Les 3 rendez-vous du Monde Festival que vous avez manqués (et vous avez eu tort)
1 – Informer le monde par Eleonore Voisard
Vous n’avez pas pu aller au Monde Festival ce week end – alors qu’on vous l’avait pourtant conseillé ? Ce n’est pas grave, La Péniche y est allé et vous retranscrit les grandes lignes du débat et ses impressions.
Rendez-vous au rez-de-chaussée de l’Opéra Bastille samedi à 16h pour entendre Paul Steiger, directeur du site d’information Propublica, Eric Filloux, directeur du pôle digital des Échos et Dick Stevenson, directeur en chef chargé de l’Europe au New York Times autour du thème « Informer le monde », préoccupation on-ne-peut-plus grandissante à l’air du numérique et de la mutation des médias.
Les thèmes attendus sont là : l’évolution effrénée des technologies et la redéfinition des frontières du journalisme, la baisse de revenus des journaux et la place de la publicité au sein de l’information ou encore les collusions entre médias, pouvoirs et entreprenariat. Finalement, rien de nouveau sous le soleil à l’heure où pourtant on cherche activement des réponses à la dégradation de l’information et à la dévalorisation du métier journalistique.
Autre déception majeure : l’absence de Jill Abramson, première et ancienne directrice féminine du New York Times et d’Antonio Caño, directeur d’El Pais, laissant place à un débat très américano-masculin dans une conférence dont la composition devait être plus à même de représenter l’hétéroclisie des solutions médiatiques de demain.
Ce qu’il fallait retenir : le débat sur l’information se déplace aujourd’hui sur les pure players tels que le Huffington Post et surtout Buzzfeed, qui avait été attaqué par M. Filloux dans une lettre ouverte à l’un des récents investisseurs du site. À l’heure où la nécessité d’intéresser le lecteur dans un monde de plus en plus rapide s’impose, les pure players semblent s’imposer avec créativité comme le nouveau journalisme de masse. Alors que Messieurs FIlloux et Steiger le déplorent – rien d’étonnant quand on considère que Buzzfeed fait injustement de l’ombre a ProPublica – M. Stevenson reste probablement le plus pragmatique en insistant sur l’importance d’allier ce fonctionnement à un journalisme fiable aux informations sérieuses afin de garantir du revenu sur le long terme.
Un autre temps fort qui a retenu notre attention est le retour sur le Rapport sur l’innovation du New York Times qui avait fuité en mai simultanément au départ abrupt de Jill Abramson. Dick Stevenson insiste à nouveau sur l’importance de changer les habitudes des lecteurs qui s’inscrivent encore et toujours dans une tradition papier. « It’s essential to criticize our point-centric edition ». Il est nécessaire de trouver un format numérique résolument nouveau, dans lequel chaque lecteur trouverait une rubrique, un article, une nouvelle adapté à son intérêt. « Now, every single story has to fin its own audience ».
2 – L’Europe de demain par Imane Loummalia
Samedi dernier, Opéra Bastille, 14h00. Un amphithéâtre et quatre intervenants venus converser de l’état actuel de l’Union Européenne. Heinz Wismann, philosophe et philologue allemand, Sylvie Goulard, eurodéputée MoDem, Ian Buruma, critique littéraire néerlandais, et Daniel Cohn-Bendit, ancien eurodéputé EELV avaient répondu présent à l’appel. Récit condensé de ces une heure et vingt minutes en leur compagnie.
Un plaidoyer pour une Europe fédérale
« Dans un monde multipolaire, si les civilisations veulent survivre, elles ont besoin du parapluie civilisationnel qu’est l’Europe » : on ne pouvait faire constat plus consensuel autour de la table que celui dressé par Daniel Cohn-Bendit. Si bien que les intervenants n’ont cessé tour à tour, tels de fervents défenseurs de cette Europe très souvent décriée d’en rappeler les bienfaits. Daniel Cohn-Bendit, certainement l’intervenant aux prises de position les plus tranchées, a, à plusieurs reprises scandé l’idée d’une République fédérale européenne qui « donne une identité aux personnes ».
La nécessité de « trouver une solidarité commune »
« Solidarité », sans doute le mot qui n’a cessé de parsemer le discours des quatre personnalités. Si l’Europe doit faire face à une crise de confiance c’est qu’elle est encore reléguée au rang d’entité lointaine et abstraite qui n’imprègne pas assez l’opinion publique. Le « débat est auto-centré en France », déplore Sylvie Goulard. Or, pour que l’idée de l’Europe prenne réellement sens, il est primordial de bâtir au quatre coins du Vieux Continent une « conscience de l’autre » pour former un bloc solidaire.
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Bâtir, une cohésion, oui, mais comment ?
Convaincre du bien fondé de l’Europe, à l’heure où elle est présentée comme étant la cause des pires maux, voilà l’urgence. Mais il ne s’agit pas là de ressortir ce bon vieil « argument romantique de l’unité culturelle », insiste Ian Buruma. Maire faire preuve de pragmatisme, plutôt : expliquer pourquoi chacun à des intérêts à retirer de son intégration au sein de l’Union Européenne. Le critique littéraire poursuit qu’avant cela, il faudrait peut-être que les gouvernements européens en finissent avec la manie de désavouer toutes les décisions impopulaires de Bruxelles.
Le monde en scène par Eve Aubisse
Plus de deux-mille spectateurs étaient venus assister samedi au baptême du feu du Monde Festival. C’est en effet pour fêter ces soixante-dix ans que le géant de l’information française a décidé d’organiser, pour la première fois de son histoire, un festival, réunissant de nombreux conférenciers afin d’alimenter des débats sur des sujets très variés. Mais en ce samedi soir, c’est l’Art qui était mis sous le feu des projecteurs. Le spectacle proposé est totalement inédit : le titre Le Monde en Scène n’est pas très loquace sur ce qui attend les spectateurs, le metteur en scène, Robert Carsen ayant totalement carte blanche pour créer un spectacle qui « fête le passé en célébrant le futur ». C’est donc une salle complètement perdue mais curieuse et en alerte qui se tait dès lors que les lumières s’éteignent et laissent place au spectacle. Ce qui suit est une réussite. Un anniversaire fêté comme il se doit. Une programmation qui tient ses promesses. Pourquoi ? Réponse en quatre points.
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Un choix de mise en scène unique : certains y verrons une hérésie. Chaque numéro n’a en effet rien à voir avec celui qui lui précède ni avec celui qui va lui succéder. Les supports sont multiples : art de l’acrobatie, clip vidéo, récitation de textes, concert aux sonorités africaines, concert classique, solo au piano et même au clavecin, en passant par la danse classique ou le hip-hop… Le spectateur ne se lasse pas de cet enchaînement incessant d’artistes qui surprennent, envoûtent pour certain, questionnent pour d’autres. L’Art est multiple, l’Art est dynamique, l’Art est partout, l’Art ne s’épuise jamais.
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Le monde ne pouvait être mieux mis en scène : la force du spectacle réside dans le fait d’avoir uni des artistes du monde entier. La représentation débute avec Alexandre Lane, canadien et acrobate, puis continue avec Lulendo, chanteur-auteur-compositeur angolais, qui laisse la scène à Laure Prouvost, vidéaste française, qui précède Hiroaki Umeda, danseur chorégraphe et artiste visuel japonais… Bref, ce n’est pas moins de quatorze nationalités qui sont mis en scène et qui nous montrent que l’Art est cosmopolite, tout comme notre monde d’aujourd’hui.
L’Art de demain réside dans le renouveau : Robert Carsen nous prouve qu’il est possible d’unir le passé et le futur afin de créer le présent. L’Opéra Bastille n’avait sûrement jamais vu ça : de la musique traditionnelle angolaise jouée à la basse, à la batterie et à la guitare électrique, un orchestre classique mêlant la clarinette et le jazz, un claveciniste accompagné d’une danseuse étoile au jupon à moitié découpé auxquels succède un clip de Fauve qui précède lui même la tirade To be or not to be, jouée en version originale par un comédien anglais avant de laisser place de nouveau à un clip, mais de Woodkid cette fois… Bien sur, certaines prestations restent un mystère : le joueur de guimbarde chinois Wang Li ne fait pas l’unanimité, de même pour la vidéo très sombre et presque gothique de l’artiste autrichienne Soap&Skin. Il n’en demeure pas moins que ces associations impossibles prennent tout leur sens dans l’Art qui crée la cohérence du spectacle.
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Faire le tour du monde en deux heures n’a pas de prix… Mention spéciale au Balcon de Maxime Pascal et Maxime Sévère pour leur musique classique et groovy, à l’Aditi Mangaldas Dance Company pour sa danse indienne réinventée ainsi qu’à Alexandre Lane et ces cercles qui semblent être la continuité de son corps qui ouvrent puis closent le spectacle, car finalement la boucle est bouclée…
4 Comments
Grévisse
Correction faite (en catimini). Du coup je poursuis ma lecture.
Bon, je ne serai pas allé très loin : « à l’air du numérique et de la mutation des médias »…
mullerjulian
*de
mullerjulian
Je suis allé à celle Christiane Taubira ! Elle était elle aussi inratable 😉 !
Grévisse
Et dans ces « confs », vous n’avez pas suivi l’atelier sur l’accord du participe passé employé avec l’auxiliaire avoir ?
Vous avez eu tort.