Conférence Agnès Buzyn : diagnostic d’une réforme contestée
L’amphithéâtre Chapsal était presque rempli, mercredi soir, pour accueillir Agnès Buzyn. Peu d’étudiant-e-s, mais surtout des diplômé-e-s de l’école, acteur-ice-s aujourd’hui dans les domaines de la santé ou de la protection sociale. Ils se sont montrés intéressés par l’invitation de Sciences Po et du groupe Santé de Sciences Po Alumni, et sont venus rencontrer leur ministre référente.
Frédéric Mion, directeur de l’école, puis le Dr Pascal Maurel, président du groupe santé des Alumni, ont ouvert la conférence avec des traditionnels discours d’introduction. Ils ont rappelé l’objectif de la conférence du soir : s’interroger sur la question directrice, « la santé peut-elle recoudre le social ? ». Pour y répondre, un jeu de questions / réponses entre la salle et Madame la Ministre.
Les questions, en effet, ont fusé. Questions d’étudiant-e-s, mais surtout de professionnel-le-s de la santé. Des médecins, directeur-ice-s d’établissements de soin, des patient-e-s aussi. Venant des secteurs privés comme publics, de la ville ou de zones rurales, longuement installé-e-s ou débutant tout juste dans le métier. Autant dire que les intérêts représentés étaient très divers, parfois contradictoires.
La ministre des solidarités et de la santé ne se laisse pas emporter par le flot de questions et répond, méthodologiquement, à chacun-e. Elle rappelle la centralité des questions de santé et d’accès aux soins dans les revendications concernant les services publics, qui sont même des « services au public » selon sa formule. Dans le même temps, elle déplore le fait que les réformes ne soient pas suffisamment expliquées, menant à des réclamations inutiles selon elle. Et c’est ce qu’elle s’emploiera à faire, tout au long de l’heure et demie de dialogue avec le public : répondre aux inquiétudes, aux interrogations voire aux critiques par un point de programme politique, par une réforme déjà mise en œuvre ou sur le point de l’être.
La ministre a su démontrer une connaissance précise des dossiers, comme l’attestent ses réponses à certaines questions portant sur des situations géographiquement déterminées par exemple, mais elle a dans le même temps veillé à maintenir une vision de grande échelle, revenant toujours à un cap global, presque martelé tout au long de la conférence. Ainsi, lorsque les déserts médicaux ou les problèmes récurrents de manque de temps dans les hôpitaux sont pointés, Agnès Buzyn répond télémédecine, et justifie les fermetures par une volonté de qualité des soins plutôt que de quantité.
Mais surtout, la ministre prône le décloisonnement, qu’elle fait apparaître comme la première des solutions à tous les maux dont souffrent les acteurs du secteur de la santé : décloisonnement entre le public et le privé, décloisonnement des différentes formations professionnelles puis des différentes professions, et enfin décloisonnement entre la médecine de ville et l’hôpital.
On aurait aimé que le débat dure encore des heures, pour permettre au public de poser plus de questions. En effet, malgré une quinzaine de questions posées, nombreuses sont les personnes qui sont reparties sans avoir pu prendre la parole. On aurait voulu quelques minutes supplémentaires, pour que cette directrice d’EHPAD puisse détailler plus longuement les chiffres de l’enquête réalisée auprès de 200 établissements similaires au sien, chiffres accablants quant au manque de soignants. On aurait souhaité, surtout, que cet exercice soit, plus qu’un jeu de questions / réponses, soit un dialogue. Quelques soupirs et haussements d’épaules laissent à penser que les réponses de la ministre appelaient, à leur tour, des mises au point et corrections de l’audience, pas toujours convaincue par la confiance de la ministre envers son projet.
Céleste Relave