MJS / PS : à Sciences Po, le socialisme est bicéphale

La section Jean Zay autour d'Emmanuel Maurel.
La section Jean Zay

A Sciences Po le socialisme est bicéphale: alors que dans l’ensemble du paysage politique et associatif de l’école, une seule association représente souvent un mouvement politique,  les socialistes font exception.  En effet, Sciences Po compte deux associations se revendiquant explicitement du socialisme : la section universitaire du Parti Socialiste Jean Zay, et le Mouvement des Jeunes Socialistes. 

Le MJS est une “association politique d’éducation populaire”, c’est à dire, comme nous l’explique son responsable Ewen Huet, qu’elle “sort de la temporalité classique de la politique”, elle ne calque pas son action sur les échéances électorales, mais suit son propre rythme.  D’autre part, le “Jeunes” de MJS n’est pas là sans raison, tous les adhérents du mouvement doivent avoir entre 15 et 29 ans : ces jeunes socialistes sont « peu nombreux » de l’aveu de son responsable, environ 7000 aujourd’hui. 

La section Jean Zay du PS elle, est un parti politique au strict sens du terme. C’est une des trois sections universitaires de Paris et à ce titre elle fonctionne comme toutes les autres sections du PS, selon ses statuts, mis à part qu’elle est rattachée à un IEP et non à un territoire. Elle est dirigée par un secrétaire élu par l’ensemble de ses adhérents traditionnellement une fois tous les deux ans, et participe aux votes internes du PS. 

Les deux mouvements diffèrent dans leur nature et leur organisation, mais l’on s’aperçoit rapidement que d’autres différences existent : le positionnement politique est loin d’être similaire. 

Ewen Huet aux côtés de Marlyse Lebranchu lors d'une conférence du MJS.
Ewen Huet aux côtés de Marlyse Lebranchu lors d’une conférence du MJS.

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Un MJS à gauche toute

Lorsque la question du soutien à l’action gouvernementale est évoquée de nets clivages apparaissent. Ewen Huet le reconnaît directement, le MJS est très critique vis-à-vis de l’action gouvernementale, avec qui il a nettement pris ses distances depuis le “tournant social-libéral”.  Le premier président du MJS étant Benoit Hamon, la majeure partie des adhérents du MJS partage aujourd’hui son désaveu du gouvernement. Si le MJS ne soutient pas ouvertement les frondeurs, car ce n’est pas son rôle, il partage pleinement ses critiques. 

Et puisque le MJS – contrairement aux autres mouvements jeunes comme les jeunes pop’ de l’UMP – possède sa propre ligne politique et ses propres congrès, indépendants de ceux du PS, il est probable que les prochains congrès du PS et du MJS viennent clarifier et affirmer  les clivages entre les deux courants. 

A la section PS au contraire, on peut trouver des soutiens actifs du gouvernement. Mais Manon Chonavel, présidente de la section, précise qu’à’“ Jean Zay, il y a des Vallsistes aux Hamonistes, toutes les tendances sont représentées et peuvent s’exprimer”. Le soutien au gouvernement est donc loin d’y être unanime. Pourtant, “il y a un débat sain dans la section, nous partageons un socle de positions communes et nous menons des actions communes”, nous explique Manon Chonavel. “Et sur les points de clivages, chacun est libre de faire ce qu’il veut

Un exemplaire de La Rose au Poing, le magazine de la section Jean Zay.
Un exemplaire de La Rose au Poing, le magazine de la section Jean Zay.

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Des modes d’actions différents 

Le MJS est un mouvement jeune qui se veut essentiellement militant, il réalise des campagnes de distribution de tracts, principalement à l’extérieur de Sciences Po, dans un objectif d’éducation populaire: “les étudiants de Sciences Po ne sont pas nos cibles prioritaires, nous cherchons à toucher des gens qui ne bénéficient justement pas déjà des clés pour comprendre les enjeux politiques” nous explique Ewen Huet.

Le mouvement rédige également des propositions sur des thèmes précis qu’il soumet ensuite aux politiques socialistes ( certaines avaient notamment été reprises par Hollande dans ses 60 propositions mais ont été abandonnées par la suite). 

La section Jean Zay fonctionne davantage comme une section universitaire classique, elle organise principalement des évènements au sein de Sciences Po; des conférences, des cafés-débat, des formations, mais aussi des ateliers de réflexion thématiques et un journal. Néanmoins « la section n’oublie pas qu’il est important de se rendre sur le terrain » précise Manon Chonavel puisque le  PS organise des campagnes de distribution de tracts à Sciences Po et en extérieur, ainsi que des campagnes de soutien aux candidats PS en période d’élection. “Entre les AG, les conférences, les tractages en extérieur, les cafés-débats, les événements conviviaux, la publication de notre journal, les formations, les sorties culturelles de section, etc., nous organisons une action par semaine en moyenne » assure Manon Chonavel.

Affiche du Mouvement des Jeunes socialistes de Sciences Po pour la campagne de reconnaissance 2014.
Affiche du Mouvement des Jeunes socialistes de Sciences Po pour la campagne de reconnaissance 2014.

Une dualité qui affaiblit le bloc socialiste? 

En début d’année les deux mouvements socialistes s’étaient opposés lors de la campagne de reconnaissance des associations, le MJS choisissant notamment de mener un campagne particulièrement agressive envers la politique gouvernementale, ce qui n’avait pas été du goût de tous au PS. “Le MJS n’a rien à gagner à nous attaquer” explique Manon Chonavel, “ce n’est ni son rôle, ni le notre de faire campagne contre l’autre, nos véritables adversaires sont à droite” ajoute-elle. 

Les deux mouvements entretiennent aujourd’hui de bonnes relations et réalisent des évènements communs : lors d’une campagne pour l’inscription sur les listes électorales notamment, les deux mouvements avaient réalisé et distribué des tracts communs, signe que sur certains sujets, MJS et PS sont tout à fait en accord. Les responsables du MJS et PS s’accordent à dire que ces différences font justement que les deux mouvements ne se font pas de torts à Sciences Po. “Ils n’occupent pas le même espace politique” explique Ewen Huet. 

Toutefois on peut se demander si ce dualisme du socialisme au sein de Sciences Po n’affaiblit pas le PS. On peut imaginer qu’avec un MJS et un PS fusionnés, les socialistes feraient au moins jeu égal avec l’UMP Sciences Po en termes de nombre de militants, d’actions, de portée… Ce n’est pas l’avis de la secrétaire du PS Sciences Po, pour qui les deux phénomènes ne sont pas liés : “L’UMP a une dynamique propre, nous aussi, et ce n’est pas le fait qu’il y ait PS et MJS qui soit gênant; quand l’un est fort, l’autre est fort, et inversement”. Cette diversité des mouvements socialistes au sein de Sciences Po est donc faite pour durer.

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