La grande interview de Frédéric Mion – Partie 2/3
En début d’année, la Péniche a rencontré Frédéric Mion pour l’interroger sur toute l’actualité de l’établissement. Cette semaine, nous publions l’interview en trois parties, dont voici la deuxième, dédiée à la réforme de l’ENA, à l’Hôtel de l’Artillerie et à l’éventuel déménagement à Reims du Collège Universitaire. Bonne lecture!
La Péniche : L’an dernier, une autre réforme importante a été mise en place : la suppression de l’ENA, et bien qu’elle n’ait pas été décidée directement par Sciences Po, elle affecte quand même directement l’établissement car c’était une des principales ambitions de l’école de former à la haute administration. Par ailleurs, de plus en plus d’étudiants s’orientent vers le privé, tandis qu’une des principales missions de l’école c’était de former à la décision publique : comment est-ce que vous vivez cette transformation ? est-ce que ça redéfinit ce qu’est Sciences Po ?
Frédéric Mion : Je confirme que les annonces présidentielles sur la réforme de l’ENA et des autres écoles de la haute fonction publique n’ont pas été écrites à Sciences Po (Frédéric Mion sourit). D’ailleurs les décisions ne sont pas encore connues encore puisqu’une mission de réflexion est en cours. Sur Sciences Po et ce qu’est le rôle de Sciences Po, il y a un peu méprise dans la question, je ne reconnais pas tout à fait l’institution qui a été créé il y a 150 ans dans votre question. Sciences Po a été pensé comme une institution destinée à former des étudiantes et des étudiants à l’exercice des responsabilités dans le monde. Les sciences politiques, telles qu’on les appelle à la fin du XIXe, ce ne sont pas les sciences de la décision publique, ce sont les sciences de la décision tout court. Dès l’origine, Sciences Po s’est pensée comme le lieu où allaient se former des gens qui exerceraient des responsabilités dans la sphère publique, d’autres dans la sphère privée, et assez rapidement la formation à Sciences Po s’est structurée en sections dont les noms ont varié au fil du temps, mais la section dite Economie privée existait dès la création de notre institution. À mon époque, déjà lointaine, la majorité des étudiants de Sciences Po se dirigeaient vers les métiers du privé. Ce trait distinctif est de plus en plus affirmé dans la manière dont nous formons nos étudiants, et il est notamment très présent par exemple dans le projet de l’École du management et de l’innovation, qui souhaite penser l’entreprise comme un acteur du bien commun. Ces questions de proportion sont aussi liées au fait que la sphère publique s’est continuellement rétrécie depuis 30 ou 40 ans, que les débouchés publics sont de moins en moins nombreux. Cela entraîne des transformations sans pour autant que la visée de l’institution s’en trouve dénaturée.
Nous aimerions maintenant évoquer l’Hôtel de l’Artillerie, et tout d’abord, où en sont les travaux ?
Les travaux sont bien engagés, ils ont commencé au début du mois de mars avec la destruction du bâtiment qui devait disparaitre, avec le creusement des cours pour les sous-sols, soit des travaux déjà substantiels. Les choses avancent et avancent même très vite, notamment pendant le mois d’août pendant lequel les riverains étaient moins présents. Nous avons procédé symboliquement à la cérémonie de la pose de la première pierre le 8 juillet dernier, et je suis confiant dans le fait que l’on pourra découvrir la vie du nouveau campus à partir de 2021, donc encore deux ans. Tous ceux qui sont intéressés peuvent suivre l’avancement du chantier sur le blog Campus 2022 qui est tenu avec l’avancement et des photographies du chantier.
Vous procédez en parallèle à une extension du campus rémois qui est prévue de longue date, et donc nous voulions savoir si le déménagement complet du collège universitaire de Paris était toujours d’actualité ? Cette année les effectifs ont baissé en première année, au profit des 1As à Reims, est-ce une tendance qui va se confirmer durant les années à venir ?
Il s’agit d’un malentendu : il n’a jamais été question de procéder à un déplacement complet de nos effectifs du collège universitaire de Paris vers Reims. Ce qui a été prévu et annoncé de longue date, c’est une décroissance des effectifs du collège universitaire sur le campus de Paris et une croissance des effectifs à Reims et dans nos autres campus, et ce mouvement est quasiment en train de s’achever car le campus de Reims a atteint sa pleine capacité.
« Il n’a jamais été question de procéder à un déplacement complet de nos effectifs du collège universitaire de Paris vers Reims »
Cette année vous avez indiqué que vous aviez observé une décroissance, c’est vrai, mais nous en sommes presque au bout et elle n’altèrera pas fondamentalement la situation actuelle du campus.
Est-ce que ça implique que le programme général est amené à décroitre au profit de programmes avec des spécificités géographiques ?
Cela implique une réflexion sur la nature du programme général aujourd’hui, sur la nature des programmes proposés sur les campus de Reims compte tenu des effectifs qu’il accueille. Ce sont des réflexions menées en ce moment même par la doyenne du Collège universitaire et ses équipes.