Élections étudiantes : « La diversité, c’est la force de Nova »

Retrouvez l’interview de Raphaël Zaouati, vice-président étudiant du Conseil de l’institut, et président d’honneur de Nova, l’un des quatre syndicats candidats aux élections étudiantes

Pour commencer et pour éclairer nos lecteurs, quelles sont les 5 propositions phares de Nova ?  

Il faut savoir que nous défendons une cinquantaine de propositions qui sont le fruit d’un travail que nous menons depuis 5 ans maintenant, et nous continuons à avoir des ambitions fortes. Sur l’écologie, nous estimons que Sciences Po doit être l’école qui forme les décideurs de demain en matière de transition environnementale. Nous avons déjà obtenu la mise en place du Bachelor of Sciences et nous défendons la création d’une École de l’environnement et du développement durable qui permettrait de centraliser en master l’ensemble des disciplines relatives à l’écologie, avec une faculté permanente qui y serait adossée. 

Sur l’égalité des chances, notre mesure phare est la création d’un fond de solidarité destiné aux étudiants en situation de rupture familiale, afin de les accompagner et de les exempter de frais de scolarité. Nous nous sommes rendus compte que bien souvent ces étudiants ont du mal à saisir la Commission de suivi sociale chargée d’analyser leur dossier à cause de critères trop restrictifs, et de la complexité de la procédure.

Sur la réussite, nous demandons des équipements adaptés et fonctionnels : assez de prises électriques dans tous les amphithéâtres, et de meilleurs serveurs pour un wifi stable par exemple.

Sur le respect et l’inclusion, nous souhaitons poursuivre le travail qui a été mené sur les Violences Sexistes et Sexuelles (VSS). Nous proposons d’améliorer la formation à la sensibilisation en petits groupes plutôt que sur Zoom, et de l’accroitre pour les responsables associatifs qui sont bien souvent seul face à ces problèmes. 

Sur la cohésion et la vie associative, nous souhaitons créer un budget participatif, un peu sur le modèle de la Mairie de Paris afin de financer des associations et des projets de vie étudiante. L’idée serait de mieux utiliser la CVEC parce qu’elle représente un effort financier important pour les étudiants et qu’on ne sait pas toujours clairement à quoi sont alloués les fonds récoltés.  

Pour finir sur le bien-être, la santé et l’épanouissement, nous réclamons la mise en place d’un psychologue joignable à distance pour les étudiants en 3ème année qui sont bien souvent confrontés à des situations difficiles où ils peuvent se sentir seuls, abandonnées. Et c’est la responsabilité de Sciences Po qui les envoie à l’étranger de pouvoir les accompagner sur le plan de la santé mentale si besoin. 

Pour rebondir sur ce dernier aspect de la santé mentale, la crise sanitaire a révélé un mal-être chez beaucoup d’étudiants de Sciences Po. Est-ce suffisant de se concentrer sur les 3A alors que tous en ont souffert ? Préconisez-vous d’autres mesures pour les autres ?

Nous avons commencé par les étudiants de troisième année parce qu’aujourd’hui rien n’existe pour eux. Mais il faudrait également augmenter les moyens alloués au Pôle santé du campus de Paris, qui sont aujourd’hui insuffisants. Il y a également une vraie inégalité entre les campus qu’il faudrait corriger. Il faudrait qu’il y ait au moins un psychologue disponible toute la semaine sur les campus en région. Pour celui de Paris, il faudrait renforcer les effectifs pour qu’il y ait une offre vraiment suffisante par rapport à la demande.

Par rapport à l’écologie, vous dites vouloir mener Sciences Po à être une école « zéro carbone ». Concrètement, que comptez-vous faire pour atteindre cet objectif ?

Nova défend une ambition zéro carbone à l’horizon 2030. Il y a trois paliers à atteindre pour mener à bien cette ambition. L’objectif est d’atteindre aujourd’hui le 1, à terme le 2, puis le 3. C’est vraiment très complexe et c’est pour cela que nous avons présenté une feuille de route à l’administration dans laquelle nous détaillons la manière dont on ambitionne le zéro carbone. Il s’agit d’abord de faire un travail majeur sur les sites afin de réduire au maximum leur empreinte carbone. C’est une rénovation des bâtiments, une meilleure optimisation des flux chaud-froid l’hiver et l’été. C’est ensuite une politique de compensation carbone à la hauteur des besoins de Sciences Po. Nous proposons également de privilégier des labels reconnus, une compensation des forêts françaises à proximité des campus et revoir la politique transport. Il nous paraît aujourd’hui aberrant d’envoyer des enseignants en avion à Menton pour une journée de cours, et cela nécessaire de développer une faculté permanente adossée à chaque campus, et de meilleures synergies avec les universités autour.

Pour atteindre la neutralité carbone, faudrait-il aussi envisager de reconsidérer la 3A à l’étranger pour laquelle beaucoup d’étudiants prennent l’avion pour se rendre à l’autre bout du monde ? 

C’est vrai que la neutralité carbone nécessite d’envisager vraiment l’ensemble des empreintes carbones de Sciences Po. Je pense que revenir sur le principe de la 3e année même pour des impératifs écologiques serait risqué. Néanmoins, encourager les étudiants à utiliser des mobilités plus douces, à prendre le train lorsqu’ils le peuvent, à se déplacer autrement, c’est quelque chose que Sciences Po doit faire, et c’est aussi l’intérêt des cours sur l’écologie : c’est irriguer la formation à l’écologie pour les étudiants. Mais je pense qu’ils sont déjà très alertes et informés, et c’est très bien comme ça. 

Passons à la précarité étudiante. Les distributions alimentaires Linkee sur le campus Saint-Thomas octobre ont battu des records cet octobre en termes de fréquentation. Avec l’inflation, on peut s’attendre à ce que les étudiants soient encore plus fragilisés financièrement que d’habitude. Que comptez-vous faire ? 

La précarité étudiante est un sujet national conjoncturel, mais plus largement systémique. C’est quelque chose qui a été mis en lumière pendant la crise sanitaire mais qui existait déjà. Ce que nous avons fait à l’échelle de Sciences Po en lien avec l’administration, c’est développer ces dispositifs de distribution solidaire. Dès la crise sanitaire, nous nous sommes tournés vers l’association Cop1 de la Sorbonne. On a aussi de longue date, défendu la création d’une épicerie solidaire, ce qui a été mis en place avec la Grenade il y a deux ans maintenant. En Conseil, nous nous assurons que la CVEC lui soit constamment dédiée pour qu’elle bénéficie à un nombre maximal d’étudiants. Je pense que la CVEC peut vraiment être un outil pour renforcer cela.

Nous demandons aussi la mise en place d’un budget pluriannuel de 3 à 4 ans pour la Commission de suivi sociale afin d’octroyer des baisses de frais de scolarité aux étudiants qui peuvent en bénéficier légitimement. J’y ai siégé les deux dernières années, et déjà le budget était insuffisant. Plusieurs fois, j’ai refusé de siéger si on ne l’augmentait pas, et il a été augmenté en conséquence. Le problème c’est qu’il est alloué pour une année, donc les étudiants qui demandent des baisses de scolarité en septembre ont plus de chances de les obtenir que ceux qui les demandent en août.  C’est complètement inégalitaire et assez absurde.

Par rapport à la praticabilité du nouveau campus Saint-Thomas d’Aquin, beaucoup d’étudiants se plaignent de dysfonctionnements, avec un nombre de places insuffisantes à la bibliothèque, des files d’attentes interminables à la cafétéria, etc. Avez-vous déjà fait remonter ces problèmes à l’administration ? Que comptez-vous proposer ? 

Nous avons maintenant à peu près un an de recul sur l’appropriation du campus, avec une particularité qui est que le premier semestre de l’année à Sciences Po est généralement plus en tension puisque beaucoup d’étudiants de master sont en stage au deuxième semestre. Et l’on observe effectivement une véritable tension ce premier semestre. Le campus est magnifique, il offre des conditions de travail assez incroyables aux étudiants. Il y a des choses qui sont très bien, notamment la mise en place du guichet unique au 13 rue de l’Université, qui était une demande que nous avions depuis longtemps et qui a été respectée. Par contre, il y a vraiment des choses qui ont été mal conçues, et les étudiants sont d’une certaine manière les grands perdants de ce campus. Les espaces dédiés aux étudiants sont en sous-sol et sans fenêtre, il y en a moins que pour les enseignants et les chercheurs. Il est encore temps de rééquilibrer cela. C’est pour ça que nous avons fait remonter à l’administration dès la rentrée les tensions que nous avons pu constater, notamment à la bibliothèque ou sur les salles de travail. On peut clairement optimiser la bibliothèque, il y a des espaces vides où l’on peut rajouter des tables. Il y a des salles de cours qui sont souvent vides, mais qui restent fermées. Il faut pouvoir les ouvrir et les mettre à disposition des étudiants en dehors des heures de cours. Nous proposons de mettre en place un système de réservation où l’on aurait de la visibilité sur les salles vides comme dans une entreprise où l’on peut réserver des salles de réunion.

Quant à la cafétéria, nous ne pouvons pas faire grand-chose en termes d’espace. En revanche, ce n’est pas normal qu’il n’y ait qu’une seule caisse ouverte la plupart du temps et ça nous l’avons fait remonter à la direction de l’immobilier et au Crous. Ce n’est pas normal et Sciences Po doit faire pression sur le Crous.

Dans leur ouvrage Une Jeunesse engagée, Anne Muxel et Martial Foucault ont montré que les étudiants de Sciences Po se positionnaient en majorité à gauche, voire à l’extrême-gauche de l’échiquier politique. Nova, que vous avez crée il y a 5 ans dans le courant de l’élection d’Emmanuel Macron se veut « ni de droite, ni de gauche », et apolitique. Alors, est-ce vraiment bonne stratégie d’être apartisan aujourd’hui ? 

Je pense qu’il faut vraiment différencier la politisation des étudiants de Sciences Po et leur volonté d’avoir des organisations représentatives étudiantes apolitiques. Ce que veulent les étudiants, c’est plus de caisses aux Crous, plus de prises électriques dans les amphis, un campus plus vert, des masters sur l’écologie, des espaces de travail. Et tout cela, c’est complètement indépendant de leur affiliation partisane. Ils peuvent être de gauche, de droite, du centre ou pas du tout engagés politiquement, et ils se mettent tous d’accord là-dessus. Et c’est de cette idée qu’est né Nova : apporter des solutions concrètes au quotidien des étudiants, quelle que soit leur affiliation politique.

Et je pense que l’érosion des syndicats partisans à Sciences Po montre que ce modèle est en perte de vitesse. Les étudiants en ont marre des polémiques politiciennes et des sujets nationaux. Ils préfèrent des élus qui soient engagés au quotidien pour améliorer leurs conditions de travail et de vie. Parce que Sciences Po c’est aussi un espace de vie.

Beaucoup vous reprochent votre proximité non avouée avec Renaissance ! (LREM). Votre ligne est en soi la même que celle de LREM, et beaucoup de vos représentants ont soutenu Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle de 2022. Que répondez-vous à cela ? Reconnaissez-vous une proximité avec le parti présidentiel ?

Je pense que la meilleure réponse que l’on puisse faire à cette critique – que l’on nous fait depuis cinq ans alors qu’il est à la fois clair dans nos statuts, notre charte des valeurs que nous sommes indépendants de toute affiliation partisane – c’est qu’il suffit de regarder notre liste, regarder nos élus étudiants, regarder les étudiant qui sont engagés à Nova. Nova présente aujourd’hui la liste la plus diverse, c’est la seule liste 100% Sciences Po. C’est la seule liste qui présente des étudiants engagés politiquement, non-engagés politiquement, engagés associatifs. Regardons nos élus actuels, nous avons effectivement des étudiants engagés chez Amnesty, En Marche, la France insoumise, les MJS, EELV, ainsi que des LR. Nous avons aussi des étudiants internationaux qui sont de fait plus éloignés du système politique. Nos étudiants sont de tous les campus, de tous les partis politiques, de tous les engagements. Nous avons des étudiants qui défendent des causes écologiques, des représentants des Jeunes pour le climat, des militants pour l’inclusion. Nous avons des étudiants qui étaient à la marche contre la vie chère, et nous avons des étudiants qui étaient engagés pendant la campagne d’Emmanuel Macron. Ce qui compte c’est la diversité, et c’est là la force de Nova.  

Note de La Rédaction : les interviews des listes candidates sont publiées sans ordre particulier. Leur publication dépend uniquement de leur date de réalisation et donc de la disponibilité des syndicats.