Interview : Sylvain, 1A, admis grâce à la Convention Education Prioritaire (CEP)

Attention, cet élève avec son baladeur sur les oreilles n´est pas un individu dangereux, ni un intrus, et encore moins un cliché du petit jeune rebelle des banlieues parisiennes ! Ce n´est pas non plus un surdoué extraterrestre à lunettes, perdu au fin fond des cités dangereuses où l´on crame les voitures.

Trêve de bavardages ! Sylvain est justement venu répondre à mes questions pour briser tous ces clichés.

  • LaPeniche.net : Commençons par le commencement, par les « formalités.. » Présente toi brièvement, dis bonjour à ta maman dans le public.. Tu voudrais la remercier d´être là ? Allez, parle bien devant le micro !

Sylvain : Je m´appelle bien Sylvain, et je suis en 1A à Sciences Po. Je viens de Moselle (et pas du tout de la région parisienne !), pour être plus précis de la commune de Faulquemont, à 50 km de Metz . Pour les incultes c´est dans le nord-est de la France, pas loin de la frontière avec l´Allemagne. On m´a déjà demandé si j´étais allemand ou bilingue, et bien non, même si je comprends très bien la langue et que je me débrouille bien pour la parler.

  • Comment t´est venue l´idée d´aller à Sciences Po ?

(Sourire) C´est amusant que tu me poses cette question, c´est ce qu´on nous a demandé dès qu´on est arrivés à Sciences Po la première fois, et tout le monde répondait la même choses : « pluridisciplinarité ». Au départ, j´aimais et j´aime toujours beaucoup l´histoire. J´avais l´idée de devenir prof d´histoire. J´aime également la politique. J´avais aussi, bien sûr, très envie de venir découvrir Paris. Sciences Po, c´est évidemment sa renommée qui m´a attiré, mais aussi le fait qu´il y ait plein d´étrangers. L´idée me trottait dans la tête depuis un an et demi, deux ans.

  • Pourrais-tu nous expliquer comment s´est passée la procédure CEP ? Sur quels critères as-tu été admis à Sciences Po ? Histoire de faire taire les mauvaises langues qui penseraient que seul le concours ou la mention très bien compte !

Tout a commencé par la distribution de tracts dans notre classe. Il faut savoir que durant toute l´année, ma prof d´éco, lors de réunions le soir après les cours, nous expliquait la méthodologie de sciences po, nous parlions de l´actualité, etc. Attention, je ne viens pas d´une « Zep » (il s´agit de collèges et non de lycées). Je viens d´un lycée considéré comme « défavorisé », c´est à dire qui comporte plus de 50% de fils ou filles d´ouvriers.

Ensuite, il y a eu la période dite de « présélection » : à mi octobre, on a eu quelques réunions de présentation, puis les inscriptions. 10 personnes, toutes de section ES se sont inscrites. Notre tâche consistait alors en une recherche d´articles journalistiques sur un sujet de notre choix. Nous avions du 17 décembre au 30 janvier pour effectuer ce travail.

Pour ma part, j´ai choisi la guerre du gaz entre la Russie et l´Ukraine. A partir d´une dizaine d´articles, j´ai constitué, comme on nous l´avait demandé, un dossier de presse, puis deux pages de synthèse des articles, et enfin deux pages de réflexion personnelle, afin d´ouvrir le sujet. Ce travail devait être rendu le 19 ou le 20 mars, je crois, puis était examiné par les profs de notre lycée.

En avril , nous avons eu un entretien sur le dossier de presse, avec 5 professeurs et le proviseur adjoint du lycée. Le but consistait à essayer de me « coincer » sur des détails, pendant 30 minutes.. ! Sur 10 candidats, 5 ont été pris. Notre dossier scolaire a été envoyé entre avril et jillet, avec tout le tralala : notes du bac, copie du bac blanc de philo, géo, histoire, les bulletins du lycée. Comment ? Ah, j´ai eu la mention bien. Sur le net, on a du remplir un formulaire sur nos motivations, nos loisirs, les stages qu´on avait fait.

Enfin, le 7 juillet, nous avons eu un entretien à Sciences Po, toujours en face de 5 personnes (dont une directrice des ressources humaines, un dirigeant de Prada France, etc). On m´a posé des questions de culture générale, sur l´actualité et sur mes motivations. Par exemple, j´ai eu à commenter brièvement deux images de De Gaulle. Mon entretien a duré 45 minutes au lieu de 30 minutes, parce qu´on a parlé pendant 10 minutes du rap. Ca fait peu être cliché, mais je fais du rap. J´écris les textes, je chante, et mon frère fait la musique par ordinateur. On a déjà une trentaine de compos (2 CDs). On a alors parlé des rappeurs des années 80 et sur ceux d´aujourd´hui. Ceux des années 80 n´avaient pas le même message que ceux d´aujourd´hui. Un de mes groupes préféré ? Wu Tang Clan, groupe américain du milieu des années 90. Le but de l´entretien, là aussi, était de te coincer sur un sujet. On m´a demandé d´avoir un avis sur la réforme des retraites, ou encore quels étaient les derniers pays communistes au monde. Je n´ai pas trouvé cela stressant, au contraire, je dirais que j´aime bien cela. C´est une sorte de défi.

Les résultats étaient sur Internet le 12 juillet à 16h. Et là, attention, on devait se rendre le lendemain à 8h à Sciences Po ! Habitant en Moselle, je rappelle, je ne suis arrivé avec un copain à moi qui avait aussi été pris seulement à 9h30. Mon train était à 5h30 du matin ! J´ai eu un test de langue à faire sur le net (l´oral ayant été annulé). On a presque tous été recalés au niveau 1. Le 13 juillet, on nous a fat visiter la Cité internationale, porte d´Orléans, où il y avait des chambres réservées pour les étudiants CEP de 1e année, qui venaient de province. En tout, il y a 75 élèves de CEP. Certains, le même jour, étaient venus de Guadeloupe, Saint Martin, etc !

  • Aujourd´hui, quels seraient les reproches que tu pourrais faire à Sciences Po ?

C´est vrai que la plupart des gens, forcément, ne viennent pas du même milieu que toi, alors le face à face avec le « milieu parisien » n´est pas toujours évident. J´ai forcément plus d´affinités avec ceux d´où je viens. A la télévision, lors d´un reportage sur la CEP, un appariteur expliquait qu´ils « nous » repérait (les étudiants des « lycées défavorisés » par notre tenue. C´est évidemment un préjugé. Ce préjugé ne vient pas que de cet appariteur, mais de certains autres élèves, aussi. Ce qui m´a choqué, c´est la façon dont les gens expriment facilement leurs partis politiques et tentent de t´y enrôler ! Certains étudiants sont peut être superficiels, jugent facilement les personnes : ils restent en général fermés d´esprit si tu te situes dans un autre parti politique qu´eux.

Quant à Paris, je trouve que les gens y sont tout de même plus stressés, surtout dans le métro. Et puis surtout, c´est plus grand que chez moi ! Mais ce que je trouve super, ce sont les musées, le cinéma, la culture. Tous les vendredi, j´essaie d´aller au Louvre, pour les nocturnes gratuites !

  • Une dernière question : Que penses-tu du « harcèlement médiatique » autour des élèves de la CEP ? Prenons l´exemple, entre autres, du reportage sur France 2, Envoyé Spécial, du 9 novembre 2006.

Dès janvier, la télé était présente. Ils ont suivi certains élèves de CEP en particulier, ceux de cette année ou des années précédentes. Le 13 juillet, la première chose que j´ai faite en arrivant a été de rejoindre les autres élèves pour la fameuse photo dans Paris Match !

Dans le reportage d´Envoyé Spécial, je trouvais que la phrase « vu qu´ils viennent de zones défavorisées » était trop souvent répétée. On n´est pas si différents, on est quand même de France, on n´est pas des étrangers ! Pour Richard Descoings, il s´agissait, il y a cinq ans lorsque la CEP a été crée, de « donner ses chances à tout le monde ». C´est vrai qu´on en parle beaucoup dans l´actualité. Ils ont quand même montré qu´on n´était pas arrivé les mains dans les poches, et tout le « cheminement » qu´ont eut à faire les provinciaux. Cependant, on dirait tout de même qu´il y a Paris… et le reste.

Le mot de la fin ?

Pour insister un peu, on parle trop de lycées défavorisés pour tout et n´importe quoi. On oublie de faire les nuances, tout est mis dans le même sac. Par exemple, dans mon lycée, les conditions de travail étaient normales !

Merci beaucoup pour ta participation à cette interview et bonne suite pour tes études.

15 Comments

  • tssssss

    pour un fan d’Al t’es bien agressif….t’as du mal écouter, ou bien tu comprends pas l’anglais….commence par le français tu seras dja bien avancé ^^….

  • Showtime

    OH Oh Oh .jte rassure c pa sylvain.
    la salsa c’est plus caliente ? c koi ce truc de bouffon…mdr
    le jour ou tu connétra qq chose en musik Bayrou sera Président.c’est à dire jamé alor tsé koi .laiss béton.é va tacheté 1 cd de marvin gaye ou d’ al green enfin si tu koné

  • Béné

    c’est vrai… Ils infestent sciences po.. J’ai du enfiler une combinaison spéciale pour faire mon interview. Vive l’uniformité . Vive l’élite que nous sommes… Dehors tous les gueux..
    Ha ha (rire jaune)

    Le tango j’en ai fait l’année dernière showtime ! Tiens je t’ai niq……La salsa c’est plus caliente. Mais en vérité je compte arrêter pour faire du rock. Tu veux venir ?
    Au fait je sais qui tu es. Vive la Moselle ; )

  • Jean Edouard

    Bjr à tous.Pour ma part les CEP sont des gueux.Il ne sont pas de notre monde enfin!!!
    Revenons au vrai valeurs ….. ou va la France?

  • showtime

    hé oui je suis trop marran tu sé.non je suis pas en IP avec vous lol.
    Vous etes encore à un niveau trop inférieur au mien.dsl.
    o fait arrete la salsa sa fé pit.viv le tango.elle é bonn cell là 1 cécile ?

  • Showtime

    C’est une très belle interview, elle reflète bien les mauvaises correlations faites avec le mot CEP ou ZEP. Bravo Sylvain pour denoncer ce fait.
    Hey Syl, ts dé biatch vive lé suns é le wu lol a+

  • Béné

    son lycée était peut être normal et les conditions pas si terribles que ça, mais en fait ils appellent ça lycée "défavorisé" parce que il y a plus de 50% d’élèves dont les parents sont ouvriers.. donc ils ont moins de chance d’avoir une super culture, que papa et maman leur payent des séjours lingouistiques, des bouquins etc etc etc !!!
    Ensuite la "convention" ne prends pas comme ça , super facilement… 2 entretiens sélectifs, un dossier à examiner, un dossier de presse c’est pas rien.
    Celà dit, à mon avis, les CEP, ne sont pas la meilleure solution pour améliorer la diversité du recrutement : seulement 3% des élèves sont fils d’ouvriers, et la majorité possèdent des parents cadres supérieurs !

  • Pierre

    pas faux…mais bon la bienveillance à l’égard des élèves issus de CEP n’exclut pas de considérer les boursiers "normaux" comme aussi méritants. Tu sais aussi que venir d’un lycée "normal" de certaines banlieues n’est pas la même chose que venir d’un lycée "normal" du 5e arrondissement…le mec n’a pas forcément envie que tout le monde pense qu’il a vécu l’enfer dans un lycée ultraviolent, alors que ce n’est pas vrai
    par contre, il est vrai que certaines situations laissent à penser que tous ne sont pas aussi défavorisés que ça….mais bon c pas si grave…certains obtiennent des mentions TB plus facilement que d’autres et ca ne choque pas

  • Raton

    Encore une interview qui ne fait que confirmer les faiblesses du syteme CEP. Sylvain nous fait remarquer que son lycee est tout a fait normal. Par consequent, je voudrais savoir ce qui justifie les liens avec ce lycee; j’aimerais egalement savoir en quoi prendre des etudiants non boursiers par le biais de ces conventions est juste. Troisieme et derniere remarque qui prendra la forme de questions: Pourquoi parle-t-on toujours des CEP comme des eleves meritants et que l’on ne prend jamais en exemple les etudiants boursiers rentres sur concours?

  • Béné

    Hélas MJ, je ne vois pas qui tu es, mais je suis désolée que tu n’ai pas pu saisir mon ironie lorsque je parlais de voitures cramées ; ) Je jouait justement avec les clichés caricaturaux !

  • Pierre

    Franchement je n’ai vu que quelques vannes sympathiques…Le seul truc qui pourrait te faire chier c’est le côté un peu superficiel parisiano-centriste du début…mais on s’y fait assez vite ^^ on s’y plait même parfois, si on est étrange ou particulièrement sociable…l’intégration ca sera trois jours, comme pour tous les autres!
    enfin je dis ça mais je viens pas de ZEP, c’est juste l’image que j’ai de Sylvain dans deux de mes conf, et de pleins d’autres qui s’en sortent trop bien..
    et puis t’inquiète les appariteurs repèrent que dalle…

    bonne chance pour le concours en tout cas

  • MJ

    Heu…sérieusement béné tu penses qu’il y a des gens à scpo qui croient que les étudiants qui viennent de ZEP sont dangereux ou passent leur temps à brûler des voitures? Je veux bien qu’il y ait des clichés dans notre noble institution mais tout de même…mdr.

  • Kumi

    Bonjour, je suis en terminale ES, et cette année je participe également à la convention d’education prioritaire, tout comme une vingtaine d’élèves de mon lycée (ZEP), et justement je me posais des questions sur les préjugés que pouvaient avoir les autres élèves sur ceux qui sont passé par la convention : se font-ils vraiment remarquer? ont-ils des difficultés d’intégration? etc
    J’ai beaucoup aimé l’interview en tout cas, et j’espère pouvoir vivre, à quelques différences près, la même expérience que Sylvain. 🙂
    A bientot.