Jean-Christophe Adler, le lobbying dans la peau

Jean-Christophe Adler en 5 dates :

1989 : diplômé d’une maîtrise Politique Economique et Sociale à Sciences Po
1990 : co-auteur d’un « Atlas de la puissance économique »
2004 : création d’Affaires Publiques Consultants, cabinet de lobbying
2004 : Président de l’Association Française des Conseils en Lobbying
2013 : création de la filiale Territoires Publiques Consultants, conseil en communication politique

JC Adler

C’est sur une citation de la Déclaration des Droits de l’Homme affichée sur le mur de son bureau que Jean-Christophe Adler clôt notre entretien : « La société a le droit de demander à tout Agent public compte de son administration ».
Ainsi le lobbyisme (activité consistant à influencer la confection des normes législatives) serait-il selon lui constitutif de notre démocratie depuis ses débuts.

Immersion dans le quotidien de Jean-Christophe Adler, lobbyiste depuis 22 ans, pour mieux appréhender cette profession:

Pouvez-vous brièvement résumer votre parcours depuis votre diplomation à Sciences Po ?

Après avoir co-publié l’Atlas de la puissance économique en 1990, je suis parti faire un tour du monde de 8 mois. Appelés par les sirènes du marché du travail, mes amis m’ont fait faux bond la veille du départ. Qu’à cela ne tienne, je suis parti quand même et ne le regretterai pour rien au monde.
Je suis ensuite rentré dans un cabinet de lobbying par le biais d’une annonce sur Sciences Po Emplois. En 2004, j’ai décidé de créer mon propre cabinet, Affaires Publiques Consultants, qui est aujourd’hui dans le peloton de tête des cabinets de lobbying indépendants en France.

Si l’on vous compare à Nick Naylor (le porte-parole apathique et sans limite du lobby du tabac dans le film Thank you For smoking, de Jason Reitman), que répondez-vous ?

Plein de choses.

Tout d’abord le lobbyisme professionnel tel qu’il est pratiqué en Europe, se distingue de cette caricature. Si les grandes écoles et les universités sont toujours plus nombreuses à dispenser des formations au lobbying dans le cadre de leurs masters, c’est assurément pour répondre à une nécessité aussi légale que légitime. Le lobbying est aujourd’hui pratiqué par un nombre croissant d’acteurs qui cherchent à influencer la décision publique. Par exemple, une association prônant la défense de l’environnement fait du lobbyisme. Un syndicat également ! Il leur arrive d’ailleurs de faire appel à nos services. Faire du lobbyisme ce n’est donc pas satisfaire des intérêts uniquement financiers sans considération pour les implications humaines. Notre cabinet a ainsi contribué à généraliser l’installation de défibrillateurs dans les lieux publics et à la formation des jeunes à leur utilisation. L’enjeu de santé publique est de sauver 10 000 vies chaque année.

Ensuite tout lobbyiste n’est pas un opportuniste prêt à défendre n’importe quelle cause sans tenir compte des implications morales de ses actes. Si l’on prend l’exemple du tabac, notre cabinet a refusé de défendre les intérêts d’une grande entreprise du secteur, faisant ainsi une croix sur un contrat important. Mais faut-il rappeler que ce commerce est légal et, qui plus est, particulièrement profitable à l’Etat !

Le lobbyisme est au principe de notre démocratie en favorisant l’expression pluraliste, contradictoire et transparente des intérêts. Lutter pour que la TNT soit législativement entérinée, comme nous l’avons fait pour notre client NextRadioTV (NLDR : maison-mère de BFMTV), c’est participer au pluralisme des opinions et à la variété des sources d’information. Un lobbyiste n’est pas crispé sur la défense du statu quo, il œuvre pour la démocratie en défendant des causes et des opinions divergentes dans le cadre législatif.

Quelles qualités ou centre d’intérêt avoir pour être un bon lobbyiste ?

Il faut bien entendu s’intéresser à l’actualité tant notre profession en est tributaire. Des connaissances solides en économie, en politique et surtout en droit sont essentielles.
Il faut également être curieux et tenace : la satisfaction de voir se concrétiser ce pour quoi l’on s’est battu ne vient qu’après un travail de longue haleine avec les institutions et les partenaires sociaux. Il faut également être capable de recul, d’articuler les intérêts représentés avec l’intérêt général et l’agenda public pour conseiller et influer sur les stratégies de nos clients, afin que leurs intérêts soient satisfaits. Des qualités d’expression écrite et orale sont bien entendu requises.

Le master Affaires Publiques à Sciences Po, meilleure formation pour devenir lobbyiste ?

Effectivement oui. Les qualités que j’ai citées plus haut sont constitutives de la pédagogie « à la Sciences Po ». La plupart des membres de mon cabinet sont passés par la rue Saint-Guillaume. Un diplôme en école de commerce peut être un plus. Mais le plus important est d’être doté de compétences juridiques solides. Le lobbyiste est à son client ce que l’avocat est à son justiciable.

Le lobbyisme en deux parties deux sous-parties ?

Cette méthodologie a encore cours ? (rires). Je ne saurai le résumer en m’aidant de ce balancement conceptuel au demeurant très utile car il lui manque une troisième partie contenant des propositions ! Dans mon métier, les notes de synthèse sont légions mais toujours suivis d’une dernière partie constructive contenant ces solutions.


Il convient donc de réévaluer l’opinion commune concernant le lobbyisme comme le montre l’exemple de Jean-Christophe Adler. Les tares qu’on lui associe par raccourci intellectuel (corruption, amoralisme) sont des abus et non pas la règle.

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