Sit-in to speak up : la manifestation de Politiqu’elles en Péniche

Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit, ces visages fatigués à la mine aigrie ? Ils vont difficilement s’asseoir en Boutmy, car Politiqu’elles manifeste aujourd’hui!

Mardi 5 Novembre 2019, il est bientôt 17 heures, le joyeux capharnaüm d’usage en Péniche est plus épais et excédé que d’habitude. Des cris percent la foule, des voix scandent « Non aux inégalités salariales » sur un rythme battu grâce à des pancartes édifiantes. En effet, depuis 16h47, les femmes françaises travailleraient gratuitement, un casus belli pour Politiqu’elles, qui est à l’origine de la manifestation. Retour sur cette Révolution express et les raisons qui l’ont motivée.

Nous sommes partis à la rencontre de l’exécutif de l’association afin de vous donner un nouvel éclairage sur le problème; Ginevra Bersani et Annabelle Artus, co-présidentes, ont accepté de répondre à nos questions.

Politiqu’elles était donc en Péniche mardi soir, pourquoi ?

Ginevra Bersani: Il s’agissait de réclamer l’égalité des salaires au sens large à une date et une heure symboliques pour les femmes actives en France car c’est un fait, le 5 Novembre à partir de 16h47, les femmes françaises ne sont plus rémunérées et travaillent gratuitement pour leurs employeurs.

Vous étiez un petit groupe, combien d’étudiant.e.s ont participé au sit-in express ?

Annabelle Artus: Nous étions une quinzaine, étudiantes et étudiants confondus. Beaucoup d’entre nous n’ont pas pu être présents notamment parce que nous avions cours. Nous avons eu la chance d’être soutenus par des membres de Atalante avec qui nous partageons le même point de vue sur le sujet.

Il est vrai que le sit-in n’a duré que 15-20 minutes mais il faut considérer qu’il s’agissait surtout d’une action symbolique, le but n’étant pas d’incommoder les autres étudiants.

Alors je suis un peu surprise par cette histoire de travail gratuit… il me semble que tout le monde continue à recevoir son salaire normalement, non ?

C’est plus complexe que ça. En fait, il existe un écart salarial de plus de 15% entre les hommes et les femmes selon Eurostat. Les 15,4% représentent l’écart de salaire des Hommes et des Femmes en général, c’est à dire la distinction entre le prix d’une heure travaillée par une femme et par un homme (sinon de manière générale c’est 25% d’écart en général à cause des temps partiels et à poste et qualifications égales, on est autour de 10% d’écart)

Du coup, avec ces 15,4% en moins lorsqu’on rapporte au taux horaire, les femmes travaillent gratuitement depuis hier 16h47.

HeForShe, le pole égalité hommes/femmes, Sciences Po ne semble pas à la traine sur la question de l’égalité… Savez-vous si nous retrouvons les inégalités salariales que nous évoquions précédemment au sein du corps des employés de Sciences Po ?

Ginevra Bersani : C’est difficile à dire, nous n’avons pas vraiment de données sur le sujet… Ce que nous savons, c’est que cette inégalité salariale les étudiants et étudiantes la retrouve une fois diplomé.e.s de cette école. Selon une étude menée par Sciences Po, l’écart était de 30% en 2015.

Une dernière chose à ajouter ?

Annabelle Artus: Je pense que c’est bien la preuve que, n’en déplaise aux détracteurs du féminismes qui considèrent que l’on s’excite pour rien, oui, il est encore nécessaire de se battre pour l’égalité, ici en France, en 2019.

Ginevra Bersani: Je voudrais juste souligner que les femmes travaillent et étudient de plus en plus, qu’il n’y a jamais eu autant de femmes dans la population active et que pourtant l’écart salarial ne se réduit pas proportionnellement…

Les co-présidentes de Politiqu’elles ne croient pas si bien dire… Car bien que 193 Etats aient signé les Objectifs du développement durable qui contiennent des objectifs relatifs à l’égalité hommes-femmes en 2015, Equal Measures 2030, qui a pour mission d’analyser spécifiquement les efforts et stratégies déployés par les Etats en matière d’égalité de genre, il a été révélé cet été qu’à ce rythme, aucun pays sur la planète n’offrira en 2030 – date butoir fixée par l’ONU pour la réalisation des SDG – les mêmes droits, opportunités et ressources aux femmes et aux hommes. A 11 ans de la date butoir, La France n’occupe d’ailleurs que la quatorzième place de ce classement dominé par les pays nordiques…

Crédit image : Alienor de Thoisy