Les amphis de Sciences Po, c’est toute une histoire
Vous avez essayé et d’autres avant vous ont tenté, mais en vain. Non, il n’est pas possible de croiser les jambes en Boutmy et ce depuis 1933, date à laquelle fut édifié l’actuel bâtiment du 27, sur la cour de l’ancien Hôtel du Lau d’Allemans.
A sa création en 1872, l’Ecole libre des Sciences Politiques s’installe à l’Hôtel de la Société d’encouragement, rue de l’Abbaye, la voie longeant l’église Saint-Germain-des-Prés par le Nord. A l’époque, l’école ne compte encore que des effectifs réduits, à peine une centaine d’élèves, et est accueillie par ses bienfaiteurs du faubourg Saint Germain. Mais le vif succès que rencontre l’initiative d’Emile Boutmy exige rapidement des commodités essentielles à un établissement universitaire, telle qu’une bibliothèque.
En 1882, après d’importants travaux, les étudiants s’installent au 27, rue Saint Guillaume dans l’Hôtel de la famille de Mortemart. Cette toute première acquisition est permise à l’époque par un généreux don de Maria de Brignole-Sale, duchesse de Galliera, qui dédia une partie de sa vie à des œuvres philanthropiques. C’était également l’ancienne propriétaire de l’hôtel de Matignon, résidence actuelle du Premier Ministre.
En 1886, l’ancien Hôtel d’Eaubonne, au 25 de la même rue, est détruit puis remplacé par une salle de lecture en verrière et un amphithéâtre de 200 places qui subsisteront jusqu’en 1948. C’est cette aile qui, après avoir été agrandie, abrite aujourd’hui la bibliothèque René Rémond. Enfin en 1912, lorsque Eugène d’Eichtal succède à Anatole Leroy Beaulieu à la tête de l’institution, celle-ci compte déjà plus de 800 élèves et s’agrandit au 29 de la rue Guillaume, jusqu’alors Hôtel du Lau d’Allemans.
En 1933, l’Ecole libre fait appel à l’architecte Henri Martin, également à l’origine des usines Blériot de Suresnes,en vue de se doter d’amphithéâtres et de structures capables d’accueillir un nombre grandissant d’étudiants. Trois ans vont être nécessaires à la construction de ce qui est encore à l’époque la cour du 29 rue Saint Guillaume. Deux amphithéâtres, du nom des pères de l’école Emile Boutmy et Anatole Leroy Beaulieu, sont édifiés ainsi que deux vastes salles à l’étage et une voûte pavée de verre abritant des vestiaires et la banquette de notre tendre et bien aimée Péniche. Les bancs encore d’origine de l’amphithéâtre Emile Boutmy sont l’œuvre de Jean Prouvé dont le credo, « ergonomie, économie, solidité », s’applique à merveille aux pupitres biplaces faits de chêne.
Entre 1948 et 1952, sous le directorat de Jacques Chapsal, a lieu la dernière étape des travaux qui donne notamment naissance aux emblématiques trois portes en plein centre par lesquelles nous passons aujourd’hui chaque jour. Notez qu’entre temps, un habile tour de passe-passe cadastral a fait de l’historique 29 notre actuel 27, les bibliothèques du 25 sont devenues 23 et ainsi de suite, jusqu’à ce que finalement le bâtiment dans son ensemble soit absorbé par le prestigieux numéro 27.
Enfin, en 1994, peu après la mort de son directeur Jacques Chapsal, Sciences Po lui a rendu hommage en attribuant son nom à l’initiale salle Anatole Leroy Beaulieu. Ce dernier n’en demeurant pas moins une figure emblématique de la maison, l’amphithéâtre du dernier étage, mitoyen de la salle Albert Sorel, fut baptisé d’après son nom.
Bien que l’on puisse parfois en douter, en témoignent les dessins gravés dans le bois des bancs de Boutmy, les amphithéâtres érigés dans la cour de l’Hôtel du Lau d’Allemans, précédemment acquis en 1912, ne ressemblent plus tout à fait à ceux sur lesquels nous prenons place aujourd’hui.
En effet, à la rentrée 2005 et sous la direction de Richard Descoings, Sciences Po s’est lancé dans un ambitieux projet. Durant six mois, les étudiants ont été témoins de la rénovation des salles des deux étages supérieurs du 27.
En lieu et place de l’amphithéâtre Anatole Leroy Beaulieu et de la salle Albert Sorel a été aménagé un unique amphithéâtre d’une capacité de 170 places qu’il est aujourd’hui possible de diviser en deux grâce à des cloisons amovibles.
L’amphithéâtre Jacques Chapsal s’est également vu lui offrir une nouvelle jeunesse : désamiantage, bancs, sols, baies vitrées, celui-ci a été refait à neuf ! Cette année-là a été l’occasion d’une rentrée un peu tardive pour les étudiants qui ont du s’adapter pendant le temps d’un semestre aux imposantes installations. Pour des questions pratiques et de sécurité, la Péniche avait été déplacée dans le petit hall et la cafet’ était devenue le passage obligé pour rejoindre le jardin et le 56 rue des Saint Pères.
A ce propos, il ne faut pas oublier que la cafétéria n’a pas toujours fait partie intégrante de la vie étudiante sciencespiste ! Pendant longtemps et jusqu’en 2001, la partie inférieure du bâtiment du 27 a abrité une salle de sport dont on peut encore observer les vestiges en levant les yeux au plafond et dont M. Mion parle d’ailleurs avec regret dans une interview qu’il avait accordée à Sciences Polémiques l’année dernière.
Au delà du confort et de l’esthétique de ses locaux, c’est désormais au défi de l’immobilier que Sciences Po doit faire face. Au cours de ses trois mandats, Richard Descoings a largement conforté la position centrale et germanopratine de Sciences Po par l’achat et la location d’un nombre conséquent de bâtiments, à quelques pas seulement du cœur historique de la rue Saint Guillaume. Mais alors que M. Mion a pris sa succession à la tête de l’école, la politique foncière et immobilière de Sciences Po reste plus que jamais d’actualité, comme l’atteste le projet Sciences Po 2022.
One Comment
Simon
Les bancs de Boutmy sont l’oeuvre de Jean Prouvé, et non du peintre Victor Prouvé