Le Grand Oral de Florian Philippot annulé à cause d’un blocus

Florian Philippot, vice-président du Front National, devait se prendre au jeu du Grand Oral ce mardi 22 Novembre en Boutmy. Jeu qui n’a pas réellement pris, suite aux contestations menées par une trentaine d’étudiants de l’école : un blocus à l’entrée de l’amphithéâtre Boutmy a alors entraîné l’annulation pure et simple de l’événement, décision prise par les organisateurs, SciencesPo TV et La Péniche, en dialogue avec l’administration. La Péniche revient en témoignages et en images sur cette soirée particulièrement mouvementée.

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Des étudiants bloquent l’entrée de l’amphithéâtre Boutmy. (Yann Schreiber pour La Péniche)
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Des étudiants bloquent l’entrée de l’amphithéâtre Boutmy. (Yann Schreiber pour La Péniche)

Des militants anti FN qui ne lâchent rien 

C’était par les réseaux sociaux que les mouvements de contestation ont commencé à s’organiser. Dans un communiqué lancé sur Facebook notamment, différents mouvements à Sciences Po, certaines associations mais plus généralement des élèves indignés face à la venue du grand nom du FN ont décidé de lancer un appel au rassemblement en Péniche à 18h30. Ces étudiants justifient leur action qui a été décriée par de nombreux élèves – souvent peu partisans du FN – qui souhaitaient assister à la conférence.

«C’est depuis que François Miterrand a ouvert la voie au Front National que le parti grimpe dans les sondages », fustige un des manifestants, qui a souhaité rester anonyme. «On lui a donné une tribune depuis 35 ans ! En les médiatisant on leur donne accès aux électeurs de manière inconsidérée. Ils se plaignent de censure pourtant c’est Marine Le Pen, Marion Maréchal Le Pen ou ce même Florian Philippot qui bénéficient du plus grand temps de paroles sur tous les médias.»

Et en soi, c’est véridique : Florian Philippot qui comptabilise le plus grand temps de paroles sur les chaînes de télévisions, véritable «squatteur» de matinale avec 55 matinales sur toute l’année 2015 (soit plus d’une par semaine !).

Une dénonciation forte du système politique

Certains militants, pourtant vont encore plus loin. Ils affirment que ce Front National omniprésent arrangerait le bipartisme ambiant de notre scène politique française. Selon un d’entre eux, l’affirmation de plus en plus grande du parti d’extrême-droite sur l’espace politique serait un « outil pour éviter toute alternance. On s’en sert tel un épouvantail, et dès qu’on a commencé à le mettre en avant, alors que Jean-Marie Le Pen n’arrivait pas à atteindre les 0,3% il y a 30 ans, aujourd’hui le Front National est le premier parti de France. Pourquoi ? »

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Une banderole devant l’entrée de l’amphithéâtre Boutmy. (Yann Schreiber pour La Péniche)
Des manifestants en Péniche. (Yann Schreiber pour La Péniche)
Des manifestants en Péniche. (Yann Schreiber pour La Péniche)

C’est donc en protestant vivement en Péniche que ces étudiants ont décidé de refuser de participer à ce « jeu médiatique ». Selon un militant, « on n’était pas face à un débat mais à une tribune ce qui est totalement différent : laisser la parole pendant deux heures au vice-président du FN de la sorte c’est dangereux ». Et dans tous les cas, accepter le débat du FN selon les protestataires c’est affirmer que leur débat est valable, une idée impensable pour ces étudiants.

https://twitter.com/enfantdechien/status/801129237780434944

Des manifestants en Péniche. (Yann Schreiber pour La Péniche)
Des manifestants en Péniche. (Yann Schreiber pour La Péniche)
Des manifestants en Péniche. (Yann Schreiber pour La Péniche)
Des manifestants en Péniche. (Yann Schreiber pour La Péniche)

« Tout le monde déteste le FN » , « la jeunesse emmerde pas le Front National », « le racisme n’est pas une opinion » « FN casse toi, la fac n’est pas à toi » les slogans étaient nombreux – les pancartes aussi – pour afficher une totale désapprobation face à la venue du candidat invité par La Péniche, Sciences Po TV et Sciences Polémiques.

 

Une annulation regrettée, voire dénoncée, par une grande partie des étudiants

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Un étudiant, connu à Sciences Po notamment pour son militantisme pro-Trump, essaye d’entrer en Boutmy malgré le blocus. (Yann Schreiber pour La Péniche)

Pourtant, c’était à une salle comble que F. Philippot devait faire face hier soir. Malgré une approbation minoritaire au sein des sciencepistes des propos de l’homme politique et de son parti en général, plus de 500 élèves étaient prêts à écouter, appréhender et échanger avec F. Philippot, souvent au nom de la confrontation d’idée. Une confrontation d’idée qui ne s’est donc pas faite et qui a été déplorée par de nombreux élèves.

« On peut comprendre leur démarche, Sciences Po et le FN ne font pas réellement le ménage et n’ont jamais été vraiment bienvenus. Ce n’est pas le fond que je remets en cause mais leur méthode » affirme Dylan Amsellem, en deuxième année, qui avait sa place pour le Grand Oral.

« Confronter le débat, c’est se mettre à la place du contradicteur : on aurait dû créer un rapport de force au sein du public, ici l’audience a fait une erreur de choix », rappelle l’étudiant qui aurait aimé voir une réelle tension en Boutmy avec des échanges vifs et construits plutôt qu’une simple annulation.

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La manifestation étudiante devant l’entrée de l’amphithéâtre Boutmy. (Yann Schreiber pour La Péniche)

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Nombreux sont aussi ceux qui rappellent l’importance d’écouter désormais le Front National avec une scène politique qui a évolué ces dernières années, une évolution que les étudiants de Sciences Po devraient accepter. «Aujourd’hui le FN fait 30% dans les sondages et ce n’est pas uniquement parce qu’il est médiatisé», estime estime Rémi Hannotel. «C’est un vote de contestation : le système ne fonctionne pas, il est désuet pour beaucoup, il faut prendre en compte ces nouvelles problématiques».

"Vous avez des méthodes de fachos" : des étudiants voulant assister au Grand Oral ont aussi crié des slogans. (Yann Schreiber pour La Péniche)
« Vous avez des méthodes de fachos » : des étudiants voulant assister au Grand Oral ont aussi crié des slogans. (Yann Schreiber pour La Péniche)

Pour Benjamin Duhamel, co-organisateur de l’événement, l’annulation forcée de ce Grand oral «n’aura qu’une incidence : renforcer le discours anti-élite des militants et des élus du Front national», . «Vouloir combattre les idées du Front national en les bâillonnant et en les empêchant de parler est absurde», , a estimé l’étudiant. Alex Baptiste Joubert, co-organisateur et intervenant attendu, renchérit: « En 2013, ces mêmes militants radicaux toujours prompts à circonscrire le débat démocratique avaient déjà empêché la venue de Florian Philippot à SciencesPo pour “lutter contre le FN”. Mais pour quel résultat ? Le FN est arrivé en tête des élections européennes, il est arrivé très largement en tête du premier tour des élections régionales et sa candidate sera vraisemblablement au second tour de l’élection présidentielle. Ils n’ont donc rien appris.»

Dans un e-mail diffusé mercredi matin, l’école, par la voix de son directeur Frédéric Mion, «condamne  fermement l’action des quelques-uns qui croient pouvoir dicter ce que seraient les termes acceptables du débat à Sciences Po et qui ont voulu empêcher la tenue de cet événement étudiant. »

«Sciences Po doit demeurer, plus que jamais, un lieu où le dialogue contradictoire peut s’exercer sans autre contrainte que le respect des lois et règlements applicables dans notre pays », écrit Frédéric Mion.

Florian Philippot a dénoncé quant à lui avec véhémence la victoire des « fascistes » sur Twitter, entre emojis et ironie très marquée, le Vice-Président souligne malgré tout que la partie n’est que remise. Interviewé ce matin sur Europe 1, l’intéressé n’a pas commenté.

Des étudiants observent la scène devant l'amphithéâtre Boutmy. (Yann Schreiber pour La Péniche)
Des étudiants observent la scène devant l’amphithéâtre Boutmy. (Yann Schreiber pour La Péniche)

2 Comments

  • Antonio

    Étrange de ne pas proposer le communiqué des collectifs organisateurs du contre événement, ni même de les citer. La recherche d’informations est lacunaire ou biaisée… Sinon très belles photos !!