Nathalie Jacquet : « L’avenir du Collège se joue pour une grande part dans les campus »

Nathalie Jacquet, directrice du campus de Reims, nous a reçus en compagnie d’Olivier Chopin, coordinateur du programme Europe-Afrique, le vendredi 28 août. Démêlant le vrai du faux, elle est notamment revenue sur l’avenir du Collège universitaire et celui du campus de Reims, qui accueille, en cette rentrée, le programme Europe-Afrique.

Une interview conduite dans la joie et la bonne humeur par Malte Penot-Lacassagne, Romane Franche et Marin de La Rochefordière.

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© Romane Franche. Campus de Reims.

Quels sont les premiers retours sur l’arrivée du programme Europe-Afrique ?

Olivier Chopin : Excellents ! J’ai vu une dizaine d’étudiants de deuxième année lors du Welcome Program. Tous avaient le sourire. Ils se disent qu’ils vont être bien ici en termes d’espace, de vie quotidienne, de matériel…

Pourquoi avoir choisi Reims ?

O.C. : Le développement de l’Afrique s’insère dans la mondialisation. À cet égard, le campus de Reims nous est apparu comme la jonction la plus adaptée entre l’Afrique et le Monde. Il nous reste encore à voir comment nous ouvrirons et articulerons notre programme avec l’arc atlantique traité au sein du programme Europe-Amérique. D’autre part, le développement du programme aurait été plus compliqué à Paris. Ce déménagement permet de lui redonner du souffle : nous sommes désormais pleinement maîtres de l’évolution de nos enseignements. A terme, je souhaiterais que notre programme à Reims devienne une référence comme la SOAS, à Londres.

Quels acteurs ont financé le campus ? A quelle hauteur ?

Nathalie Jacquet : Trois collectivités territoriales ont financé le campus à part égales : la ville de Reims (qui reste toujours propriétaire des lieux), le département de la Marne et la région Champagne Ardenne. Elles s’y sont engagées en signant une convention quadripartite, en 2009. Le montant total des travaux tourne autour de 76 millions d’euros. Le cabinet d’architecture Reichen et Robert, spécialisé dans la rénovation du patrimoine historique, a mené les travaux.

Il y avait donc très tôt un projet rémois d’ampleur…

N.J. : Effectivement, nous avons su avant même l’ouverture des lieux qu’il y allait avoir plus de programmes que le seul Euro-Américain ici. Richard Descoings avait dès le début des années 2000 la certitude qu’il fallait désengorger Paris. Frédéric Mion est convaincu que l’avenir du Collège Universitaire se jouera pour une très large part sur les campus internationaux .

Le Collège des Jésuites de Reims, un lieu d’études d’excellence qui date du XVIIe siècle, nous est apparu propice à l’installation d’un campus de Sciences Po. C’est aujourd’hui un vrai campus du XXIe siècle, au recrutement international. Frédéric Mion a précisé le projet en 2013 et a tranché sur le dimensionnement final du campus de Reims.

Qu’entendez-vous par “précisé le projet” ? S’agit-il du déménagement du Collège Universitaire à Reims ?

N.J. : Bénédicte Durand (NDLR : la nouvelle Doyenne du Collège universitaire de Sciences Po) travaille en ce moment sur ce que le Collège universitaire va devenir. L’ensemble du Bachelor va être repensé, tout en veillant à ce que chaque cursus conserve une identité propre.

Est-ce que tout ce qui correspond au programme général actuel se déplacera à Reims ?

N.J : Il n’y aura pas de délocalisation complète du programme général à Reims. Il restera toujours des étudiants à Paris. Nous n’aurions de toute façon pas la place d’accueillir autant de monde.

Combien d’étudiants comptez-vous aujourd’hui ?

N.J. : Nous comptons en cette rentrée 500 étudiants du programme Euro-Américain, répartis sur deux promotions, 120 Eurafs et 200 exchange students sur l’année.

De nombreuses interrogations accompagnent le déplacement du CU à Reims chez les étudiants. Paris offre une vie étudiante passionnante, riche et variée. La vie culturelle rémoise n’est-elle pas moins attrayante que celle de Paris ?

N.J. : Reims n’est pas dépourvue de théâtres et de musées ! De plus, l’ambiance est très studieuse sur le campus et entre les exigences académiques et la richesse de la vie associative et étudiante, il ne semble pas que les étudiants du campus de Reims soient en manque d’occupations.

Qu’en est-il des invités et des grandes personnalités reçues sur le campus ?

N.J. : Il faut changer les habitudes de déplacement, et nous sommes au milieu du chemin. Nous avons déjà à Reims de nombreux conférenciers internationaux, c’est dans l’ADN du campus.

De nombreux étudiants en deuxième année travaillent en dehors de leurs cours : Assemblée Nationale, Sénat, médias… Ces expériences contribuent à enrichir un profil Sciences Po “général”. Ne pensez-vous que l’arrivée des étudiants à Reims soit dommageable sur ce point ?

N.J. : Encore une fois, tous les étudiants du Collège universitaire ne viendront pas à Reims. Mais de toute façon, au regard de la charge de travail et de la richesse de la vie associative, nous déconseillons à nos étudiants de prendre un véritable job à côté, en dehors des positions de vacataire à la bibliothèque ou à la cafeteria.. Et puis n’est-ce pas prématuré de travailler si tôt ? Ne vaut-il mieux pas attendre le master ?

Pensez-vous que ce déplacement des deux premières années d’études à Reims puisse tout de même conduire à une baisse de candidats au Collège universitaire ?

N.J. : Nous ne l’envisageons pas, au contraire : nous voulons développer une offre de formation attractive, dans un environnement international. La localisation deviendra alors une question secondaire. Vous savez, vue de l’autre côté de l’Atlantique, l’opposition Paris-province est largement supplantée par une véritable perspective internationale et la volonté de construire une éducation globale. Nous avons par ailleurs de vrais arguments à proposer : la qualité de la vie, la facilité à trouver un logement, la vie de campus… Pour des jeunes qui ne parlent pas le français et qui quittent leur pays pour la première fois, c’est l’option idéale. Les maîtres-mots sont internationalisation et modernité.

Extrait du bilan 2014 des admissions de Sciences Po.

Le campus de Reims ressemble à une grande famille, on y trouve un esprit très fraternel d’après ce que nous avons pu remarquer et ce que nous ont confié vos étudiants. Ne craignez-vous pas de perdre l’esprit familial qui règne sur le campus en accueillant plus d’étudiants ?

N.J. : 250 étudiants par promotion dans chaque programme nous semble être un maximum que nous tâcherons de ne pas dépasser. L’administration veille à ce qu’ils trouvent tous un logement par exemple, et plus largement à leur bien-être. Lorsque le programme Europe-Afrique est arrivé, nous avons travaillé en amont avec le BDE, le BDA et l’AS pour que les bureaux des associations permanentes soient paritaires avec autant d’élèves du programme Euro-Américain que d’étudiants du cursus Europe-Afrique. Nous voulons nous assurer que l’intégration des nouveaux étudiants sur le campus de Reims est garantie.

Pour conclure, auriez-vous un modèle d’université américaine en particulier ?

N.J. : Je dirais spontanément Columbia à New York. C’est une université urbaine dont les bâtiments s’intègrent pleinement à la ville et dont la philosophie éducative a bien des points communs avec celle de Sciences Po.


Une interview relue et légèrement ajustée par Nathalie Jacquet dont le glissement dans une rubrique « Promotion d’un campus » nous titille encore les doigts…

Un dessin d’Albane Miressou-Got.