JR, épouse-moi !

Photomaton géant du projet Inside out

 Après NKM (Nathalie Kosciusko Morizet), son flow langue de bois, et son remettage de mèche si sensuel, place à JR (Jean-René ?), son projet Inside out, et son combo lunettes noires+chapeau.

Pas d’engagement politique, pas de partenariat publicitaire, pas de com’, juste la réponse à « art engageant ou art engagé ? »
Rendez-vous en amphi boutmy, hipsters et artistes incompris au premier rang. Allons-y gaiement.
Les étudiants de l’école de communication de Sciences Po qui ont organisé cette entrevue, commencent par poser des questions. Notre cher JR enchaîne les blagues. Ah ce rigolo, si coopératif, si spontané. Homme de ma vie.

 Son projet Inside out débute en 2011. Le principe : un photomaton géant. Tu fais la queue, tu entres dans le photomaton, cliché-clac, quelques secondes après une gigantesque photo de toi est imprimée. Et cette photo, tu peux la coller dans la rue, ou la ramener égoïstement chez toi. JR clashe d’ailleurs un petit coup les narcissiques matérialistes qui accrochent un portait d’eux-même plus que grandeur nature chez eux, et se rend compte que la perception du projet est différente en fonction des pays, l’usage que l’on fait de ces portraits « est un miroir de notre société. »

Par exemple en France, on est un peu ces fameux cons égoïstes narcissiques matérialistes. Alors qu’au Japon, les gens n’ont qu’une seule envie, c’est accrocher ces clichés dans la rue. Au Mexique, c’est de la coller au niveau de la frontière avec les Etats-Unis.
« Pour certains l’image a un sens existentiel, les mexicains, comme les palestiniens ou les israéliens ont voulu montrer qu’il y avait des visages, des identités derrière ces murs. » Et ce qu’il y a de fou, c’est que ces initiatives sont spontanées, comme par exemple en Russie, où ces photos ont été utilisées pour défendre l’homosexualité.

Bethlehem, 2011

Mais notre cher JR, presque froidement, nous assure qu’il n’est en rien l’instigateur de ces projets. « Je regardais ce que les gens faisaient, mais en aucun cas je ne les aidais a coller les affiches, c’était leur initiative, leur projet. Les gens prennent des vrais risques, plus grands que les miens.« Et la, il te balance sa première punchline d’artiste du XXI, de poète de la rue : « Je ne suis pas l’artiste, juste le transmettant entre l’œuvre et son auteur ».

Projet « Portrait d’une Generation a Clichy/Montfermeil ». Au fur et à mesure de l destruction des immeubles, on pouvait décrouvir les photos des visages prises par JR.

 Il se voit modestement comme un mec qui permet un art engageant, un art qui ne provient pas de lui, un art qui se crée au gré de ce que les gens en font. En Tunisie, machinalement, la population avait remplacé les portraits du dictateur Ben Ali par les leurs. L’instinct premier de certains a été de déchirer ces portraits, ne comprenant pas la portée artistique. « Ça avait l’air d’un échec mais en déchirant ou collant ces portraits, ces personnes se sentaient exister, c’était la première fois qu’ils ressentaient la démocratie et qu’ils en jouissaient. »

 S’en suit tout un débat métaphysico-philosophique sur le début de l’œuvre, la fin de vie du travail de l’artiste, la portée de l’action « coller »… L’œuvre est-elle la photo ? L’œuvre est-elle le chemin d’une personne jusqu’à la prise de cette photo ? L’œuvre est-elle l’utilisation qui en est faite ? Punchline numero 2 :  « L’artiste importe peu, l’œuvre se suffit à elle-même ».
Bref, t’es transporté dans ce flot de paroles, tu veux prendre des notes mais tu préfères laisser tes pensées dériver au gré des courants de ton humeur. C’est de la poésie ce qu’il fait. C’est de la poésie ce qu’il dit. JR épouse-moi. Homme de ma vie.
Les questions s’enchaînent. Il y a ceux qui veulent utiliser le projet insideout de JR pour leur campagne aux municipales et qui se font remballer parce que JR, c’est pas un mec qui s’engage directement politiquement, c’est un artiste plus engageant qu’engagé.

Il y a ceux qui demandent si ce projet de photomaton géant apparaît comme une volonté de sortir de l’anonymat, de représenter la société par de véritables visages. Punchline 3 : « Je suis parvenu à faire de la rue mon musée. » JR est chaud comme la braise. Homme de ma vie. Ce street arter anonyme à la Banksy qui se cache derrière ses lunettes de hipster et son chapeau, répond. Il répond en racontant que lorsqu’il avait 15-16 ans il graffait ses initiales sur les murs, « c’était une manière de sortir de l’anonymat », de cracher sur la société pour « montrer que j’étais quelqu’un. Mais à la fois il fallait pas qu’on sache que c’était moi sinon je me faisais embarquer par les flics. Donc oui, ce projet Inside out peut apparaître comme une manière de trouver une identité ». Il revient sur ce phénomène dingue où en Palestine et en Israël des centaines de personnes ont affiché leurs portraits sur les toits des villes, pour montrer qu’il y avait des visages derrière ce mur d’inepties. Mais encore et toujours, sa réussite et sa survie, à lui, sont fondées sur l’anonymat le plus total. Connu dans le monde entier, mais inexistant aux yeux des autorités.

Action dans la Favela Morro da Providência, Rio de Janeiro, 2008

On lui demande si le fait de se tourner vers des régions défavorisées n’est pas un peu hypocrite. Les populations dans des conditions si précaires ont-elles véritablement besoin de l’art ? « On s’est rendu compte que ces endroits venaient à nous plus qu’on ne venait a eux. Ces gens ont besoin de l’art. Ils nous ont directement interrogé sur nos objectifs, nos partenariats… Ces personnes sont ouvertes à l’art plus que quiconque. Partir loin, où les gens ne voient pas l’art dans les rues, c’est le meilleur moyens d’avoir les meilleures conversations. L’art trouve son utilité même dans des endroits où on ne le penserait pas « .

JR aborde des milliers de projets, de lieux, d’anecdotes, il blague, il écoute, il répond. Homme de ma vie. Et là, JR balance THE punchline : « mon projet, c’est donner l’ADN de tout mon travail, pour ne plus avoir aucun secret, me déposséder de ma force en tant qu’artiste, mais de me nourrir des réactions des gens ». Homme de ma vie. JR épouse-moi.

JR sur Times Square, New York

2 Comments

  • viviane

    J’adore ton texte.
    Mais surtout je te remercie d’avoir si bien décrit la démarche de JR.
    Une seule question: de quoi vit-il?

  • Laurie

    Tu donnes pas vraiment de matière à ta critique vu que tu te rattaches constamment à une ironie filée vide de sens… On pourrait quasiment prendre ton texte au premier degré et y voir plus de cohérence. Je comprends pas trop ton argument – essaies-tu de dire que JR est hypocrite? que son oeuvre est maigre de signification? que c’est un phénomène populaire surfait? Bref, si oui tu ne l’étayes pas, et par conséquent laisse ton texte paraitre un peu condescendant vu que tu supposes que ton opinion (qui n’est pas celle de tout le monde!) coule de source. En gros, je trouve ça vite fait prétentieux…