Élection étudiantes : « Au Conseil de l’institut, on peut faire bouger les choses » estime SPES

 Retrouvez l’interview d’Anissa Chehbib, présidente de l’UNEF Sciences Po, candidate aux élections étudiantes sur la liste Sciences Po Écologique et Solidaire (SPES) avec l’Alternative étudiante rémoise.

Pour commencer et éclairer nos lecteurs, quelles sont les cinq propositions phares de SPES ?

Notre programme est axé sur 5 thématiques principales.

Concernant la thématique écologique, nous avons un bilan assez complet. Concrètement, nous étions les seuls à soutenir la mise en place d’un comité de suivi du bilan carbone de Sciences Po. Nous avons également soutenu une meilleure transparence du comité des dons et la présence d’un étudiant pour y siéger, ainsi qu’une réforme de la Charte de financements privés avec l’inclusion de critères éthiques et écologiques dans la sélection des subventions. Une de nos propositions cette année par exemple est de mettre en œuvre et soutenir la rénovation thermique, notamment des anciens bâtiments rue Saint-Guillaume, et évaluer la possibilité de production de sa propre énergie, via la mise en place de panneaux solaires, ou des circuits de réutilisation de l’eau dans les espaces qui le permettent.

Concernant les discriminations, nous avons beaucoup travaillé sur les violences sexistes et sexuelles, en participant intensément avec nos élus à l’élaboration d’une task force d’urgence suite à l’affaire Duhamel, qui a fait émerger un rapport composé de 61 propositions. Ce que l’on propose en plus, c’est la création d’un comité de suivi chargé d’évaluer le dispositif de lutte contre les VSS, car Sciences Po s’était engagé à mettre en œuvre toutes les préconisations de cette task force mais en réalité, il n’y a jamais eu aucun point d’étape.

Sur notre thématique de la solidarité, nous réclamons des frais de scolarité plus justes, plus solidaires. Nous proposons notamment une réforme du calcul des frais de scolarité des étudiants étrangers hors Union européenne qui paient le montant maximal, ce qui est complètement inégalitaire et injuste.

Concernant les campus en région, avec l’alliance que nous avons faite avec l’Alternative étudiante rémoise, nous souhaitons créer des commissions de campus qui seraient présentes sur tous les campus et qui permettraient de décentraliser l’administration parisienne.

Concernant ce dernier aspect, pourquoi avez-vous choisi de faire alliance avec l’Alternative rémoise qui est un syndicat local, propre au campus de Reims ? Est-ce juste dans le cadre de cette élection ou comptez-vous la pérenniser par la suite ? 

Reims était un campus où aucun syndicat n’était implanté alors que c’est aussi le campus qui accueille le plus d’étudiants au collège universitaire, plus qu’à Paris même. Donc, c’était un campus qui avait besoin de représentants. À l’UNEF, nous n’avons pas su nous implanter là-bas, et nous l’assumons. On avait une section qui avait commencé à se construire grâce à des étudiants qui étaient en deuxième année, mais quand ils sont partis à l’étranger, tout s’est un petit peu effondré.

Et cet été, des étudiants du campus de Reims ont décidé de créer leur section. Et nous, on a, on a trouvé l’opportunité bonne pour aller se concerter avec eux, pour qu’on puisse s’apporter mutuellement nos compétences et nos expertises. Grâce aux étudiants là-bas, nous avons des retours directs sur ce qu’il se passe en région. Cela nous permet de proposer des mesures cohérentes et adaptées. Cela ne veut pas dire que l’on délaisse les étudiants des autres campus puisqu’actuellement beaucoup de nos militants en master étaient sur les campus délocalisés.

Pour revenir à l’écologie qui est le premier chapitre de vos propositions, vous proposez de décarboner le campus et de revoir les modes de déplacements, comme réduire ceux des professeurs entre les campus, ou faciliter l’usage du vélo.

Vous ne parlez cependant pas de la 3A qui peut être très émettrice de CO2, puisque beaucoup d’étudiants privilégient des destinations lointaines qui nécessitent l’usage de l’avion. Faudrait-il donc également agir au niveau de la 3A et inciter les étudiants à privilégier des destinations plus proches de la France et diminuer l’empreinte carbone?

Idéalement oui. Mais la destination de troisème année, c’est un choix qui est assez personnel. On ne peut pas non plus imposer aux étudiants des destinations allant contre leurs projets, mais on peut entamer un travail de prise de conscience. Partir à l’étranger pendant sa 3A année, c’est quelque chose qui est ancré à Sciences Po et on ne peut pas enlever ça aux étudiants. Pour autant, les inciter à aller dans des pays plus proches, oui. Mais les priver d’aller dans des destinations plus lointaines, non.  Ça serait un peu compliqué.

Concernant le volet solidarité, vous évoquez la fin des frais d’inscription au profit d’un réinvestissement de l’État. Est-ce vraiment possible, et n’est-ce pas un peu inopportun de demander à l’État de financer Sciences Po alors que d’autres universités tombent en ruines et sont délaissées par la puissance publique?

Sur les frais de scolarité, on a des mesures sur le long terme et des mesures sur le court terme.

Sur le long terme, on aimerait que l’Etat réinvestisse l’enseignement supérieur pour arrêter de dépendre des financements privés qui vont avoir de l’influence sur nos maquettes pédagogiques, et qui sont parfois peu éthiques. Mais c’est quelque chose qui prendra du temps à être mis en place.

C’est pour ça que nous avons aussi des mesures sur le court terme qui visent à réduire ces frais de scolarité et non pas à les supprimer d’un seul coup, parce qu’on sait qu’une telle mesure ne porterait pas ses fruits et qu’elle pénaliserait les étudiants plus qu’autre chose. Il faut entrer dans une démarche de négociation avec l’administration. Après oui, c’est sûr que l’État devrait s’investir dans les universités publiques également, mais ça ne veut pas dire qu’il ne doit pas le faire à Sciences Po non plus. Je pense qu’il y a peut-être un ordre d’université à privilégier, mais sur le long terme, ça devrait aussi être appliqué à Sciences Po. 

Et par rapport à la progressivité des frais d’inscription que vous demandez pour les étudiants étrangers hors-UE, on peut vous rétorquer que cela semble difficile voire impossible à concevoir, sachant que chaque pays a un système monétaire et fiscal qui lui est propre. Quels critères proposez-vous pour rendre un tel système opérationnel ?

Dire que c’est impossible, c’est faux. Tout simplement parce que nous ce que l’on préconise, c’est justement la mise en place d’un groupe de travail qui réfléchirait à ces questions-là et qui permettrait à ces étudiants-là d’avoir une prise en compte de leur situation individuelle pour payer des frais de scolarité qui soient plus justes. L’administration doit mettre en place les moyens nécessaires, doit travailler avec des experts pour que tous les critères soient pris en compte et qu’on arrive à une situation où tous les étudiants payent ce qu’ils peuvent et pas ce qu’ils doivent payer. Ce n’est normal de payer 75000€ pour 5 ans d’études.

Vous souhaitez mettre en place un accompagnement psychologique et académique pour les étudiants issus de la procédure CEP, afin de garantir leur réussite. En effet, quand l’on voit la composition sociale des masters, elle semble encore assez marquée par les inégalités sociales.

N’est-ce finalement pas un peu vain de proposer un accompagnement si tardif, quand l’on sait que les inégalités se construisent dès le plus jeune âge ? Est-ce qu’il ne faudrait pas des mesures plus fortes pour garantir une mixité sociale au sein des cursus, comme des quotas par exemple ?  

Oui, c’est quelque chose que l’on pourrait ajouter dans notre programme. Je suis moi-même issue de la procédure CEP et ce que j’ai remarqué c’est que les étudiants qui ont redoublé leur première année sont souvent issus de la procédure CEP. Si nous proposons un accompagnement psychologique et académique, c’est parce que justement ces étudiants pendant leur première année se sont refermés sur eux-mêmes.

On pouvait vraiment observer deux groupes qui se sont constitués dès la pré-rentrée : le groupe des étudiants issus de la procédure CEP, et le groupe des étudiants qui étaient rentrés par « la voie normale ».

Mentalement, c’est très dur d’arriver et de se rendre compte qu’il y a vraiment un choc des cultures. Et c’est dommage parce qu’on ne sait pas forcément à qui s’adresser et à qui en parler. On aimerait que l’administration rappelle régulièrement ces étudiants en leur proposant de parler de leur expérience à Sciences Po. C’est la même chose sur le point académique. Quand on arrive en première année, c’est difficile de trouver ses repères, sa manière de travailler.  L’accompagnement académique ce serait une manière, peut-être pas de rattraper leur retard parce que ce sont des choses tellement ancrées que c’est difficile de les rattraper, mais en tout cas, d’assurer un suivi plus régulier.

Dans votre programme, il y a un volet sur la démocratisation de Sciences Po. Solidaires étudiant-e-s de son côté considère que les conseils sont une « mascarade » pour reprendre leurs mots. Avez-vous le même ressenti, que pensez-vous du système institutionnel de l’IEP ?

Non, nous ne sommes pas d’accord. À l’UNEF, nous fonctionnons depuis toujours sur une démarche à deux jambes et notre position ne diverge pas la concernant. Pour que nous soyons véritablement efficaces, il faut que l’on soit présent sur le terrain, auprès des étudiants, qu’on aille manifester avec eux, qu’on porte des revendications directement avec eux.

Mais il faut aussi qu’on soit présent dans les instances administratives, comme le Conseil de l’Institut ou le CVEF pour entamer des processus de discussion, de négociation, que l’on fasse entendre notre voix. Bien sûr le nombre de représentants étudiants dans ces conseils est encore insuffisant, mais dire que c’est insignifiant et que ça ne sert à rien d’ici siéger, c’est assez réducteur. Là-bas, on peut faire bouger les choses.

Si nous avons un bilan, c’est justement parce qu’il a été porté par nos élus qui ont pu siéger dans ces conseils et porter nos revendications. Et sans ce contact direct, on ne pourrait jamais négocier avec l’administration, et donc, avoir des avancées concrètes et réelles.

Il y a quelques années, il y a pu y avoir des dissensions au sein de l’UNEF Sciences Po, avec différents courants qui se sont affrontés. On peut notamment penser à « l’affaire » Thomas Lecorre il y a deux ans. L’ancien président de l’UNEF Sciences Po avait évoqué l’existence d’une idéologie racialiste au sein de l’école sur l’antenne de Sud radio. Où en êtes-vous aujourd’hui ? Est-ce que ces dissensions internes subsistent ?

Au sein de l’UNEF nationale, il y a différentes tendances. À Sciences Po, elles n’existent pas dans le sens où même si l’on est personnellement plus ou moins affilié aux tendances qui existent, nous avons une ligne commune sur notre manière de fonctionner et d’agir : le bien-être des étudiants. La défense des étudiants, l’organisation de la solidarité nous permet de conduire le syndicat tous ensemble sans avoir de désaccords de fond.

L’affaire Thomas Lecorre a créé pas mal de tensions, et certaines choses ont été mal faites. Mais aujourd’hui, nous avons reconstruit notre bureau, et ce n’est plus un propos que l’on retrouve au sein de l’Unef à l’heure actuelle. Nous avons su rebondir suite à cet épisode.

Vous avez été accusés d’avoir dévié de votre ligne originelle, pour porter des revendications plus « identitaires », comme l’instauration de toilettes non-genrées. Que répondez-vous à cela ?  Dans quelle gauche vous situez-vous ?

On est un syndicat de gauche. On n’est pas affilié à un parti politique spécifique, nous sommes apartisans. Nous prenons en compte aussi bien les minorités que la majorité et prendre la défense des minorités, ça ne veut pas dire qu’on délaisse les autres, ça veut juste qu’on essaye de leur apporter un peu plus de visibilité et qu’on essaye de les inclure dans notre combat. Sur ce sujet-là, je ne vois pas où est le mal, que ce soit en utilisant l’écriture inclusive, en faisant la promotion des toilettes non-genrées, ça ne fait de mal à personne. Parce qu’ on défend les étudiants de manière générale et ils font partie de cette communauté étudiante. Donc oui, on défend les minorités, maintenant on ne s’en cache pas. Ça ne veut pas dire qu’on ne défend pas non plus « la majorité ». Il n’y a pas de combats à part, nous ce que nous défendons, c’est vraiment la communauté étudiante.  

Note de la rédaction : les interviews des listes candidates sont publiées sans ordre particulier. Leur publication dépend uniquement de leur date de réalisation et donc de la disponibilité des syndicats.