Le Genepi Sciences Po sort de l’ombre !
Le Genepi Sciences Po fait partie de ces associations pour lesquelles le peu de visibilité ne signifie pas l’inactivité. Acronyme de « groupement étudiant national d’enseignement aux personne incarcérés », le Genepi de Sciences Po n’a en effet jamais mis en place une communication très développée, d’où sa méconnaissance pure et simple par la plupart des étudiants.
Comme son nom l’indique, le Genepi est une association nationale, qui dépasse les frontières de notre institut puisqu’elle concerne tous les étudiants de France quelque soit leur parcours. Installé à Sciences Po depuis 2006, puis oublié pendant l’année universitaire 2009-2010, le relais Genepi, reconnu (mais passé inaperçu) pendant la semaine des associations a mené son action tout au long de cette année, sans en toucher mot au science piste lambda. L’association ne fait donc parler d’elle qu’en cette fin de second semestre avec la conférence organisée sur le thème des alternatives à la prison. Pour nous en parler, Camille A., responsable du Genepi Sciences Po, assurant des cours de théâtre à la prison de Fleury Mérogis.
Hors Sciences Po, le Genepi est un groupe dynamique, actif et reconnu dans le milieu carcéral. Si l’objectif premier est d’assurer des cours ou des activités culturelles en prison, il s’agit également de provoquer des rencontres souvent enrichissantes entre détenus et étudiants, rencontres quelques peu hors du temps, qui n’auraient sans aucun doute jamais eu lieu dans un autre contexte. Sensibiliser les étudiants est une chose, mais le Genepi aspire également à stimuler une réflexion, une ébullition de nouvelles idées, de nouvelles façons d’envisager le problème carcéral en France et surtout à faire comprendre que la prison est, dans les faits, au centre d’une problématique sociale, politique, économique, éthique, fondamentale. Il s’agit de bien comprendre que la représentation donnée par les médias, le cinéma, la littérature du système pénitentiaire ne correspond pas à la réalité. Une rencontre avec un ancien détenu organisée en novembre dernier après la diffusion du désormais très célèbre film Un prophète de Jacques Audiard n’a fait que confirmer ce constat. Non, la prison n’est pas le lieu où toutes les mafias, organisées en communautés patriarcales, mènent leurs lois et fomentent des complots de mise à mort exécutés par leur relais à l’extérieur (cela ne remet pas en cause le talent déployé par Audiard pour son film en tant que fiction). Cela dit, la prison n’est pas non plus ce qu’elle devrait être : un lieu où les détenus travaillent, en coopération avec un personnel spécialisé, à leur réinsertion dans la société. L’action du Genepi c’est donc également ça : diffuser un message plus large sur les prisons, par des étudiants partageant leur propre expérience, à l’ensemble de la société et sortir des préjugés erronés que l’on peut avoir sur ce monde trop souvent encore ignoré.
C’est vrai, la classe politique (quelle qu’elle soit) parle souvent de « surpopulation carcérale », fléau majeur qui pose de nombreux problèmes non seulement sanitaires mais également sociaux. Pour apporter une réponse à cela, le gouvernement actuel mène une campagne de modernisation des établissements pénitentiaires en construisant d’énormes centres, certes plus hygiéniques mais où les détenus sont beaucoup plus isolés et où même les surveillants se plaignent de ne pas voir leurs collègues. L’initiative est certes louable, cependant il ne s’agit pas de concentrer la totalité des moyens financiers et humains à améliorer le confort des détenus (même si cela est très important), mais aussi d’apporter des réponses concrètes en matière de manque d’accès à des conseillers, à des médecins, à des activités ou encore à une quelconque source d’éducation ou de distraction. La réinsertion. Là est le mot clé, supposé être un des premiers objectifs à atteindre par le détenu et par son entourage administratif et personnel. Si cet entourage doit être un soutien constant et fidèle, la réinsertion est un processus qui doit émaner du détenu lui-même, à commencer par le choix de son activité, qui doit être personnel. Ayant dit cela, il apparait que la toute récente loi pénitentiaire sur l’activité des détenus, qui les force à exercer une activité proposée par l’établissement dans lequel ils résident, entre en contradiction totale avec l’objectif de réinsertion. Comment se réinsérer dans la société alors même que notre activité est imposée par une instance supérieure, soulignant de fait la hiérarchie carcérale et entretenant l’idée de « dette envers la société » à payer à n’importe quel prix. Cela dit, il ne s’agit pas de faire un procès d’intention à notre gouvernement pour cela (il y aurait beaucoup d’autres raisons –mais ce n’est pas le sujet), en soulignant que si l’intention est parfaitement respectable et appréciée, la méthode est, quant à elle, à revoir.
Apolitique et sans appartenance religieuse aucune, le Genepi œuvre donc dans l’intérêt des détenus pour améliorer leur quotidien et apporter un souffle d’air frais rompant avec la monotonie de la détention. Ce monde inconnu, cette « société dans la société », Camille en parle très bien, racontant sa propre expérience des visites en prison : « cela me permet de relativiser sur ma vie, sur ma vision des autres, du temps ». Elle explique par exemple que la vie des détenus est « cadrée à la seconde près » et que l’attente est omniprésente dans leur quotidien, que ce soit l’attente des rencontre avec des conseillers de probation ou avec l’administration pénitentiaire en cas de besoin. Le Genepi permet par ailleurs, par les rencontres qu’il suscite, de sortir des représentations surfaites que l’on a de la prison et des détenus. Camille précise que les étudiants génépistes ne connaissent pas (et ne cherchent pas à connaitre) la raison qui a condamné leur élève à être détenu : « ces hommes ont enfreint la loi, mais je ne suis pas là pour les juger une seconde fois, et lorsque j’anime l’activité théâtre, ils sont pour la plupart volontaires, intéressés et réellement polis ». Malgré le cadre plutôt austère et angoissant d’un centre de détention, elle affirme ne pas s’être sentie en danger une seule fois. Après quelques sessions, elle a réalisé la frustration liée au fait de côtoyer ce milieu si imparfait et injuste et de ne rien pouvoir y faire concrètement.
Réfléchir sur ce thème est malgré tout un bon début et c’est à cet effet qu’est organisée la conférence au titre un peu surprenant : « quelles alternatives à la prison ? ». A première vue, on se dit, qu’aussi imparfait soit le système carcéral français, la prison reste le seul moyen de punition que l’on connaisse. En y réfléchissant plus longuement, on s’aperçoit qu’il y a 30 ans en France fut aboli un moyen de punition encore d’usage dans certains pays : la peine de mort. C’est un exemple parmi d’autre qui témoigne bien de la nécessité de se poser ces questions là. La prison est-elle assez efficace ? Faut-il la réformer ? Comment ? Autant d’interrogations indispensables qui seront abordées ce mercredi à 19h en salle Jean Moulin au 13, rue de l’Université. « Proposer des alternatives à la prison, ce n’est pas la supprimer totalement », il s’agit de penser les peines différemment car la punition ne passe pas forcément par l’enfermement. Outre le problème que pose la récidive une fois le détenu libéré, ainsi que les problèmes liés à la détention, il apparait nécessaire de repenser la punition dans notre société lorsque l’on se penche sur les chiffres du suicide en prison qui, bien que passés sous silence, sont alarmants. C’est ce bilan, si négatif sur la situation des prisons françaises, qui a poussé l’équipe du Genepi Sciences Po à « mener une réflexion sur les alternatives possibles à la prison, car elles sont nombreuses et peu utilisées ».
Merci à Camille A. d’avoir répondu à nos questions, cet article est inspiré et adapté de ses propos.
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