Une rentrée à Sciences Po placée sous le signe du présentiel, entre excitation et doutes
Après plus d’un an de cours en distanciel, les étudiants sont de retour sur les bancs de Sciences po. Avec l’amélioration de la situation sanitaire, l’institution a annoncé le retour au présentiel à la condition que la communauté des professeurs et étudiants respecte les gestes barrières. Des 1A aux masters, les élèves naviguent entre incertitudes et joie de retrouver les salles de classe.
Lundi 23 août. 7h50. Une foule de jeunes gens se presse à l’intérieur du 27 rue Saint-Guillaume et s’agite autour de la péniche, lieu emblématique de l’institution. Non vous ne rêvez pas, c’est bien l’heure de la rentrée pour les premières années, à Paris et dans les cinq campus en régions. Tout au long de la semaine c’est également le retour des 3A, qui bien souvent ont dû mettre de côté leur année à l’étranger pour cause de crise sanitaire majeure. Beaucoup ont leur mot à dire sur les modalités de rentrée scolaire, ce qu’ils espèrent et redoutent pour l’avenir. Nous leur avons donné la parole.
« Ce que j’appréhendais pour la rentrée c’était justement de ne pas pouvoir la faire, ne sachant pas quelle serait la situation sanitaire pour la rentrée mais heureusement pour l’instant tout va bien et nous avons cours en présentiel ! » déclare Laëtitia, qui parle d’un véritable plaisir de pouvoir revenir dans les salles de classe. Une opinion partagée par beaucoup, à l’image de Romane, étudiante en master 1: « J’ai très hâte car j’en ai marre des cours en ligne ! […] je n’en peux plus de cette situation ! » nous confie-t-elle. La première crainte de celles et ceux qui sont ravis du retour en présentiel est donc la dégradation de la situation sanitaire dans les semaines à venir. Laëtitia « croise très fort les doigts ». Romain lui, mise plutôt sur les bénéfices de la vaccination et ne serait pas non plus défavorable à l’instauration du passe sanitaire au sein de l’École. Ce Master 1 redoute en effet de ne pas pouvoir profiter de Sciences Po si basculement vers le distanciel il y a, lui qui découvre l’institution après avoir effectué une licence dans un autre établissement. Il a une approche collective du problème: « si je ne suis pas très inquiet moi-même, l’essentiel est que chacun puisse vivre sa scolarité sans crainte pour sa santé et il convient que chacun respecte les contraintes sanitaires quelles qu’elles soient ». D’autres sont tout simplement exaspérés par la situation dans laquelle ils se sont retrouvés en pleine pandémie, passant des heures devant leur écran d’ordinateur, sans la vie étudiante désirée. Pour Julien* en 3A « Maintenant que nous sommes vaccinés nous devons être 100% en présentiel et même avoir le droit de retirer nos masques si on le souhaite. On a largement fait notre part. Ça fait depuis mars 2020 qu’on subit les cours en visio. C’est une régression absolue qui doit immédiatement cesser grâce au vaccin ».
Reste que tous les étudiants ne sont pas aussi enthousiastes à l’idée de se rendre physiquement dans les salles de cours. La méfiance est de mise pour Mathilde, qui vient tout juste de débuter sa première année de master: « J’ai beaucoup de doutes concernant la rentrée en présentiel proposée par Sciences Po. Malgré la politique de vaccination, les mesures sanitaires et toutes les précautions que l’on peut prendre, le risque de nous voir confiné·e·s de nouveau est toujours là. » explique cette étudiante qui redoute l’isolement et le coût de la vie parisienne sans les bénéfices allant avec, en cas de nouveau confinement. Elle évoque aussi la situation des élèves étrangers non francophones et de leur sort « en cas de force majeure ». Que leur arrivera-t-ils ? Pour Mathilde, la prudence est de mise et elle veut croire que l’administration de Sciences Po a pris la mesure de la crise sanitaire: « J’espère que des précautions ont été prises, et que la décision de l’administration n’est pas trop précipitée. Nous souhaitons tous et toutes un retour à la normale, mais je pense qu’il est plus judicieux de reprendre dans de bonnes conditions sanitaires avant tout ».
L’isolement, Mathilde pointe ici du doigt une thématique qui est revenue à plusieurs reprises dans les propos des personnes interrogées par La Péniche. Après 17 mois faits de conversations sur Zoom et d’amitiés éloignées, certains se sentent vulnérables et quelque peu étrangers à ce milieu scolaire qui fut jadis le nôtre. Léa* affirme qu’elle « appréhende énormément ». En master 2 elle se sent seule et peu accompagnée par l’équipe pédagogique : « Je ne connais personne de ma promotion, les relations sont tendues, nous avons un stage à trouver avant la fin du semestre. Notre responsable de master n’est pas très aidante. J’ai l’impression d’être isolée” . Ce sentiment d’abandon par le corps administratif est également mentionné par Côme, qui entre en 3A le cœur lourd et évoque la situation de ses camarades et lui, alors qu’ils sont censés partir à l’étranger mais que la situation reste instable. « Les 3A ont abandonné, entre l’administration qui part en vacances juste avant la rentrée et annonce une semaine avant le début des échanges pour beaucoup qu’ils doivent annuler leurs départs, l’absence de mails d’information, le flou sur les années hybrides… ». Il va jusqu’à parler d’ « une rentrée sous le signe de la détresse ». Reste donc à voir ce qu’il adviendra de l’année ou du semestre à l’étranger pour les 3A qui souhaitent se rendre dans des zones géographiques encore fortement touchées par le Covid-19.
Cela-dit, la situation sanitaire n’a pas été vécue négativement par tous. Lily était encore au lycée lorsque la pandémie s’est déclenchée. Si elle évoque parfois le manque de relations humaines, elle dit ne jamais vraiment avoir été embêtée par le distanciel et être restée chez elle pour protéger ses proches. « J’aime bien apprendre à mon rythme », nous confie-t-elle. En 1A sur le campus de Paris, elle cherche à faire connaissance avec ses camarades et dit ne pas avoir peur grâce aux gestes barrières. Et si c’est une rentrée un peu spéciale, cela reste de toute manière le grand saut pour les nouveaux venus. Nous laissons Laëtitia conclure: « rentrée super agréable. Très intense parce que c’est un nouveau rythme à prendre et qu’en plus, il y a beaucoup de choses qu’on peut faire à Sciences Po et qui donnent surtout très envie ! ».
Les noms avec une astérisque* ont été modifiés.
Crédit image : ©Argyroglo / Sciences Po