Jean-Claude Casanova condamné à 1 500€ d’amende dans « l’affaire Sciences Po » des salaires Descoings
Jean-Claude Casanova, président du conseil d’administration de la Fondation Nationale des Sciences Politiques a été condamné à 1 500€ d’amende par la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) de la Cour des Comptes.
[Article mis à jour le 4 décembre 2015, à 14h41, pour inclure la réaction de Sciences Po.]
La condamnation fait suite à un rapport de la Cour des Comptes de 2012, dans lequel étaient dénoncés salaires et bonus excessifs, accordés à Richard Descoings notamment, directeur de Sciences Po jusqu’à son décès à New York en 2012. La CDBF considère que le salaire de l’ancien directeur a été validé par une procédure irrégulière, dans laquelle le conseil d’administration n’exerçait pas son rôle.
L’arrêt considère que il incombait à « (Jean-Claude Casanova), en sa qualité de président du conseil d’administration de la FNSP, de mettre un terme à cette irrégularité et de veiller à ce que le conseil d’administration soit mis à même d’exercer ses compétences. »
La Cour remarque dans son arrêt que « le conseil d’administration de la FNSP n’était pas saisi des rémunérations individuelles des cadres dirigeants de Sciences Po et ne délibérait jamais explicitement à leur sujet. »
La CDBF a aussi relevé une procédure irrégulière lors de la mission de concertation sur la réforme du Lycée, que l’ancien Président Nicolas Sarkozy avait confiée à M. Descoings. M. Casanova aurait du saisir sans délai le conseil d’administration, ce qu’il a omis de faire, juge la Cour.
En effet, même si la FNSP a été remboursée par l’Etat, les frais pour cette « mission extérieure à l’objet de la fondation » ont été inscrits au budget de la fondation sans en informer son conseil d’administration, remarque la Cour.
Monsieur Casanova a cependant bénéficié de deux circonstances atténuantes. La mise en place d’une « commission des rémunérations » a donné un « caractère collégial à la détermination » des rémunérations qui « relevaient jusqu’alors exclusivement du président du conseil d’administration [M. Casanova] et de l’administrateur de la FNSP et directeur de l’IEP de Paris. »
Quand au montant même de la rémunération, considéré par la Cour comme « particulièrement élevé », le dossier soumis à la CDBF ne permettait pas d’établir un avantage injustifié, et donc une infraction relative à l’article L. 313-6 du Code des juridictions financières.
Dans un email à La Péniche, « la FNSP prend acte de la décision de la Cour de discipline budgétaire et financière. Elle se réjouit de la mise hors de cause de M. Aurélien Krejbich. Elle regrette que la CDBF ait prononcé une sanction à l’égard de M. Casanova, en dépit des circonstances atténuantes qu’elle avait elle-même reconnues. La FNSP note que cette sanction n’est motivée que par un défaut de consultation de son conseil d’administration. »
Dans son rapport, la cour des Comptes avait écrit que « l’indemnité mensuelle de Richard Descoings ne repose sur aucun contrat formel et n’a pas été votée en conseil d’administration. » L’ancien directeur avait perçu 537 247€ en 2010. À l’issu du rapport, M. Casanova et le directeur en charge des ressources humaines, Aurélien Krejbich, ont été renvoyés devant la CDBF.
Aurélien Krejbich, poursuivi pour diverses irrégularités dans la gestion des enseignants-chercheurs (primes, service, heures complémentaires), a été relaxé.
La cour considère en effet qu’il « ne contribuait pas à la définition du service des enseignants et enseignants-chercheurs affectés à l’IEP de Paris » et n’avait donc « ni compétence ni moyens pour contrôler a postériori » la régularité des décisions.
La décision de la CDBF a été publiée aujourd’hui au journal officiel. Le procureur avait initialement demandé une amende de 3 000€ pour Jean-Claude Casanova. L’audience, pendant laquelle étaient entendus, en plus de M. Casanova, Michel Pébeareau, Louis Schweitzer et Frédéric Mion, s’est tenue vendredi 6 novembre 2015.
Jean-Claude Casanova s’y est défendu : « Je n’ai jamais trahi ni l’idée que je me fais de l’université ni les statuts de Sciences Po. L’université française, pour qu’elle monte dans les classements internationaux, doit avoir une liberté de gestion. »
Le procureur général a cependant soulevé des questions quant aux procédures de validation des salaires. Une commission financière prenait les décisions, que le conseil d’administration ne venait que valider.
« Nous n’étions jamais informés de la rémunération individuelle de tel ou tel dirigeant ou directeur, et personne en cherchait à l’être », a commenté Olivier Duhamel, membre du conseil d’administration, cité comme témoin devant la CDBF.
La CDBF ne prononce que des amendes de cinq chiffres maximum. La décision peut être contestée devant le conseil d’État, selon le site de la Cour des comptes.
[Correction, 4 décembre 2015, 15h05: la décision de la CDBF peut être contestée et non pas attaquée devant le conseil d’État. Le procureur général, et non pas le procureur, avait demandé l’amende de 3.000€.]