Facebook ou de la Révolution

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LaPéniche inaugure aujourd’hui son partenariat avec Medinat Ashabaab, le journal étudiant du campus de Menton ! Vous pourrez régulièrement découvrir des articles écris par des plumes très diverses donnant un nouvel éclairage à l’actualité du monde arabe et vous faisant un peu mieux connaitre la vie mentonnaise.

Premier échange avec cet article de Zineb Bercheq, étudiante du campus de Menton, qui analyse le rôle de Facebook dans les Révolutions arabes. Les réseaux sociaux deviendraient-ils de nouveaux acteurs des relations internationales ?

Facebook et révolutions arabes

« Le journal est la prière du matin de l’homme moderne », avait l’habitude de nous rappeler Olivier Duhamel, citant lui-même Hegel. Cependant, ne nous voilons pas la face, nos considérables lectures et dossiers obligatoires pour chaque séance, nous ont souvent empêchés de remplir notre devoir de bons croyants du XXIe siècle. Est-ce pour autant que nous n’avons pas été informés des révolutions qui ont récemment frappé le monde arabe et qui s’achèvent actuellement ? Point du tout. Si parmi nous se cachent des mécréants du dogme du journal, nous sommes tous, au grand dam de nos parents, des fanatiques du dogme bleu et blanc: le sacro-saint Facebook. En effet, notre page d’accueil Facebook s’est montrée assidue et fidèle, nous tenant au courant des moindres faits nouveaux dans le monde arabe. Cliquer sur l’icône « A la une. Les plus récentes » nous informait –et nous informe toujours- de la dernière information dénichée par un camarade. Nous devons tous à ce titre, nous montrer reconnaissants envers nos camarades tunisiens, égyptiens et yéménites qui en plus de nous avoir tenus informés de l’actualité de leurs pays, nous ont montré ce qu’étaient la ferveur et la passion dans la défense de la liberté.

Si la révolution iranienne ratée de Juin dernier a été celle de Twitter, les révolutions arabes actuelles sont probablement celles de Facebook.

Toutefois, la révolution tunisienne ne fut pas le déclenchement des hostilités entre le réseau social et le désormais « Ancien régime » tunisien. Ainsi, dès la chute de Zine El-Abidine Ben Ali, un cadre de Facebook révéla à la presse le système qu’avait mis en place le régime pour pirater les comptes de tous les utilisateurs tunisiens et ce bien avant les premières révoltes. La peur d’Internet en général et des réseaux sociaux en particulier, s’illustre bien dans la première concession que fit Ben Ali à mesure que les rébellions mais aussi les répressions atteignaient leur point culminant: libéraliser l’accès à Internet. C’est d’autant plus vrai en Egypte où la première répression fut la censure de la toile. La contestation sur Facebook avait d’abord commencé avec la création du groupe « We are all Khaled Said » en hommage à un jeune homme de 28 ans battu à mort par deux policiers à Alexandrie en juin 2010. Le groupe en question a réussi à mobiliser les jeunes internautes à l’occasion du 25 janvier, « journée de la police », jour férié en Égypte. Un administrateur de ce groupe, Wael Ghonim dut passer douze jours les yeux bandés avant d’être libéré et acclamé par la foule. Ce dernier, devenu symbole de cette révolution, est aussi et avant tout un cadre de Google, autre géant d’Internet allié aux contestataires. Google a en effet, activement aidé les Égyptiens à contourner la censure et à se connecter aux réseaux sociaux.

Mais alors, qu’a pu apporter Facebook aux deux révolutions pour qu’il fût tant redouté par Moubarak et Ben Ali ?

Tout d’abord, Facebook permit du point de vue de l’organisation des manifestations, de compter dans un premier temps les forces en présence, puis dans un second temps de coordonner les manifestations. Ensuite, la globalisation de la technologie fait qu’il est très facile de nos jours de prendre une photo avec un portable et de la publier sur le réseau social. De fait, tout en diffusant les images de la résistance, les jeunes égyptiens profitent de l’absence des médias étrangers pour couvrir eux-mêmes la révolution et montrer au monde ce dont ils sont capables. Les images et vidéos amateurs ont dès lors été exploitées par les médias étrangers depuis l’immolation du jeune Mohammed Bouazizi à commencer par Al Jazeera, interdite dans le pays. D’un point de vue psychologique, les réseaux sociaux ont d’une part fait prendre conscience aux résistants du fait qu’ils n’étaient pas seuls dans leur combat, et d’autre part ont permis l’entretien de la mémoire des victimes de la répression. Néanmoins, il ne faut pas surestimer le rôle des réseaux sociaux dans la mesure où ces derniers ne se substituent pas à l’activisme politique. Ils ont certes permis une liberté de parole lorsque la presse était muselée, mais c’était bien des personnes en chair et en os à Tunis devant le quartier général du RCD et au Caire, place Tahrir, et non pas de simples « Wallposts ». De plus, Facebook et Twitter n’ont été que des moyens, la source des deux révolutions se trouve véritablement dans l’inégalité, la pauvreté et l’absence de liberté dans lesquels vivent les jeunes égyptiens et tunisiens.

Je voudrais finir cet article par une pensée à mes camarades égyptiens et tunisiens qui bien qu’ils aient monopolisé mon fil d’actualité, m’ont fait connaître ce que mes parents connurent il y a vingt-deux ans. Permettez-moi d’insister: vous avez fait partie intégrante de ce mouvement historique.

Zineb Bercheq

One Comment

  • Karim Arnaout

    Quel plaisir de voir se faire le partenariat entre la Péniche et Medinat Ashabaab, le journal dans la création duquel j’ai eu la chance de participer il y a de ça un an et quelques ! Il est vrai qu’en cette période décisive de l’histoire du monde arabe, l’analyse des moyens de communication informatique et de leur impact décisif est un bon moyen de cerner comment les mobilisations ont pu prendre de telles ampleurs. Bonne continuation !