La semaine cinéphile du Mag’ #6
Peur de perdre pied sous le flot ininterrompu de papers au retour des vacances ? Alors laissez-vous tenter par le programme de la rentrée cinéma, et PLONGEZ. Plongez au coeur d’une épopée pour sauver l’humanité avec Thor 2 ; plongez en eaux troubles dans la vie familiale et sentimentale, à peine maquillée, de Valeria Bruni Tedeschi dans Un château en Italie. Enfin, plongez dans les souvenirs de Paul, un grand dadais muet mais attachant qui cherche à retrouver la parole en retrouvant la mémoire, dans Attila Marcel… mais n’oubliez pas, vous avez du pain sur la planche.
Complètement marteau.
Thor: le monde des ténèbres, de Alan Taylor
Thor (2011), réalisé par Kenneth Branagh, fut probablement le blockbuster Marvel le plus réussi avec Captain America. Parfaite alchimie entre le comique et la tragédie, il se distinguait par une belle mise en scène et des dialogues maitrisés. Que reste-t-il de tout cela dans la suite réalisée par Alan Taylor, réalisateur émérite des Sopranos ou de The West Wing à la télévision US ? Peu de choses. Très peu inspiré, il est représentatif d’un système qui s’essouffle.
En effet, Thor : le monde des ténèbres tombe dans tous les écueils classiques du blockbuster. D’abord, le film n’a aucune identité visuelle: les décors en carton-pâte qui forme le royaume d’Asgard et l’esthétique digne d’un épisode de V contribuent à ennuyer le spectateur. Rien à voir avec l’émerveillement que l’on peut ressentir face à Gravity ou Star Trek : Into The Darkness. De plus, au lieu de se concentrer sur la relation entre Thor et son frère Loki ou l’éternel mais intéressant dilemme du héros « burdened with glorious purpose », le film s’embourbe dans une intrigue inintéressante et brouillonne. Pourtant, on peut considérer ces défauts comme mineurs comparées à la plus grande faiblesse du film : son humour plus que grotesque. L’une des plus grandes forces des blockbusters réside souvent dans une utilisation habile des ressorts comiques les plus populaires; au contraire, dans ce film, l’humour peine à masquer le manque de maitrise du potentiel scénaristique de l’univers Marvel.
Plus qu’une déception, cette suite tire la sonnette d’alarme car, même pour un fan de blockbuster, il y a un service minimum à assurer.
Maëva Saint-Albin
Pourtant quelqu’un m’a dit…
Un château en Italie, de Valeria Bruni Tedeschi
Un château en Italie, c’est le film qu’a réalisé Valeria Bruni Tedeschi pour raconter sa vie. Elle l’avait déjà fait dans ses deux précédents (Il est plus facile pour un chameau… et Actrices) mais cette fois-ci, elle pousse le principe jusqu’à incarner le personnage de Louise, faire interpréter celui de sa mère par sa propre mère et celui de son petit ami Nathan… par son ex-petit ami Louis Garrel. C’est donc un véritable exercice d’exhibitionnisme.
D’un côté, l’exercice est réussi. On est touché par l’histoire du déchirement de cette famille riche plus si riche, par la perte de couleurs du frère malade, par l’égarement de Valeria Bruni Tedeschi. On croit avec elle à la renaissance dans l’amour de Louis Garrel (bon, d’accord, être une fille aide à y croire encore plus).
Et puis Valeria a une grande qualité : elle n’a pas besoin de s’enfermer dans la comédie pour être très drôle. Les personnages sont tous révélés, y compris le sien, dans leur faiblesse et leurs défauts. Cela est fait sans aucune agressivité, et même avec une certaine tendresse pour le ridicule. Sans trop spoiler, les scènes de course poursuite avec des bonnes sœurs et de crise d’angoisse avant une fécondation in vitro sont franchement hilarantes.
Seulement, on est parfois légèrement gêné par la place qu’on occupe. Notre siège en strapontin rouge est celui du spectateur. Mais n’est-on pas également voyeur, directement plongé dans la vie personnelle d’une inconnue, comme si elle nous lisait à voix haute son journal intime ?
Elise Levy
http://www.youtube.com/watch?v=_FBqvtHXDEs
À la recherche du temps perdu.
Attila Marcel, de Sylvain Chomet
Paul est un trentenaire muet qui vit entre ses deux tantes trop maternantes, ses chouquettes quotidiennes et ses accompagnements de piano trop routiniers. L’environnement est aristo, le quotidien réglé à la minute, Paul n’a en fait jamais vécu. Un jour, il va entrer par hasard dans l’appartement d’une de ses voisines, Madame Proust, et va entrer par la même occasion dans son univers. Un jardin planté au milieu du parquet, un énorme « chien-ours », de la musique, des madeleines – évidemment, et des tisanes magiques. Ces dernières ont la propriété particulière de vous endormir et de vous faire revivre vos souvenirs disparus. Paul va alors replonger dans son enfance et tenter de découvrir les circonstances de la disparition de ses parents lorsqu’il était tout petit, évènement qui a été la cause de sa perte de parole.
L’univers est kitch, les personnages caricaturés mais nous sommes dans un conte. Des images colorées et poétiques, une fable amusante, on retombe en enfance. Sylvain Chomet – le réalisateur des Triplettes de Belleville et de l’Illusioniste – a plutôt bien réussi son passage de l’animation au film: Guillaume Gouix est attachant en pianiste sans parole, Anne Le Ny convaincante en magicienne bouddhiste, et les deux tantes, interprétées par Bernadette Lafont et Hélène Vincent, hyper agaçantes. Bref, le tout est de se laisser porter par l’univers rétro et singulier du Paris de Chomet et on s’amuse. Cela n’ira pas plus loin car le film porte tout de même ses défauts et un personnage principal muet ne facilite pas le passage des émotions. Néanmoins, le film est loin d’être figé dans le passé et Paul nous montre plutôt comment plonger dans ses souvenirs lui permet d’avancer dans la vie. Musique jazzy, couleurs, tisanes, chouquettes, un cocktail finalement assez adapté en ce début d’hiver !
Une dernière précision toutefois : attention, allergiques aux univers à la Jean-Pierre Jeunet, s’abstenir…
Cécile Lienhard