Le retour du temps de l’insouciance

« Oisive jeunesse
À tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah! que le temps vienne
Où les cœurs s’éprennent.

J'ai tant fait patience
Qu'à jamais j’oublie;
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties.
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines. »
Extrait de « Chanson de la plus haute tour », Arthur Rimbaud

L’année dernière, au mois de mars, tous les médias ne parlaient que d’une seule chose : le monde d’après. Il était décrit comme radicalement différent et nouveau, comme la conséquence d’un moment de libération sans précédent. Tout le monde parlait de réapprendre à vivre, comme si nous avions arrêté de respirer pendant ces mois d’enfermement. On se prenait à rêver d’étreindre ses proches, de danser, de voyager jusqu’au bout du monde. Aujourd’hui, force est de constater que ces espoirs se sont progressivement éteints. Une certaine routine s’est installée, symptôme d’un épuisement chronique. Nous ne pensons plus au monde d’après. Ce qui semblait n’être qu’une parenthèse de quelques mois s’est installé de façon durable : nous voilà coincé.e.s dans cette période transitoire, abattu.e.s face à l’impossibilité de retourner au monde d’avant. Nous nous sentons désormais vieilli.e.s, après une année et demi de notre jeunesse volée. Les projets sont mis en pause, l’avenir brouillé. Pourtant, qu’il est bon de rêver de ce monde d’après et de désirer les choses du quotidien, malheureusement étiquetées comme non-essentielles. À partir de quel moment avons-nous cessé d’espérer ? Pour une fois, oublions les chiffres inquiétants et les « nous sommes en guerre », reprenons espoir. Humanisons-nous à nouveau, loin des disciplines du corps, de l’isolement et des statistiques qui quantifient nos vies. Délaissons l’inexistence, les universités endormies, et les salles de spectacles désertes : imaginons de nouveau, un an plus tard, cet « après » aux contours flous. Pensons au retour de l’insouciance, à la liberté enivrante, à la caresse du vent sur nos visages sans masque. Que le temps (re)vienne où les cœurs s’éprennent. Nous l’avons bien vu, le retour des terrasses et des lieux de culture a insufflé de la vie dans beaucoup d’entre nous, qui étaient jusqu’alors à bout de souffle. Mais comment imaginez-vous le premier jour du monde d’après, sans Covid-19 ? Quelle saveur de la vie vous fera vibrer avant toutes les autres ? De quoi êtes-vous impatients ?

« Ce que j’ai le plus hâte de faire après cette pandémie ? Danser, je pense. Lors d’une soirée, d’un festival ou en boîte de nuit, j’ai hâte de sentir la foule autour de moi vibrer, de retrouver un contact rassuré. »
Elise


« Le jour d’après, je veux voir des gens heureux et conscients de la chance qu’ils ont d’être en vie. »
Thibault


« Je regarderai les sourires des gens dans la rue, et je partagerai ces sourires. J’embrasserai mes grands parents et tous ceux que j’aime. Je retrouverai une vie spontanée et insouciante, je partirai en voyage pour voir la mer et le soleil, j’irai en terrasse, je danserai, je ferai des rencontres. Ça sera incroyable et tout aura plus de valeur. Mais surtout, bientôt, on aura oublié toutes ces difficultés, et toutes ces petites choses qui nous manquent tellement seront notre quotidien. »
Flore


« J’aimerais faire un barbecue avec mes amis et leur faire des bisous. »
Elisa
«

J’aimerais retrouver le sucre de la vie, la facilité de l’improvisation et la douceur des amitiés éphémères. En bref tout ce qui est non essentiel mais qui donne du goût à nos petits jours de vivant. »
Emma


« Sortir tard, voir le visage des gens heureux qui rigolent et sourient, danser dans la rue, embrasser mes amis. »
Odile


« Une fois cette pandémie derrière nous, j’aimerais apprécier au mieux les petites choses. Respirer l’air frais sans masque, voir les gens sourire et leur sourire en retour, sortir sans surveiller si le couvre feu approche et surtout, partir, voyager, découvrir, explorer. »
Léa


« Quand tout cela sera fini, j’aimerais retrouver la liberté et l’insouciance : sortir sans regarder l’heure, sourire aux passants, aller au musée sur un coup de tête et passer des journées entières avec ceux que j’aime… »
Juliette

Pour vous, le premier jour du monde d’après sera festif, rempli d’embrassades, de musique, et de sourires. Mais surtout, un premier jour rythmé par l’inconscience, libéré.e.s des contraintes imposées par le couvre-feu et la distanciation sociale. Comme le disait si bien Rimbaud, la soif malsaine obscurcit nos veines : nous attendons avec impatience le jour où nous retrouverons la frivolité de la jeunesse, dont nous avons été indûment privé.e.s. Et bientôt, espérons-le, ces fantasmes ne relèveront plus de l’imaginaire, mais du réel — je sens déjà le parfum de l’insouciance qui vient jusqu’à nous.

Et vous, comment sera votre premier jour du monde d’après, sans Covid ? Faites-nous rêver.