Hollande, un bon constitutionnaliste?

La présence d’un président de la République dans la même pièce que soi impose forcément ne serait-ce qu’un peu de respect. Quand ledit président de la République écrit un livre sur la réforme qu’il souhaite pour la Vème République, on peut supposer que ses propositions, venant de quelqu’un qui arrivé au sommet de l’Etat, de son application, soient pertinentes. François Hollande a-t-il satisfait ces attentes le soir du 28 janvier dans sa discussion avec Olivier Duhamel puis avec le public réuni dans l’amphithéâtre Emile Boutmy ? Voici quelques éléments de réponse.

Le président est à l’aise. Il est assis dans un lieu qu’il connaît ou qu’il a connu, en tant qu’élève puis en tant que professeur d’économie avant même Olivier Duhamel, comme il ne manque pas de le rappeler. Cette habitude est presque systématique chez les anciens élèves transformés le temps d’un soir en conférenciers : les études à Sciences Po suscitent-elle tant de nostalgie ? Nous ferions bien d’en profiter ! Que sa décontraction provienne de la vue des bancs en bois familiers, d’une grande confiance en ses idées, ou qu’elle soit une pure façade, Hollande confirme la réputation de son sens de l’humour, et ne manque pas de faire sourire voire rire l’assemblée plus d’une fois. Il n’est certes pas le meilleur orateur qu’ait accueilli cette estrade, mais il divertit la salle d’anecdotes et de bons mots. Les piques s’enchaînent en effet avec son interlocuteur, avec qui il semble bien s’entendre : le vouvoiement ne paraît être qu’une formalité destinée au public. Malheureusement, cette relation et l’aplomb apparent de Duhamel n’empêchent pas une absence de contradiction profonde venant de ce dernier. Il se ravit pourtant des questions complexes qui proviennent de la salle, comme celle concernant le Rassemblement National et la possibilité de gouverner avec lui si la réforme proposée avait lieu, qu’Hollande considère envisageable.

En effet, sur le fond, la proposition de François Hollande est une bonne base de réflexion, malgré le regret que suscite l’absence d’échange véritablement incisif. L’exemple de la proposition phare de l’ancien chef de l’Etat en atteste. Duhamel en souligne certes les défauts, voire les incohérences, notamment quand le président regrette l’absence de lisibilité des institutions liée au quinquennat et aux éventuelles cohabitations tout en suggérant une élection du Parlement tous les quatre ans et du président tous les six. S’il espère qu’avec le régime présidentiel (et pas présidentialiste, puisqu’il demande une place véritable pour le Parlement pour rétablir la confiance des électeurs et la place des partis), une « culture du compromis » à la façon des Etats-Unis s’établisse, rien n’est moins sûr. Une culture ne se créée pas en un référendum (qu’Hollande appelle de ses vœux en cas de réforme), et la France n’est pas réputée pour le compromis ni les alliances électorales, notamment en raison du scrutin majoritaire qui n’en nécessite pas systématiquement. Le président cite aussi les votes du budget pour prouver que le système états-unien ne se bloque pas, choisissant certainement mal son exemple. Mais Duhamel ne rebondit pas vraiment sur ces derniers points, presque encore moins que la salle dont ce n’est même pas le rôle premier.

Pour défendre ses idées, Hollande s’affirme comme ayant pris du recul et étant désormais capable d’avoir un retour sur son propre exercice de la présidence. Il reconnaît son erreur en ayant été favorable au quinquennat ou encore en ayant, comme les autres présidents, « pensé qu’il avait une légitimité » issue du nombre de voix du second tour et non du premier. Il estime aussi que Macron a à priori eut une bonne idée avec la Convention citoyenne sur le climat. Duhamel souligne même sa « bonne foi intellectuelle surprenante ». Mais son discours n’est pas seulement celui du repentir et de la bonne foi. Il considère par exemple à demi-mot que les bons chiffres du chômage sont liés à sa politique. Il choisit aussi de ne pas réfuter la logique de partis, et notamment de « partis de gouvernement », qui est encore pour lui celle qui est pertinente. Bref, ce n’est pas encore avec Hollande qu’aura lieu la révolution. L’échange est intéressant à écouter pour nourrir vos réflexions sur les changements que nécessite la vie politique française (la proposition première de l’ancien président est surtout de supprimer le premier ministre), mais vous ne serez pas complètement bouleversé.es dans ce que vous savez déjà.

Il est peut-être possible de regretter en guise de conclusion qu’il n’ait pas plus développé les solutions aux problèmes qu’il reconnait : des problèmes « anxiogènes », face auxquels l’Etat n’est souvent plus l’acteur pertinent (crise écologique, migrations ou globalisation). Il en observe les conséquences négatives (populisme, crise de la représentation, fragmentation de l’offre de partis politiques) mais ne propose pas, ou tout au moins pas assez de moyens d’adaptation. Certes, il insiste sur la nécessité d’accroître les moyens des maires et des collectivités locales (il accorde la durée du mandat du président sur celles de ces-derniers) et l’importance de l’internationalisme face au nationalisme, mais sans développer suffisamment. Peut-être que pour revenir véritablement au-devant de la scène, Hollande devrait tenter d’avoir des suggestions plus innovantes.

Crédit image : Fayard