Splendeur et misères de la gestion associative à Sciences Po (1/3)

Note de la rédaction – Dès le 3 Septembre 2015, bien avant la mobilisation de l’Unef, La Péniche s’étonnait déjà des difficultés rencontrées par le BDA. Nous avons alors décidé de nous renseigner plus profondément sur le sujet. C’était sans imaginer le temps que nous prendrait ce travail. Un coin d’ombre sur le budget 2015 reste notamment à éclaircir. Nous avons sollicité la Direction de la Vie Universitaire, qui nous a dit “ne pas pouvoir” nous communiquer le document que nous souhaitions… Au risque de faire quelques raccourcis, nous décidons toutefois de rendre publique aujourd’hui la première partie d’une enquête démarrée début Septembre, étape par étape, point par point.

« Des buffets ou des assos ? », le 15 Octobre 2015, forte d’un slogan tapageur, la mobilisation de l’Unef Sciences Po atteint son summum. Le syndicat organise un happening en péniche. Quelques minutes plus tard, il remet à Frédéric Mion une pétition regroupant 1 800 signatures d’étudiants et soixante lettres ouvertes d’associations s’insurgeant tous contre une « vie associative menacée ».

De nombreux arguments sont mis en avant par le syndicat et quatre des cinq associations permanentes l’ayant rejoint. En première ligne, le Bureau des Arts qui semble avoir totalement perdu le soutien de Sciences Po dans la mise en place des cours de pratique artistique.

Tabous, manœuvres juridiques et erreurs comptables, La Péniche vous emmène au cœur de la gestion associative à Sciences Po.

 

Un Bureau des Arts délaissé

Dès le 4 Septembre 2015, nous partons à la rencontre du BDA, principale victime de cette  « réforme du financement associatif », pour laquelle aucun document officiel n’existe. Seule certitude : les prix des cours de pratique artistique proposés par l’association ont grimpés depuis le début de l’année, et l’offre s’est réduite.

Un dessin de Marie Gros

Alexandre Tribillon, étudiant en deuxième année à la tête du nouveau pôle de gestion de ces cours, nous explique que « L’an dernier, c’est Sciences Po, par l’intermédiaire de Renaud Boulant, responsable des sports et des activités culturelles au sein de la Direction de la Vie Universitaire, qui s’occupait des cours de pratiques artistiques : que ce soit le contact des enseignants, comme la gestion des salles ou les inscriptions pédagogiques. Cette année, ils nous ont donné la main sur tout cela. »

La raison officielle : un manque de visibilité sur la maquette pédagogique. Les internationaux auraient en effet du mal à distinguer les ateliers artistiques obligatoires en première et seconde année des cours facultatifs de pratique artistique. Mais pour Alexandre, c’est également « la nouvelle ligne de Sciences Po dans sa gestion budgétaire des associations » qui en est cause. En clair : l’école voudrait faire des économies.

Les étudiants sont les premiers touchés par le passage de témoin : augmentation de cinq euros en moyenne du prix de ces cours, suppression de certaines activités, et absence de crédits ECTS.

Sur les deux premiers points, Alexandre défend qu’ »On a été obligé d’augmenter les tarifs des cours pour être sûrs d’être à l’équilibre. Nous n’avons plus d’aide financière directe de l’école pour ces activités et on ne peut pas se permettre d’en garder des non rentables, alors que Sciences Po le pouvait ».  Il rappelle également le problème de paiement de certains enseignants qui bénéficiaient l’an dernier du statut de vacataire au sein de Sciences Po. L’école les payait alors directement. Un coût désormais à la charge du BDA, qui a dû le répercuter sur les tarifs des cours.

Ainsi, si ces changements permettent certes au BDA d’étendre ses prérogatives, ils lui donnent surtout du pain sur la planche. « Cela a rajouté beaucoup de choses à gérer, en particulier pour la trésorerie. C’était particulièrement stressant : on allait clairement vers l’inconnu », se souvient Alexandre.

Malgré ces difficultés, le BDA a réussi à s’en sortir. Les objectifs d’adhésion pour l’année ont été atteints et la plupart des cours sont suffisamment remplis.

Notre enquête aurait pu s’arrêter là. Mais l’unique argument d’un manque de visibilité de la maquette pédagogique ne nous a pas convaincu. Nous avons alors continué à chercher tandis que la mobilisation de l’UNEF contre  « vie associative menacée » allait crescendo.

 

Le  « questionnement juridique »

Andreas Roessner est depuis cette rentrée le nouveau Directeur de la Vie Universitaire. Il succède à Jacques De Champchesnel, parti…en année sabbatique… Contacté quelques jours après notre entretien avec le BDA, nous tardons à obtenir un rendez-vous avec lui, en raison d’un agenda particulièrement chargé en ce début d’année universitaire.

Andreas Roessner aux côtés de Bénédicte Durand lors de la finale des Triplétades. © Capucine Personnic pour Sciences Polémiques.

C’est finalement le 29 Septembre 2015 que nous pouvons le rencontrer. Il nous prévient d’emblée : « Etant arrivé récemment à mon poste, je ne serai pas en mesure de répondre à toutes vos questions. »

Il trouve cependant les réponses à certaines de nos interrogations. Alors que nous lui soumettons le tract de l’UNEF il rétorque qu’« il y a des raccourcis et des omissions dans ce document. ».

Andreas Roessner nous explique qu’une des raisons du désengagement de Sciences Po dans les cours de pratique artistique du BDA relève d’un « questionnement juridique ». En s’occupant des cours, l’école intervenait directement dans la gestion et le budget du BDA, une association loi 1901. C’était également le cas pour les activités de l’Association Sportive. La situation n’était pas conforme aux statuts des deux associations.

Ainsi, le service juridique de l’école aurait demandé l’an dernier à la Direction de la Vie Universitaire de corriger ce fonctionnement. « Face à ce problème, mes prédécesseurs ont réformé les statuts de l’AS en intégrant trois personnes de l’IEP comme membres de droit de l’association. Pour le BDA, l’IEP leur a redonné la prérogative des cours de pratique artistique », détaille Andreas Roessner.

S’il ne peut pas nous expliquer pourquoi les statuts du BDA n’ont pas eux aussi été modifiés, il nous rappelle la motivation officielle de ces changements de gestion : la fameuse visibilité sur la maquette pédagogique !

Quant aux crédits ECTS, « comment voulez-vous qu’une université attribue des crédits à un cours qu’elle ne gère pas et sur lequel elle n’a pas de droit de regard ?« , considère-t-il.

« La vie associative nous tient à cœur, sinon pourquoi je serais là ? Elle a de beaux jours devant elle et on est très fiers d’avoir des étudiants qui se mobilisent matin et soir pour des activités syndicales ou associatives. » – Andreas Roessner.

Mais alors pourquoi le syndicat majoritaire de l’école parle-t-il d’une « vie associative menacée » ? Sur ce point, Andreas Roessner se défend de toute coupe et parle plutôt d’un budget alloué différemment. Pour preuve, il avance, entre autres, la récente dépense d’environ 50 000 € dans le cadre de la location du Racing Club de France afin d’accueillir les activités sportives et culturelles.

Nous serions tentés de le croire. Sauf que nous nous sommes procuré certains budgets de Sciences Po. Et la ligne « Subventions aux associations étudiantes » passe de 290 000€ en 2014 à 235 000€ en 2015, soit une baisse de 20 points. Et si l’UNEF avait raison ?

Retrouvez la suite de notre dossier dès demain sur lapeniche.net : « erreur comptable », « réallocation » budgétaire et « solution pérenne »…