Retour sur le départ de Nadia Marik
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La Péniche a rencontré fin mai Nadia Marik, directrice adjointe en charge de la stratégie et du développement et veuve de Richard Descoings, suite à l’annonce de son départ de Sciences Po. A l’occasion de la rentrée, nous publions cet entretien dans lequel elle explique les raisons de son choix et revient sur treize années au coeur de l’administration de l’IEP.
« Vous êtes les premiers depuis plus d’un an aux questions desquels j’accepte de répondre » nous glisse-t-elle malicieusement. À l’heure de quitter Sciences Po, Nadia Marik nous reçoit une petite heure dans son bureau du 27 rue Saint Guillaume. Après 13 années passées à l’institut, elle estime avoir accompli ce qu’elle devait faire à Sciences Po ; elle part l’esprit et la conscience tranquilles. Et rejette calmement et fermement toutes les rumeurs.
Il aura fallu un peu plus de vingt ans pour que Nadia Marik retourne à Sciences Po. Après son diplôme, obtenu en 1978, section Ecofi, elle mène une carrière dans la publicité (RSCG, BBDO et TBWA), avant de tenter et réussir l’ENA en 1994. La prestigieuse institution lui ouvre les portes du tribunal administratif de Paris, qu’elle quitte pour Sciences Po en septembre 2000. Mais c’est évidemment son expérience du monde de l’entreprise qui séduit l’institut, expérience qui fait défaut à la plupart de ses dirigeants. A l’heure des grands chantiers de réforme initiés par Richard Descoings, celui-ci voit toute l’utilité de s’adjoindre ses compétences notamment pour développer des activités partenariales avec des acteurs extérieurs et accroître les ressources financières de Sciences Po. D’abord en charge du master Affaires Publiques et de la prépa concours, elle crée la direction de la stratégie et du développement (DSD) qui a la charge des partenariats financiers avec les entreprises, les relations avec les collectivités publiques et les donateurs ainsi que l’aide à la négociation des dotations de l’Etat.
«qu’est-ce que le clan Descoings ?»
Mais le Nouvel Obs et quelques critiques dénoncent derrière la directrice dynamique et impulsive, la « femme de l’ombre ». Son mariage avec Richard Descoings en 2004 lui aurait conféré une place primordiale dans le dispositif, celle de numéro deux, de « super DRH », en bref, celle qui fait couper les têtes. Ce dont elle se défend vigoureusement : « j’étais directrice adjointe, en charge de la stratégie et du développement, au même titre que Bruno Latour et Michel Gardette, en charge de la recherche, Hervé Crès, de la scolarité et des études ou Francis Vérillaud, des partenariats universitaires internationaux ». Elle balaie également les allégations sur le soutien du « clan Descoings » dont aurait bénéficié Frédéric Mion. « Mais qu’est-ce que le clan Descoings ? » s’amuse-t-elle, avant d’ajouter : « je ne me suis mêlée, ni de près, ni de loin à la nomination du nouveau directeur ». Et ce pour une raison simple : Nadia Marik a décidé à l’été 2011 de quitter Sciences Po. Si le décès brutal de Richard Descoings l’oblige à retarder son départ, pour « maintenir le cap », le devoir de réserve la met en retrait de toute la procédure de succession. « Je n’ai soutenu personne ! » scande-t-elle, même si elle reconnaît avoir apprécié certains candidats. Et de confier qu’elle est très heureuse de la nomination du nouveau directeur qui, sans être un « proche », avait l’estime de Richard Descoings. Je me risque à une question épineuse. A-t-elle songé à se présenter ? Elle sourit. « Non ». Pour ne pas risquer de ternir l’héritage de Richard Descoings ; et l’impression qu’elle a fait tout ce qu’elle avait à faire à Sciences Po.
« Il est insupportable de résumer une femme dont les qualités sont indéniables, l’expérience solide et le projet clair, au méprisant « femme de » »
Son départ, un coup de couteau dans le dos ? De nouveau, elle s’amuse de cette rumeur. Sa décision de partir avait été prise deux ans plus tôt, toute son équipe ainsi que la direction générale étaient au courant. Elle se fait beaucoup plus sévère au moment d’évoquer la polémique sur Brigitte Taittinger-Jouyet qui lui succède sur fond de critiques d’entre-soi et de collusion, étant rappelé que son mari avait siégé au Conseil d’administration de la FNSP. Ces critiques sont « une honte ». « Il est insupportable de résumer une femme dont les qualités sont indéniables, l’expérience solide et le projet clair, au méprisant « femme de » ». Une formule, en guise de clin d’oeil : Nadia Marik rappelle qu’elle n’est évidemment pas que la femme de l’ancien directeur.
Elle ne donne pas de précisions sur ce qu’elle fera ensuite. Elle a quelques pistes, évidemment. Mais à 56 ans, elle se laisse le temps d’y réfléchir. Pensive, elle revient sur ses meilleurs moments à Sciences Po. Son souvenir le plus émouvant, c’est ce mercredi après-midi de mars 2012, cinq jours avant le tragique séjour new-yorkais, quand Richard Descoings prit pour la dernière fois la parole en Boutmy pour défendre les élèves de Sciences Po, blessés par les attaques de Thierry Levy, membre de jury déçu par la finale du Prix d’éloquence Philippe Seguin. Il reçut un tonnerre d’applaudissements. Son souvenir le plus douloureux ? La campagne qui a traîné « Richard » dans la boue, même après sa mort, et contre laquelle elle n’a pu défendre l’honneur du défunt. Et convaincre que Richard Descoings avait consacré sa vie à Sciences Po. Elle souligne, désabusée, que le pouvoir ne l’intéressait pas, il avait décliné l’offre d’être ministre de l’éducation nationale, ni l’argent, il avait refusé en 2011 une proposition très alléchante de la part d’une université anglo-saxonne. Qu’il avait repoussée, pour se consacrer à son dernier mandat à Sciences Po et à la mise en œuvre d’un projet de restructuration de l’université française via l’IDEX du Pres Sorbonne Paris Cité.
Nadia Marik part fière du travail accompli sous la responsabilité de Richard Descoings et confiante dans l’avenir de Sciences Po. Elle revient avec émotion sur le déchaînement médiatique suscité par la mort « romanesque » de Richard Descoings, déchainement qu’elle veut oublier pour ne garder en mémoire que l’immense ferveur de la communauté de Sciences Po et l’affection témoignée par les élèves. « Le reste, ça n’a aucune importance ».
One Comment
Roger Rabbit
Et qui faisait la pluie et le beau temps dans le jury de concours de l’ENA Nadia Marik ?
Un bon journaliste doit toujours se poser une question, une seule : pourquoi ?