Et l’Europe dans tout ça ?

Compte rendu tardif – mais nécessaire ! – de la conférence organisée le lundi 27 Novembre en amphi Leroy-Beaulieu par l’UDF-Sciences Po sur le thème : « L’Europe dans les élections présidentielles: un enjeu ? ». Les intervenants étaient Marielle de Sarnez, vice-présidente de l’UDF et député européen et Alain Duhamel, journaliste et essayiste français.

Une fois de plus, LaPeniche.net s’est faite un devoir de couvrir cet événement !

L’amphi Leroy-Beaulieu avait rarement été aussi plein (haut lieu de détresse pour les éléves épuisés semblait-il), certains sont restés debout dans le couloir pour y assister. Le débat s’est ouvert sur les chaudes paroles de Marielle de Sarnez (MS) : elle s’est dit très heureuse de voir qu’il y a au moins un endroit dans Paris où l’on parle encore d’Europe.

Avant de commencer le compte rendu de cette conférence, il est frappant de remarquer que si MS s’est faite le porte-parole de François Bayrou « européen« , ce dernier s’était fait remarquablement silencieux en matière d’Europe jusqu’à cette date. Ce silence assourdissant pour le  » Monsieur Europe  » de la scène politique française a notamment été déploré par Alain Duhamel (AD). Assez gênant pour l’occasion.

Pour commencer, MS a rappelé que la situation européenne n’est pas bonne. L’Europe, d’après elle, traverse sa plus grave crise depuis sa création. A l’heure actuelle, ce n’est pas seulement son fonctionnement qui est touché, mais c’est le souffle et l’inspiration européenne qui sont éteints : « on ne sait plus ce qui nous réunis ni ce que nous faisons ensemble« . Elle accuse ces hommes politiques qui « se servent de l’Europe comme bouc émissaire le lundi quand les choses vont mal, et s’étonnent le dimanche que leurs citoyens disent NON à l’Europe« .

De la sortie de la crise européenne.

Pour MS, plusieurs mesures sont nécessaires :

  • d’abord, il est indispensable de relancer le processus constitutionnel et institutionnel. Un nouveau texte doit surgir : il devra être « plus clair, plus simple, plus lisible« , le précédent étant trop long et ayant souffert de l’impopularité des hommes politiques. Ce nouveau Traité constitutionnel devra garder la Partie I, institutionnelle, tandis que la Partie II sera mise de côté (« les droits fondamentaux n’ont pas besoin de ratification« ) et la Partie III totalement abandonnée. Elle aura pour but d’exprimer clairement « qui nous sommes et quelles sont les valeurs qui nous appartiennent« .
  • l’Europe doit ensuite retrouver rapidement une véritable capacité d’action. Selon MS, la PAC fut un bon exemple, mais doit être réformée. Dans le même mouvement, de nouvelles politiques communes sont nécessaires dans les secteurs de l’énergie, de l’armement, de la R&D, de la défense, du développement durable, des migrations etc. Des enjeux importants qui ne se régleront pas à l’échelle nationale.
  • MS tenait à persuader son assemblée à qui lui était en majorité déjà acquise – que l’Europe était « attendue partout dans le Monde » : pas de réglement du conflit au Proche-Orient sans Europe, ni en Irak. Pas de sortie de crise pour le Liban, avec l’Iran, au Darfour tant que l’Europe politique n’existera pas.

Pour AD :

  • Il espère d’abord que les choses vont avancer sous la présidence de l’Allemagne (qui prendra les commandes de l’Union au premier semestre 2007, ndlr). Angela Merkel, qu’il dit « ambitieuse en matière européenne« , est capable de débloquer la mécanique. Mais il pense à raison que les choses n’avanceront pas avant les élections françaises, et il souhaite que symboliquement, ces déblocages se concretisent sous la présidence de l’Union par la France (au deuxième semestre 2008, la dernière fois avant 20 ans !). Seulement, cette présidence de l’Union ne sera qu’un an après les élections présidentielles, donc avec « un ou une débutante à la tête de la France« .
  • En reprenant l’avis de MS, AD souligne qu’une nouvelle Constitution est urgente, dans la mesure où il est notamment impossible d’avancer avec la prise de décision à l’unanimité à 25. Par exemple, lors de derniers désaccords, Malte (300 000 habitants) s’est payé le luxe de tout bloquer, comme le gouvernement polonais, qui a décidé de s’opposer à certaines décisions tant qu’il n’aura pas satisfaction sur un sujet d’un tout autre domaine. AD considère qu’il est essentiel symboliquement que ce soit la France et les Pays-Bas qui se rallient au nouveau texte et non les autres à nous.
  • Il a aussi raillé de manière incisive Mme Royal : « elle ne s’exprime jamais avec précision sur l’Europe ; et quand elle le fait, c’est toujours de manière très vague. Preuve qu’elle a tout à fait la vocation à être présidente de région ! » (rires gras dans la salle). C’est d’ailleurs « une blague » quand elle dit qu’ « il n’y a pas de problème« , qu’il faut une « Europe sociale » et qu’ « il faut mettre la BCE au pas« . C’est « une blague« , dans la mesure où il s’agit maintenant de s’opposer à une vingtaine de pays a-t-il rappelé.
  • AD espère enfin un d?blocage rapide de la situation, car « il serait absurde de regarder les autres pays ?voluer, ?merger, alors que l’Europe s?enlise dans des querelles villageoises« .

De la place de la France dans l’Europe.

AD et MS se sont entendus sur l’importance évidente de la France dans la construction européenne. Pour MS, «  rien ne se fera sans le leadership de la France« , elle utilise d’ailleurs la charmante expression de cette « intimité entre la France et l’Europe » qu’il faut retrouver, point central de la campagne de Bayrou. AD considère que, depuis le NON français, l’Europe est plus que jamais dans « un moment français« , que « l’Europe est à l’horloge française« . Et il regrette à nouveau les « disputes villageoises » qui ont expliquées le rejet du 29 mai.

La parole fut ensuite à la salle. Et preuve de l’engouement pour la question, de très nombreuses questions ont été posées :

  • Question à MS, sur les différences de l’UDF par rapport à l’UMP sur la question européenne.

Elle a répondu non pas en s’opposant à l’UMP mais directement à Nicolas Sarkozy. Elle rejette l’idée d?un « mini-traité » qui semblerait bien signifier ce que Sarkozy veut en matière constitutionnelle européenne : ? Nicolas Sarkozy veut piocher, piquer dans la Partie I » pour faire un nouveau texte du style « patchwork« . Et selon elle, « il faut un nouveau texte refondateur et non un mini-traité car ce n’est pas avec ça que l’on ne va réconcilier les français avec l’Europe« . D?ailleurs, l’UDF refusera de passer le texte par le Parlement alors que le peuple a dit non au dernier référendum. Elle rejettera aussi le « protectionnisme européen » prôné par Sarkozy et Royal.

  • Question sur la tentation de repli français et de la peur du quotidien.

AD a parlé de cette « schizophrénie française » : dans chaque français sommeillerait un européen et un anti-européen. MS quant à elle explique ce malaise français par l’absence aujourd’hui de « grands hommes » européens. Il y avait VGE, Kohl, Mitterrand alors que seul Prodi semble s’élever à ce rang maintenant. De plus, elle rappelle que la question de fond aujourd?hui repose sur les problèmes identitaires français : avant de trouver une identité européenne, la France devra retrouver son « vivre-ensemble » qui lui fait évidemment défaut actuellement.

  • Sur la question du Royaume-Uni.

MS a décrit une certaine perversité doublée d?une grande intelligence de la part de l’outre-Manche: « si les choses marchent, ils rentreront« . Elle souligne d’ailleurs le fait que lors du lancement de l’Euro, ce sont surtout les marchés financiers londoniens qui ont appelé à un ralliement à la monnaie unique. De plus, la présence du Royaume-Uni sera une nécessité pour la construction d’une Europe forte, en matière de défense notamment. Malheureusement, jusqu’à maintenant, ce ne sont pas encore les traders du London Stock Exchange qui dirigent la pays.

  • Enfin, les questions se sont centrées logiquement sur le personnage de François Bayrou.

Depuis le 11 septembre, il a su créer de l’intérêt autour de sa personne et même faire sensiblement tomber l’attitude de benêt qu’on lui avait souvent prêtée (que se soit à tort ou à raison) Des qualités de communication lui sont reconnues, mais il semble qu’aujourd’hui, l’UDF n’a aucune marge de manoeuvre en dehors des élections présidentielles. Et que l’UDF n’a de stratégie politique qu’en « s’attaquant aux deux côtés » , car « la provocation est une nécessité » pour le parti. MS s’est ensuite lancée dans un discours enflammé sur le rôle du « chef » : le peuple doit se sentir mené, « guidé vers un idéal, une passion« , les français d’ailleurs « veulent du changement » pour entrer dans « une nouvelle page » (elle prend évidemment soin de ne pas employer le mot « rupture« ). Les problèmes ne seront pas réglés par des « débats absurdes » camp contre camp et il faut arrêter de gouverner parti contre parti. Après ce discours, le chemin semble tout tracé pour la voie centriste de Bayrou. Et AD de confirmer : il votera François Bayrou. Le système politique français est aujourd’hui « extraordinairement inefficace« . Bayrou, homme providentiel ? Cependant, il modère son propos en montrant du doigt les méthodes de propagande et de critique de Bayrou qui sont à « l’opposé de son dessein politique » et que la « caricature à outrance (des attitudes des meneurs N. Sarkozy et S. Royal) finit par le desservir« .

l’UDF Sciences Po a marqué un bon point avec cette conférence, car même si elle n’a pas été largement médiatisée, ils ont relevé le défi de faire venir des personnalités reconnues. On regrettera seulement le manque de dialectique entre les intervenants : on aurait pu attendre plus de débat entre un journaliste et une femme politique ; AD semblait déjà acquis à la cause de F. Bayrou. Donc à la question « l’Europe dans les élections présidentielles, un enjeu? », on pourrait répondre « OUI, on aimerait bien en tout cas! » En effet, si Marielle de Sarnez nous convainc de l’importance d’une Europe forte aujourd’hui, si l’UDF-Sciences Po organise des conférences à ce sujet, et si les étudiants de 1A considèrent ce thème comme majeur dans les élections (cf. sondage du cours de Duhamel), nos illustres candidats (Bayrou inclus) se montrent remarquablement discrets en la matière.

One Comment

  • Charlotte

    First comment pour un article -quand même- publié à 03h40 !!! (et oui c’est ça lapeniche.net, des rédacteurs qui travaillent même la nuit )
    Bravo pour la motivation !!!!