Les dix phrases à retenir de la masterclass de Youssoupha

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C’est avec calme, humilité et beaucoup de spontanéité que Youssoupha a conquis Boutmy jeudi soir. La Péniche a suivi cette masterclass ouvrant le festival « Le bruit de la ville », organisé par NOISE. On a parlé rap, mais pas que. Voici dix phrases que vous avez pu manquer. Suite des festivités ce weekend à Saint Ouen.

1) “Cher Youssoupha, j’aurais été content de checker avec vous mais les étudiants de NOISE n’ont pas réussi à m’apprendre la technique”. Paré d’une cravate bleu ciel, Frédéric Mion accueille chaleureusement le rappeur au collier de chaine. Pour le directeur, la culture urbaine imprègne aujourd’hui une génération d’étudiants. Elle a ainsi sa place dans une école qui cherche à “s’ouvrir et à introduire de la diversité”. “Je me réjouis que de nombreux élèves de l’école d’urbanisme soient également membres de NOISE” poursuit-il.

© Maximilien Bouchet

2)C’est comme cette impression quand on est en boite de nuit, qu’on boit beaucoup, qu’on veut se relever, mais hop on se rassoit”. Les formalités introductives passées, Youssoupha prend le micro. Il revient rapidement sur son parcours, ses hauts et ses bas. Il admet que ça n’a pas été toujours facile de continuer après le succès grisant de Noir Désir en 2012, disque de platine. “Pendant trois, quatre mois, il a fallu tout couper, changer de route, à la recherche d’une créativité nouvelle. C’était difficile de repartir.” confesse-t-il. Et encore plus sous la pression d’un public dans l’attente.

3) “Les cases sont faites pour faire rayons à la Fnac : Nolwenn c’est là, Orelsan c’est là, Hélène Segara c’est là”. Youssoupha n’aime pas les catégories, et déteste celle du “rap conscient”. Contrairement à ce qui semble être parfois dit, il n’y a pas de raison de l’opposer à un rap qui aurait “moins de valeurs”. “Je veux juste du rap bien fait” lance l’invité. Son exemple en la matière : Notorious B.I.G. A vous de juger !

4) “NGRTD ressemble à un amphitéâtre de SciencesPo en plein Kinshasa”. NGRTD, prononcé “Négritude”, est le prochain album de l’artiste. Il sera dans les bacs mi mai. Ses influences : de la musique du Congo, celle “que j’écoutais quand j’étais petit”, des influences familiales, new-yorkaises, scolaires puis universitaires… Youssoupha le rappelle : il a suivi des études littéraires.

© Maximilien Bouchet

5) “La plaie ultime du rap français n’a pas à être la contradiction”. Comme n’importe quel autre artiste, Youssoupha estime que les rappeurs ont le droit à l’erreur, de revenir sur ce qu’ils ont pu dire. « C’est l’une de nos premières libertés » ajoute-t-il. Il explique avoir gagné en maturité depuis le début de sa carrière il y a une quinzaine d’années, et avoir eu le temps d’explorer les tendances.

6) “ ll faut être attentif au nom d’un album, c’est ce à quoi on réfléchit le plus” indique l’un des managers du label indépendant qui produit NGRTD. Ce titre posait un problème il y a quelques années, chez un major (grosse production musicale) : “On me disait alors que c’était segmentant” se rappelle Youssoupha.

7) “Un artiste est un modèle économique unique.” Youssoupha est soucieux d’une certaine indépendance. Il a trouvé le format de production qui lui convient : “Avant on ne travaillait pas avec nos idées, on a eu des échecs. Aujourd’hui, un label indépendant permet de choisir la direction marketing, les pochettes, les attachés presse…  Comme une entreprise, on fait des choix qui peuvent être payants ou non, on travaille avec nos deniers à nous”. C’est pour cette raison que la couverture de NGRTD a été élaborée librement, sans contrainte d’image de l’artiste dessus.

8) “On s’indigne, on s’indigne, comme le demande Hessel, mais on a compris le truc à l’envers”. Digression politique. Le rappeur refuse ainsi que l’on s’indigne pour soi. On devrait le faire pour les autres. “Les gens veulent se défendre eux-mêmes, pour ma cité, pour le beau quartier dans lequel j’habite, pour mon confort quand je suis bourgeois” ajoute-t-il…

9) “Les médias expliquent le vote FN comme un vote contestataire, comme un message que les gens essaient de faire passer. Mais non : ils sont racistes. Ils n’envoient pas de message. S’ils veulent le faire qu’ils envoient un texto frère”. L’amphitéâtre salue cette prise de position. “Au Congo la démocratie ce n’est que le jeudi, jamais de ma vie je n’ai vu un militaire, ici, devant l’urne. Les gens savent très bien pour qui ils votent…” poursuit-il. Youssoupha a fait sienne la lutte contre le FN il y a quelques années, à l’instar de quelques vers dans le titre A force de le dire (2009). Il se dit aujourd’hui “blasé”.

10) “Un conseil aux jeunes générations ? Fais toi plaisir.” Youssoupha insiste sur le fait qu’il ne faille pas réfléchir, faire ce qui nous plait, le partager avec les autres. Pas de fausses illusions non plus : le rap est un panier de crabes. Il ajoute : “J’ai toujours dit que c’est bien plus facile de devenir un chirurgien renommé qu’un rappeur connu !” A bon entendeur bien sûr !

© Maximilen Bouchet. Noémie Fompeyrine, présidente de NOISE, LA VILLE

Noémie Fompeyrine, étudiante en 5A et présidente de NOISE, LA VILLE, conclut que “Youssoupha est le parrain de notre festival cette année. Ce qui nous fait plaisir, c’est d’accueillir des figures du rap dans un amphi où Boutmy a pu s’asseoir, que ce soit Frédéric Mion qui introduise l’événement, que l’institution porte ce type de projets et nous fasse confiance… Finalement, on casse des limites qui sont davantage symboliques que réelles. Et c’est notre objectif« .

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