La surveillance de masse à l’ère du numérique à Londres et au Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, l’expression « surveillance de masse » est souvent employée par les groupes de défense des libertés publiques et les médias pour décrire l’usage de la technologie à des fins de surveillance généralisée et élargie depuis le début de l’ère post Seconde Guerre mondiale. Cette surveillance de masse a pris un tournant majeur en 1993 où le gouvernement de Margaret Thatcher prend des mesures radicales et inédites en matière de politiques criminelles. Cette année est marquée en effet d’un consensus entre le Parti travailliste et le Parti conservateur, qui imprègne toujours le débat public britannique : la priorité doit être donnée à la lutte contre la criminalité et dans le cadre de celle-ci, les libertés individuelles sont secondaires.
Dans le cadre de cette attention grandissante portée à la criminalité et sa prévention, Londres a toujours fait figure de laboratoire à ciel ouvert pour le développement des technologies de surveillance. La capitale britannique considérée comme la ville la plus surveillée d’Europe. Près de 700 000 caméras quadrillent la métropole, ce qui représente une caméra pour dix habitants1.
Une caméra de vidéosurveillance en action dans le quartier de King’s Cross à Londres, le 16 août 2019 Tolga Akmen / AFP/Archives
À Islington, dans le nord de Londres, deux opérateurs de vidéosurveillance peuvent regarder des images issues des 180 caméras du quartier. À Londres, le vaste réseau de vidéosurveillance a permis d’identifier les auteurs des attentats à la bombe de 2005, qui firent 52 morts.
L’émergence de la surveillance de masse
Contexte politique et social
Le contexte politico-social du Royaume-Uni depuis la fin des années 1970 a fortement contribué à l’institutionnalisation d’une surveillance généralisée dans les années 1990.
Lors de l’élection de 1970, les Torries popularisent la conception de law and order de la justice pénale. Cette approche implique le durcissement des peines et d’autres dispositions légales dans une optique de réduction de la criminalité. Elle est mise en application par le gouvernement de Margaret Thatcher qui décide de faire de la criminalité l’ennemi public numéro 1. La justice pénale britannique est toujours fortement imprégnée de discours sécuritaires.
Les politiques de law and order ont également été reprises par les travaillistes et particulièrement par le gouvernement de Tony Blair, afin de concurrencer les conservateurs sur l’un de leurs principaux enjeux politiques.
Un facteur d’accélération de l’idéologie libérale dans la généralisation des dispositifs numériques de surveillance, réside dans la nécessité de protection du consommateur afin de promouvoir le commerce et la consommation. Cet objectif est poursuivi à la fois par les gouvernements conservateurs et travaillistes.
Le développement de la vidéo-surveillance s’inscrit dans un développement plus global de la surveillance dans tous les domaines, du fait de l’apparition de nouvelles données résultant des possibilités offertes par les nouvelles technologies. De plus, la surveillance automatisée gagne une place importante du fait de l’urbanisation et l’anonymat des personnes, ce qui est parfois appelé « société des inconnus ».2 Son rôle est d’autant plus important que le commerce l’est, ce qui entraîne la nécessité d’une surveillance accrue.
Dans le même temps, la criminologie passe du mouvement de la Old Penology à la New Penology : il s’agit de mettre en relief l’acte criminel plutôt que le son auteur, et ainsi se focaliser sur sa prévention : les caméras de vidéo-surveillance participent ainsi pleinement de ce mouvement.
L’Affaire Bulger et les attentats
Le soutien de l’opinion publique britannique au développement de ces technologies de surveillance, intervient surtout après l’enlèvement du nouveau-né James Bulger en 1993 dans la région de Liverpool. L’affaire a grandement marqué le public britannique, notamment du fait que l’image du bébé Bulger, enlevé par deux enfants de dix ans, a été diffusée en boucle par les chaînes de télévision tout au long de l’affaire. Les jeunes auteurs ayant pu être identifiés grâce à la diffusion des images prises par les caméras de vidéosurveillance, l’idée d’utilité des technologies de surveillance s’est majoritairement imposée dans l’opinion publique.
Plus particulièrement, les années 1990 sont marquées pour les Londoniens des attentats de l’Irish Republican Army (IRA), notamment celui du Bishopsgate de 1993, en plein cœur de la City3.
Mise en place des premiers dispositifs
Le premier système de vidéosurveillance permanente dans un espace public est installé dès 1975 pour la Northern Line du métro londonien, tandis que 145 caméras sont déployées la même année dans les rues de Londres pour la régulation et la surveillance du trafic routier.
La dynamique s’intensifie dans les années 1980, avec la mise en place de caméras dans des lieux de manifestations publiques tels que des stades de football. En 1985, le premier dispositif de surveillance d’une voie publique à ciel ouvert voit le jour sur la promenade de Bournemouth.
De 1995 à 2004, le gouvernement central du Royaume-Uni a dépensé plus d’un quart de billion de livres afin d’équiper les voies publiques de caméras de vidéosurveillance, ce qui a permis une croissance exponentielle du nombre de caméras à Londres à partir de cette période.
Le cadre législatif
L’émergence d’une surveillance de masse à Londres a été rendue possible par la faiblesse du cadre législatif imposé par le gouvernement central. L’État n’impose en effet aucun contrôle aux acteurs privés comme publics pour mettre en place des caméras.
Seule la Data Protection Act (DPA) de 1998, appliquant la Directive européenne de 1995 relative au traitement des données personnelles, a établi en premier lieu quelques mesures de protection des données et de la vie privée. Les règlements et directives européennes avaient permis de renforcer la législation britannique mais le Royaume-Uni a abandonné une partie de la législation européenne en matière de protection des données. Le DPA a été remplacé en 2018 par un nouveau Data Protection Act, qui s’inspire du RGPD pour encadrer l’utilisation et la collecte des données4. Le Freedoms Act 2012 met enfin en place un code de bonne conduite pour l’usage de tout système de vidéosurveillance5.
C’est ainsi que les données personnelles issues du traitement des images enregistrées par caméra de vidéosurveillance doivent être utilisées équitablement, de manière loyale, pour des objectifs spécifiques, non excessive vis-à-vis de ces objectifs; les données sont précises, conservées uniquement le temps qu’il le faut et protégées contre les traitements non autorisés.
Les dispositifs de surveillance sont également régulés par des codes tels que le CCTV Code of Practice. Ce dernier traite de l’installation des systèmes de vidéosurveillance. Il propose des recommandations de localisation pour l’installation de caméras selon leur fonction afin d’optimiser leur utilisation. Il encadre aussi le traitement et la rétention des images et vidéos et leur communication à d’autres parties et rappelle le droit des personnes à accéder aux images où ils apparaissent d’être notifié de la mise sous surveillance électronique d’un lieu. Malgré ces dispositions, en 2010 90% des caméras londoniennes n’étaient pas conformes à la loi et au Code of Practice selon CameraWatch6.
En somme, la législation britannique reste l’une des plus faibles en Europe en matière de protection des données et de la vie privée. Elle laisse ainsi une grande marge de manœuvre aux acteurs de la surveillance de masse pour développer leurs réseaux de surveillance.
L’enjeu sécuritaire à Londres
L’usage des CCTV par la « Met »
La politique criminelle britannique se caractérise par sa régionalisation : les conseils municipaux et la police travaillent main dans la main afin de réduire la criminalité localement. Depuis le Public Order Act de 1994, les conseils municipaux peuvent installer des systèmes de vidéosurveillance, indépendamment de tout contrôle d’Etat. Ainsi, toutes les caméras londoniennes issues de l’action publique sont contrôlées par le conseil municipal londonien et la Metropolitan Police.
C’est ainsi que la Met se sert des CCTV afin de mettre en place des mesures de prévention contre le crime mais également dans le cadre des investigations afin de collecter des preuves tangibles.
En Juillet 1997, la Met a notamment lancé un système de reconnaissance automatique de plaques d’immatriculation afin de lutter contre le crime et le terrorisme. Grâce des caméras digitales intégrées, le système collecte les numéros de plaque d’immatriculation de toutes les voitures passant dans la City et peut tester leur correspondance avec celle de la base de données d’individus « suspects » ou recherchés de la Met.
L’usage CCTV se développe également au sein des prisons de Londres. Les abords de toutes les prisons de la capitale sont déjà sous vidéosurveillance, mais des prisons comme Holloway, Brixton, Wormwood Scrubs ont installé des caméras dans tous les lieux accueillant des visiteurs afin que toute interaction des prisonniers avec un visiteur soit enregistrée.
Depuis 2015, la Met a développé des technologies de reconnaissance faciale, agissant à partir des CCTV, massivement utilisées depuis 2024. Le système scanne le visage des personnes que les CCTV enregistrent et cherche des correspondances avec la base de données de la Met7.
Néanmoins, un très grand nombre de caméras sont détenues par des entreprises et des acteurs privés (cf. La surveillance privée), faisant ainsi de la Metropolitan Police un acteur parmi d’autres de la sécurité londonienne. Toutefois, la Met peut récupérer et utiliser les images produites par les acteurs privés, à des fins d’investigation ou de preuve.
La surveillance privée
La surveillance privée à Londres
À partir des années 1980, la vague néo-libérale et les réductions budgétaires liées ont entraîné une délégation des missions de sécurité vers le secteur privé8. La surveillance a été aussi concernée. De nombreuses entreprises spécialisées ont émergé à cette époque, installant des systèmes de vidéosurveillance dans les espaces publics : transports, rue et privés : commerces, résidences privées. De manière globale, en 2025, le secteur de la sécurité privée représente 6460 entreprises et génère 8,8 milliards de livres de chiffre d’affaires par an9.
Le Metropolitan Police Service (MPS) est entré en collaboration avec des acteurs privés. Ainsi, certaines images captées par leurs dispositifs sont partagées avec les forces de l’ordre10. On remarque ici une confusion entre sécurité publique et secteur commercial.
La surveillance privée à l’heure de l’IA (intelligence artificielle)
L’arrivée de l’IA est en train de bouleverser le secteur. Cela se traduit d’abord par une augmentation du nombre de dispositifs de surveillance, portée par le secteur privé, mettant en œuvre la reconnaissance faciale par IA. Ainsi, en 2025 Londres compte 97 caméras de reconnaissance faciale pour 1000 habitants, contre seulement 2,1 pour 1000 habitants à Paris11. Cette technologie était initialement réservée aux services de police mais elle s’est étendue aux entreprises privées12. Elle est particulièrement exploitée par les commerces, les boîtes de nuit, les casinos ou encore les établissements. L’essor de cette technologie est porté par la hausse importante des vols à l’étalage (plus 44 % en 2024) : le gouvernement a mis en place un plan de 55 millions de livres pour soutenir les commerces dans cette transition13.
Acteurs et enjeux de la surveillance privée
La société Facewatch a été fondée en 2010 par Simon Gordon. Les caméras de la société encode les visages filmés en données biométriques. Ces données biométriques avec une base regroupant des clients indésirables. C’est-à-dire les clients ayant été mis en cause pour des vols, des fraudes, des comportements agressifs ou encore un état d’ébriété dans un commerce. Des mendiants sont également concernés. Les entreprises clientes de Facewatch sont informées quand un client indésirable s’approche d’une boutique. Le degré de l’alerte est modulé en fonction de la gravité des infractions. Après douze mois sans récidive les clients sont effacés de la base de donnée14.
La société The Face Recognition Company a été créée en 2016. Elle propose des outils similaires, elle est plutôt axée sur les casinos, pour éviter les joueurs addicts et identifier les clients VIP. D’autres sociétés comme The Face Recognition Company (créée en 2016) proposent des outils similaires pour identifier des employés suspects, interdire l’accès à des joueurs dépendants dans les casinos ou reconnaître les clients VIP, pour leur apporter des services supplémentaires.
Ces dispositifs s’étendent à des secteurs en dehors du secteur commercial. Certaines écoles s’en servent pour contrôler le paiement des repas par les élèves15. La banque Barclays s’en sert pour suivre la présence de ses employés16.
Aucune législation spécifique ne régit la surveillance privée et plus particulièrement la reconnaissance spatiale en directe dans l’espace publique. Le Brexit a donné au Royaume-Uni une marge d’action plus importante dans ce domaine.
L’Information Commissioner’s Office (ICO) veille au respect des règles tandis que la Security Industry Authority (ISA) délivre et contrôle les licences professionnelles des entreprises de sécurité. Mais leur pouvoir coercitif est limité. En 2022, l’ICO a validé les activités de Facewatch même si elle émettait des réserves, demandant de concentrer ses services sur la surveillance des clients auteurs des délits les plus graves et les récidivistes.
Cette surveillance privée soulève de nombreuses critiques, émanant notamment d’ONG. Privacy International ou Liberty dénoncent la collecte de données sans consentement, le flou sur leur durée de conservation et le risque de discriminations17. En effet, les algorithmes de reconnaissance faciale contiennent de nombreux biais. Par exemple, la fiabilité des algorithmes baisse pour les femmes, les enfants, les personnes transgenres ou issues de minorités ethniques, les bases d’entraînement étant majoritairement constituées d’hommes blancs18. Les algorithmes sont imparfaits et ont pu accuser plusieurs personnes à tort19. De plus, certaines entreprises n’informent pas clairement qu’elles utilisent ces dispositifs, violant les principes élémentaires de la transparence.
En réponse à ces critiques les entreprises concernées mettent en avant des chiffres impressionnant : une précision annoncée de 99,98 % et une réduction de 50 % des infractions après installation des systèmes20. Mais ces arguments ne suffisent pas à dissiper les doutes sur les dérives potentielles d’un tel modèle.
Efficacité
Alors que la conception de Law and order présente l’usage de dispositifs de surveillance et de sanctions comme le meilleur moyen de lutte contre la criminalité, les résultats de la vidéosurveillance sont plus nuancés.
Selon un rapport de 2005 du Ministère de l’Intérieur, la vidéosurveillance n’a presque pas d’influence sur le taux de criminalité21. D’autres études des années 1990 montrent que les CCTV n’ont pas d’effet dissuasif sur les crimes violents et les comportements antisociaux22. Il apparaît aussi que la vidéosurveillance ne prévient pas le crime mais suscite son déplacement vers des zones difficilement accessibles aux dispositifs de surveillance23.
En mai 2008, le chef de Scotland Yard a décrit le système de vidéosurveillance comme un « fiasco complet », expliquant que « seuls 3 % des vols étaient élucidés par l’[utilisation] de la vidéosurveillance » car les policiers n’ont pas le temps de traiter toutes les images prises par les caméras.
Certains défenseurs des politiques sécuritaires maintiennent que les caméras permettent un certain sentiment de sécurité aux londoniens et londoniennes, ce qui justifie leur présence. Cette affirmation est confirmée par une récente étude qualitative24 qui établit que les londoniens et londoniennes ayant un avis positif sur les CCTV se sentent effectivement plus en sécurité lorsqu’ils se savent sous la surveillance de telles caméras. Néanmoins cette étude démontre aussi que pour que l’effet rassurant de la vidéosurveillance fonctionne, il faut que les individus soient conscients d’être filmés par ces caméras et que les CCTV ont un effet moindre sur les groupes dit « vulnérables » (femmes, minorités ethniques, personnes s’identifiant comme LGBTQIA+) dont la peur du crime est davantage élevé que pour les autres individus.
Critiques : des dérives anti-démocratiques
De nombreux organismes internationaux, ONG et associations comme Big Brother Watch, dénoncent une atteinte à aux libertés individuelles des Londoniens et Londoniennes, incompatibles avec l’idéal démocratique25.
La disparition de l’anonymat
Les démocraties libérales se caractérisent notamment par la préservation de l’autonomie des individus face à l’État. Or, la vidéosurveillance généralisée fait disparaître cet anonymat : l’individu ne peut se déplacer dans l’espace public sans être identifié et sans que son comportement ne laisse de traces. Il a été estimé en 1999, qu’en un seul jour, un citoyen londonien pouvait être filmé par plus de 300 caméras sur plus de 30 systèmes CCTV différents26. Ainsi, la surveillance de masse mène les Londoniens à l’autocensure[26].
En 2025, la Commission de l’égalité et des droits humains, a par exemple, exprimé son inquiétude vis-à-vis de la généralisation des systèmes de reconnaissance faciale. Elle a enjoint la Met à ne faire usage de cette technologie qu’en cas de nécessité et de manière proportionnée. Pour la commission il s’agit d’une menace évidente aux droits humains27.
L’invasion de la vie privée
Si l’on considère que les individus ont droit à la vie privée, même lorsqu’ils évoluent dans l’espace public, alors le déploiement massif des CCTV à Londres constitue une réduction considérable de l’espace privé des individus. De nombreux citoyens londoniens et plus généralement britanniques se plaignent également d’être enregistrés par les dispositifs de surveillance mis en place par leurs voisins[28].
Une utilisation discriminatoire des technologies
De nombreuses associations dénoncent un usage discriminatoire de la vidéosurveillance, concentré sur des groupes « sujets à suspicion »28 tels que les jeunes, les sans-abri, les vendeurs de rue et les personnes de couleur. Certains auteurs affirment qu’appartenir à l’un de ces groupes augmentent les probabilité « d’apparaître sur l’écran d’un système de CCTV » par rapport au reste de la population29.
Point de vue sociologique
La surveillance de masse au Royaume-Uni fait l’objet d’études s’intéressant à la manière dont la population la perçoit.
Perception du public de la surveillance de masse, à travers l’affaire Snowden
Si le développement de la vidéo-surveillance a été plutôt bien accueilli par la population du Royaume-Uni pour privilégier la sécurité, il faut noter que cet accueil a lieu dans son contexte particulier, renforcé par des circonstances telles que l’accomplissement de crimes. Pour approcher la perception du public vis-à-vis de la vidéo-surveillance, il est possible d’y associer une étude menée par les chercheurs au sein de l’Université de Cardiff Lina Dencik et Jonathan Cable relative à la perception de la population du Royaume-Uni de l’affaire Snowden30.
Les deux chercheurs réalisent une enquête qualitative en deux temps : en interrogeant des groupes de citoyens de différentes catégories de la population, puis en s’entretenant avec des activistes.
Elles observent que les personnes interrogées n’ont pas toujours connaissance ou assez de connaissances sur l’affaire Snowden.
Elles expriment des opinions qui ne sont pas vraiment tranchées, ainsi qu’une compréhension de la nécessité de surveillance au vu des enjeux sécuritaires, sans toutefois être totalement à l’aise avec la surveillance de masse.
Pour les auteurs de l’étude, les opinions sur la surveillance sont difficiles à saisir. En effet, elles sont marquées par une certaine confusion et des lacunes dans les connaissances du phénomène de surveillance de masse, ce qui affecte nécessairement la compréhension de ces enjeux.
Malgré les révélations de Snowden, le Royaume-Uni n’a pas connu de manifestations majeures en son sein dans le but de protester contre la surveillance de masse. Les chercheurs utilisent leur enquête pour expliquer ce fait. D’après eux, un nombre significatif d’individus tendent à se résigner à cette situation, bien qu’ils ne la trouvent pas idéale.
En conséquence, la plupart des personnes changent leurs comportements, s’auto-censure en ligne, en justifiant la situation et en déléguant à d’autres la tâche de protester et résister. Leur incapacité à imaginer un autre système participe de cette résignation. Les chercheurs parlent de « surveillance realism » pour désigner le fait que les citoyens se résignent, du fait aussi de leur incapacité à imaginer un autre système. Ce concept de « surveillance realism » semble particulièrement pertinent pour analyser la citoyenneté à l’ère numérique : malgré la connaissance de phénomènes de surveillance de masse, les citoyens n’agissent pas vraiment et ont l’air indifférents.
Références
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VC, LF, AG, SP
