gravestone en hommage au grand artiste disparu. Au début de l’année 1988, Basquiat réalise deux expositions à Paris et à Düsseldorf. Il suit une cure de désintoxication à Hawaï puis retourne à New-York au mois de juin.Le 12 août 1988, Jean-Michel Basquiat est retrouvé mort dans son appartement de Manhattan, à la suite d’une overdose d’héroïne. Le jeune artiste laisse derrière lui plus de 4000 œuvres, témoins du grand génie artistique de cet éternel « Radiant Child ».Petite anecdote pour briller en société :

Jean-Michel est heurté par une voiture à l’âge de 8 ans, il est blessé et doit subir une ablation de la rate. Pendant sa convalescence, sa mère lui offre un manuel d’anatomie, Gray’s Anatomy. Ce livre a eu beaucoup d’influence sur le travail de Basquiat, il représentait les organes très fidèlement dans ses œuvres et son groupe de musique Gray a été nommé en hommage au manuel.

Jeanne Chaux