Éphémère semaine d’introduction au développement durable
Du 4 au 8 avril, les murs de Sciences Po accueillaient la Semaine du Développement Durable. Jusqu’où celle-ci a-t-elle marqué les esprits? On pourrait craindre que le manque de prosélytisme des organisateurs n’ait fait de la semaine de l’environnement – à l’instar de la place du thème dans la vie politique – qu’un sujet parmi d’autres dans la vie mouvementée de l’Institut cette semaine-là.
Ah oui, c’est vrai, c’est la Semaine du Développement Durable à Sciences Po. Lundi 4 avril, quelques piliers du 27 sont timidement vêtus de vert. En Péniche, il est dit qu’ « être écolo, c’est rigolo ». Nous pouvions d’ailleurs nous poiler sévèrement en tentant de gagner des paniers bio- équitables Max Havelaar en participant à un quizz développement durable. Initiative louable, si ce n’est que le texte des questions était en partie « emprunté » à l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie). LaPéniche remercie Sciences Po Environnement pour les tablettes de chocolat.
Le développement ludico-durable n’a visiblement pas séduit – deux poufs verts installés dans le petit hall, destinés à la pratique du jeu « Néo Eco », n’ont servi qu’à soulager la bibliothèque. Même constat pour l’application « Coach Carbone® » de la Fondation Nicolas Hulot: à condition de trouver une chaise et d’avoir en tête, entre autres, les mensurations de votre logis, vos menus hebdomadaires et votre nombre d’ampoules, vous auriez pu passer une heure pour savoir précisément combien de tonnes de carbone vous rejetez annuellement. Une cage de métal vous incitait à « Donner une seconde vie » à vos appareils électriques, un message si efficace qu’un grille-pain encore fonctionnel avait été placé parmi ces condamnés au recyclage.
Ne doutons pas que ces saupoudrage de l’arsenal à sensibilisation aient été amusants pour qui s’intéresse au sujet de la semaine – mais on ne peut pas dire des premiers jours que nous ayons été violemment interpellés par des discours chocs. Les élèves auraient pu être farouchement pris à parti, par d’ardents défenseurs de la cause écologique munis de casques verts et scandant des slogans guerriers. Mais à l’image des préférences-consommateur en vigueur 52 semaines par an, les crackers bio n’ont su triompher des Ferrero Rochers distribués sans économie d’énergie par les groupuscules sectaires qui squattaient ces jours-là la Péniche pour des motifs peu clairs, ou du moins inexpliqués à ce jour.
L’espace mental de l’élève de Sciences Po est chose précieuse, tant il est assailli de propositions. L’enchaînement et l’enchevêtrement des « Semaines » du second semestre réduit inévitablement le temps d’attention possible, tant pour les habitués du « multi-tasking » que pour les mono-maniaques. L’urgence du développement durable est un sujet relativement « dominé » en termes d’affluence, bien que cela puisse-t-être un peu moins vrai tout récemment. Il reste que pour l’année prochaine, il serait souhaitable qu’elle ait sa semaine à elle toute seule, afin d’éviter le paradoxe apparent a celui qui promenait son regard du côté gauche au côté droit de la Péniche durant la fin de la campagne BDE.
Comme souvent, les fatalités horaires de notre bouillant Institut ont joué sur l’affluence aux divers rendez-vous. Première idée, donc projet phare de Sciences Po Environnement, le débat politique intitulé « A un an de la présidentielle, quelle place pour l’environnement ? » était concurrencé par la visite imprévue du Ministre des Affaires Européennes de la Turquie, en Boutmy quelques étages plus bas. L’écrasante majorité du public ayant gravi les marches faisait partie de Sciences Po Environnement. Élus EE-LV, UMP et PS, ainsi qu’une représentante de France Nature Environnement, les invités se sont livrés à une danse subtile. Entre les positionnements partisans à coup de leitmotiv, les participants – globalement tous écolos – se sont différenciés par leurs analyses de ce que la société penserait du débat.
Ne pas dissocier l’environnement de l’économique et du social: exhortation de FNE aux partis. Cet appel est en tout cas nécessaire: Serge Grouard (UMP), a dit craindre que l’environnement ne soit qu’un sujet parmi d’autres pour son parti, au sein duquel il a admis être minoritaire. Rendre le développement durable désirable? Il est pessimiste quant au niveau de préoccupation environnementale des français. Le maire d’Orléans (par ailleurs connu pour avoir attaqué un blogueur en justice), s’est fait opposer par le député EE-LV que « les élus pensent que les électeurs sont plus conservateurs qu’ils ne le sont vraiment », arguant que l’écologie représente, de manière utilitaire, un intérêt concret pour la population. La représentante PS l’intègrerait quant à elle dans une « social-écologie », qui voudrait effacer une « contradiction » supposée entre justice sociale et écologie. Si chacun a promu sa vision de la question écologique, les propositions sont restées vagues, le débat assez théorique et parsemé de tautologies, malgré les questions assez pointues de la salle.
L’autre événement politique, cette fois-ci plus clivé sur la question écologique, est aussi resté dans les clous de ce qu’on pouvait en attendre. Modéré par nos confrères de RSP.fm, le débat entre partis de Sciences Po sur la politique énergétique de la France se déroula devant un public réduit de moitié depuis le départ de Rama Yade. Au bénéfice stratégique de la pénétration du développement durable, peut être aurait-il été préférable faire passer l’ancienne ministre en deuxième. La joute dérivant rapidement sur le dernier sujet d’actualité – le nucléaire – les positions partisanes ne furent guère plus évoluées que celles de leurs partis de tutelle, bien que les invectives fusèrent comme chez les grands, dans une ambiance cordiale. Accusé de populisme, le représentant d’Europe Écologie-Les Verts eut du mal à se défendre, notamment face à un excellent orateur UMP promouvant, sans démagogie aucune, le maintient du nucléaire pour le salut de la facture d’électricité des français.
La dimension sociale de l’écologie, présentée comme un des trois piliers du développement durable (avec l’économique et l’écologique), n’a été que peu mise en avant lors de cette semaine. Les thèmes environnementaux étaient bien là, avec la cafeteria auto-gérée, l’art écolo, les jeux, les conférences, le quizz paniers-bio – mais les deux autres piliers, dits « pragmatiques », passèrent moins de temps sous les projecteurs. Il reste que les initiatives menées donnèrent une coloration verte à Sciences Po durant cette semaine, à certains égards plus présente que certaines semaines thématiques cette année.
Projet phare de P.A.V.é.S, la cafet’ bio-équitable du 13 a eu jeudi un succès certain. Le créneau distribution de nourriture étant libre, les étudiants ont pu, par vagues entre les cours de l’après-midi, se délecter de boissons chaudes et de gouters bio-équitables, certes payants mais à des prix défiant la concurrence des machines toutes proches. P.A.V.é.S serait a priori rentré dans ses frais. C’est de bonne augure pour l’association, qui a le projet d’implanter durablement dans le courant de l’année prochaine,une cafétéria de ce type à Sciences Po. Mais ce serait plutôt au 28 rue des Saints Pères que les écolos viendront casser la croute, le CROUS ayant des projets prioritaires sur le bar inutilisé du 13. Les hyperphages parmi nous noteront avec joie que cela porterait alors à 4 le nombre bâtiments du campus pourvus points de sustentation.
Le soleil qui a baigné cette semaine du développement durable aura permis le bon déroulement d’une opération coup de poing qui ne sera pas passée inaperçue. Comme beaucoup l’auront noté, la pelouse du jardin était en fin de semaine bariolée d’une semaine de déchets – journaux, sac plastiques et gobelets n’avaient pas l’air de gêner autant les élèves que la progressive disparition du soleil de l’enceinte de l’Institut. « On les aura vu, Sciences Po Environnement », lance une étudiante.
Mais les avons nous entendu ? Nous ont-il convaincu de l’urgence de prévoir le futur? Ont-ils touché hors de ceux ayant déjà une affinité pour les thématiques écologiques ? L’étudiant lambda sera-t-il plus enclin à ramasser les journaux humides du jardin comme l’ont fait ceux grâce à qui cette opération fut réalisée ? A voir. A l’image des quelques curieux, qui en chemin pour la Bibliothèque du 27, s’arrêtaient un instant dans leur labeur pour examiner ces œuvres faites de matériaux recyclés, on pourrait déplorer que cette semaine n’aura été pour Sciences Po qu’une éphémère introduction au développement durable. A celle de l’année prochaine de convaincre.
Remerciements à: Etienne Combier, Olivier Pivot.
Images: Sciences Po Environnement, France Nature Environnement, Wikipedia, Adrien Bonnet.
4 Comments
CA
Et pour aller plus loin dans la réflexion tout en restant dans la science politique, un livre récent : Développement durable ou le gouvernement du changement total (http://www.amazon.fr/D%C3%A9veloppe… ).
Floriane
Bonjour,
Merci d’avoir mentionné le projet CAFéS dans votre article, et merci à Antoine pour avoir apporté quelques justes corrections à ce sujet, que je me permets de compléter en tant que membre du projet collectif CAFéS.
Tout d’abord C.A.F.é.S ce n’est pas « juste » une « cafét’ bio-équitable », mais un Café Autogéré de Façon Equitable et Solidaire, ce qui veut dire:
1) Que le lieu sera autogéré par les étudiants de Sciences Po, pour les étudiants de Sciences Po (et sa communauté en général) Pas de CROUS ou autre prestataire de services donc mais un espace entièrement confié à des bénévoles dans un souci de responsabilisation et d’ouverture du lieu à tous (et pas juste « aux écolos souhaitant casser la croûte »)
2) Que les produits distribués bien sûr seront bios, local (partenariat avec l’AMAP de Sciences Po, autre projet de PAVéS) et commerce équitable dans la mesure du possible mais seront surtout à des prix abordables pour casser le cliché « le bio c’est bobo ».
3) Enfin ce sera un espace de vie associative, ouverts à toutes les associations cherchant un lieu d’expression, un lieu de rencontre, un lieu de débats!
Si l’on prend tout cela en compte il me semble que C.A.F.é.S remplit très bien chaque bulle du beau schéma wikipédia que vous avez trouvé: un lieu écologiquement durable, socialement équitable et économiquement viable!
En espérant pouvoir en discuter l’an prochain autour d’un café à C.A.F.é.S,
Floriane
Spectateur énervé
J’aime les gens qui écrivent des articles sans s’informer. C’est pitoyable.
Au sujet du débat RSP :
Rama Yade a été surtout interviewée sur les thèmes du développement durable, et Olivier Pivot, ta « source, » a eu autant la parole que les autres, voire plus, vu qu’il a saturé les micros à force d’hurler dedans.
Et tu vois, si tu t’étais renseigné un tout petit peu, le débat était retransmis en direct vidéo sur le site de RSP, avec plus de 200 spectateurs simultanés, je le sais, je l’ai regardé.
Alors la Péniche, quand est-ce qu’on se met à écrire des choses intéressantes ?
Antoine Messager
Cher Zacharie,
J’aimerai revenir un peu sur ce que vous présentez dans cet article à propos de la semaine du développement durable.
Le reproche fondamental que vous semblez faire à la semaine, c’est de n’avoir été au fond qu’un évènement timide parmi d’autres, sans trop d’ambition et peu prosélyte.
Un premier constat où nous vous rejoignons tout à fait, c’est celui de la saturation asphyxiante du nombre d’évènements à Sciences Po. Je ne vous cache pas qu’hormis la Semaine du développement durable et quelques évènements connexes, nous étions censés avoir la semaine entière pour nous.
C’était sans compter la tenue des élections du BDE, qui non contentes de parasiter les deux premiers jours de la semaine par de la distribution de paniers repas, de câlins gratuits assortis de Ferrero, de massages et cirages de chaussures, et que sais-je encore (loin d’ailleurs d’une démarche responsable, exceptée les gobelets Sciences Po Environnement utilisés), ont fini par une bataille de chiffons concernant la régularité du scrutin par annuler ces élections. En somme, précipitation pour mettre en place les élections, des campagnes odieuses par séduction à coup de cirage de pompe, échec pour se mettre d’accord sur la qualité et les résultats du scrutin, et réflexion enterrée dans l’obscure commission de scrutin pour refaire des élections. Un joli modèle, vraiment.
C’était sans compter également sur la venue inopinée d’Egemen Bagis et de Rachida Dati (nous avions appris la teneur de l’évènement deux semaines avant) qui ameuta les foules. Imaginez-vous notre équipe essayant d’orienter les invités et les personnes voulant assister au débat, dans une marée humaine où, surprise, Richard Descoings, censé être absent (en voyage aux « States ») jusqu’au jeudi, c’était montré, radieux, pour accueillir Rachida Dati, et au passage snober nos invités du fait des « implications politiques trop importantes de sa présence à notre débat ». Vous voyez le tableau ? « écoutez Monsieur Grouard (député, Maire d’Orléans), je sais que nous vous avions dit que R.Descoings n’était pas là, et je sais que vous l’avez vu dans le hall, mais il ne pourra pas venir ». Pardon, j’avais oublié : de nos jours, un débat sur un sujet si polémique que l’environnement, et avec seulement deux députés, ça ne vaut vraiment pas le coup.
Rancoeurs, rancoeurs…. Certes, je l’avoue. Déception de n’être pas tant pris au sérieux par une administration qui oublie de mettre nos évènements sur les écrans numériques, qui oublie qu’un débat a lieu le même soir de la visite des susdits, qui oublie de nous préciser ce petit détail, ainsi que la tenue des élections BDE.
Légère déception aussi de toute l’équipe de Sciences Po Environnement, qui pousse sans relache l’administration pour qu’elle mette en place le « plan vert », une obligation pour tout établissement d’enseignement supérieur d’étudier et réformer en profondeur son organisation afin d’’adopter une démarche plus durable. La loi Grenelle I stipule à son article 55 « les établissements d’enseignement supérieur élaboreront, pour la rentrée 2009, un « Plan vert » pour les campus ». Et oui, 2009. Pour le moment, l’administration dit qu’elle s’y attaque… depuis 6 mois sans résultats ; s’ébranler serait un grand mot, disons plutôt qu’elle s’ébroue mollement ?
Enfin, tout cela ne doit pas ternir la réussite de nombres de nos évènements : le débat politique à un an des présidentielles, un débat de qualité qui a permis de mettre en évidence la place de la question au seins des partis présents, de mettre en exergue l’importance de la question énergétique ; la projection et le débat qui s’en est suivi qui a été d’une très grande qualité également ; les rencontres professionnelles, la venue de Eloi Laurent et Erik Orsenna, le débat des partis de Sciences Po qui s’emparaient de la question environnementale (n’est ce pas une réussite que d’avoir un débat où la question se pose en soi pour ces partis étudiants ?), les quatre expositions déployées sur le campus de Sciences Po ; le partenariat avec la bibliothèque, les intervenants (Ecologic, Art’Eco, Le retour à la Terre), …
Certes, il est vrai, certaines de nos activités n’ont pas fonctionné : le calcul de l’empreinte carbone n’a pas été un franc succès ; le calcul sur le site de l’ADEME (celui présenté en premier sur les ordinateurs) est un exercice extrêmement simple accompagnés de « gestes climats », celui de coachcarbone.org, comme vous l’avez précisé, est plus compliqué, mais est très instructif au sens où, lorsqu’on s’engage dans une démarche de ce type, les pistes d’actions sont très nombreuses, et les résultats probant. A revoir pour l’année prochaine.
Le concours photo, qui a vu néanmoins un joli nombres de photos présentées le dernier jour, a été discret également, peu réussi en ce sens. Nous ne voulions en réalité pas être des concurrents peu opportuns du concours « Renaissance » du BdA, et avons eu un concours, sinon timide disons à petite échelle, c’est certain.
Cette semaine était assez unique en ce sens que, pour la première fois, elle se trouvait sous la forme d’un projet collectif et son budget était multiplié par 10. Notre marge de progrès, comme vous l’avez noté, est importante, mais contrairement au ton général de votre article, je ne crois sincèrement pas qu’elle est passée inaperçue et qu’elle ait été timide. Très nombreuses ont été les personnes qui sont venus nous gratifier ces évènements, ces débats, ces goûters, ces expositions. Cela va de soit, nombreux sont aussi ceux qui ont au cœur de leur cursus ou de leur engagement personnel et associatif une sensibilité à ces sujets. Mais dans l’ensemble le sentiment général a été très positif sur les retours que nous avons pu avoir.
Je me dispenserai de compter dans ces retours le commentaire délicieux d’une étudiante qui, avait eu l’humour de dire dans une mimique tout à fait convaincante « ils font chier l’environnement ». Quel boute-en-train, j’aurais presque cru qu’elle le pensait vraiment.
J’aimerai vous expliquer également notre démarche, qui vous a paru si peu « prosélyte » :
Pas de discours chocs, pas de casques verts pour scander des phrases guerrières pour l’environnement, pas d’interpellation violente ?
Oui, c’est vrai.
nous n’avons jamais prétendus être Greenpeace, manifestant couchés devant des trains remplis de déchets nucléaires et armé de notre Rainbow Warrior (mais, sympa notre local, non ?), nous ne sommes pas des « Ayatollahs verts » comme on se plait communément à les appeler, qui prêchent sans compromis possible à l’utilisation illico-presto des toilettes sèches, à la non-utilisation de tout mode de transport émettant du CO2 et d’autres gaz polluants, ou poussant les gens à retourner à la terre et ne manger que ce qu’ils cultivent tout ça dans des maisons en cannettes recyclés et habillés de tissus equitables.
Non, nous n’agissons pas comme cela.
Cela ne veut pas dire que nous ne mettons pas l’accent sur les aspects « écolo » que j’évoque : modes alternatifs de consommation, de transport, de construction, de voyages, etc. ce sont nos maîtres mots, et nous nous efforçons de communiquer et d’illustrer ces éléments, mais par la voie de l’intelligence et de la connaissance. Cela n’exclue bien évidemment pas non plus des opérations coup-de-poing, comme notre action sur les déchets du jardin, fortement appuyée en outre par Richard Descoings, l’a montré. C’est seulement un mode fonctionnement parmi d’autre pour défendre des idées.
Vouloir être consensuel ? peut-être, c’est souvent le reproche en écologique politique qu’on fait d’ailleurs à ceux qui « défendent la cause » trop près des politiques au pouvoir : les partisans du compromis politique d’un côté, amateur de pragmatisme à la sauce realpolitik, les partisans de l’intransigeance d’autre part, pour la construction d’un modèle alternatif et souvent (toujours) dans l’opposition et dans la minorité, se battant pour que s’appliquent difficilement leurs idées, lorsqu’elles ne sont pas volées, déformées, oubliées. Vous l’aurez compris, nous penchons surtout pour la première option, mais cela ne nous empêche pas d’aller naviguer parfois dans la seconde.
J’aimerai également revenir sur un point qui me semble injustement dépeint : vous écrivez « La dimension sociale de l’écologie, présentée comme un des trois piliers du développement durable (avec l’économique et l’écologique), n’a été que peu mise en avant lors de cette semaine (…) » et qu’avec le pilier économique, la dimension sociale a peu été sous les projecteurs.
Peut-être n’avez vous sans doute pas assisté à l’ouverture inaugurale, dans laquelle Michelle Pappalardo, Commissaire Générale au développement durable, a longuement décris la signification du volet social du développement durable. Peut-être n’avez vous pas assisté non plus à la projection du film « There Once Was an Island », qui fut un franc succès, et qui mettait en avant toute la dimension socio-économique et culturelle du changement climatique sur certaines populations victimes du changement climatique. Peut-être toujours n’avez vous pas assisté aux rencontres des métiers du développement durable, où des acteurs professionnels (au cœur même de l’économie) mettaient en avant les enjeux, les forces à l’œuvre et les stratégies mises en place dans les directions développement durable d’entreprises telle que GDF-Suez, Natixis Environnement ou Dégremont.
Peut-être enfin n’avez vous pas saisi que le pilier social recouvre également ce que vous avez à tort mis uniquement sous la rubrique environnement : les produits bio offerts aux étudiants le mercredi, la cafeteria autogérée qui a merveilleusement bien fonctionnée, la visite du Jardin Partagé, la promotion d’une entreprise recyclant les DEEE, etc. sont autant de démarche qui sont au cœur du social et de l’économique: réduction des intermédiaires d’échange pour améliorer les conditions de travail des cultivateurs, circuits courts en local pour favoriser la diminution des déplacement, pour des individus faisant parfois face à une certaine précarité énergétique, proposition d’alternatives de consommation et de fonctionnement avec les produits bio, la cafet’ et pour (re)tisser un lien social alternatif entre le producteur, le vendeur et le consommateur, proposer des alternatives économiques responsables au retraitement des déchets …
Au fond vous avez raison sur un point : nous nous sommes plus concentré sur un volet, c’est l’environnement, là où nous pensons que la plus grande marge de progrès et le plus grand potentiel de sensibilisation existent.
Dernier point, et ensuite, je vous promets, je m’arrête. Cela n’engage d’ailleurs que moi, c’est une position que je défends personnellement.
Vous écrivez « Nous ont-il convaincu de l’urgence de prévoir le futur? (…) L’étudiant lambda sera-t-il plus enclin à ramasser les journaux humides du jardin comme l’ont fait ceux grâce à qui cette opération fut réalisée ? A voir. ».
Ouch.
Cette première phrase d’abord.
Cette seconde ensuite.
Ouch bis.
Nous avions construit cette semaine sur un postulat très simple : dans une institution comme Sciences Po, où l’on aime volontiers à prêcher l’excellence académique d’étudiants éclairés, l’idée étaient d’offrir tous les éléments pour être sensible à ces problématiques, à bien sentir l’intérêt d’une telle démarche et proposer des clés de lectures sur différents sujets : consommation, politique, recyclage, mode de vie en général, etc. Je pars généralement du principe que les étudiants ont pour qualité à Sciences Po de « s’intéresser aux choses » ; Qu’est ce qu’une intelligence si elle n’est pas curieuse ? Pourquoi au fond faudrait-il « convaincre de l’urgence de prévoir le futur » des étudiants censés être au fait de l’actualité, éclairés de la connaissance qui est celle distillés par ces merveilleux cours de Sciences Po et de ses lectures diverses ? J’exagère bien sûr. Mais je suis souvent choqué de réalise à quel point la connaissance des gens sur ce sujet est si limitée. N’y a t-il pas un devoir, une responsabilité de connaissance des étudiants de Sciences Po ? Je ne dis pas que chaque étudiant doit être se spécialiser dans l’environnement, mais au moins un soupçon de volontarisme serait le bienvenue.
Cela rejoint d’ailleurs votre deuxième phrase ; bien évidemment le but ultime de l’opération coup de poing des journaux humides n’était, non pas comme vous l’écrivez, de faire que spontanément d’autres étudiants viennent ramasser les journaux humides du jardin, mais bien que chaque étudiant ramasse ses propres déchets en les jetant à la poubelle et se montrant responsable !
En somme, c’est l’élément sur lequel je voulais finir: la responsabilité de la connaissance et de l’acte, dans des problématiques qui engagent les gens moralement et collectivement, est pour moi essentielle pour revoir une façon de penser et d’agir encore malheureusement assez dominante.
Bien à vous.
Antoine Messager, coordinateur de la Semaine du Développement Durable