Droit de réponse – Sommes­-nous allé.e.s trop loin? Les minous de la Queer Week rétablissent les faits.

En réponse à l’article de La Péniche paru le vendredi 11 mars, « La Queer Week est-elle allée trop loin ?« .

Face à un certain nombre d’attaques, nous nous sommes senti.e.s obligé.e.s d’utiliser notre droit de réponse. Nous ne nous sommes pas justifié.e.s avant, car nous estimions ne pas avoir à le faire, n’ayant transgressé aucune disposition légale ni règlementaire. Nous ne nous sentons coupables de rien. Évidemment, nous nous attendions aux propos haineux des plus réactionnaires et homophobes, et si nous n’avions dérangé qu’eux, nous aurions continué à les titiller avec tendresse. Ce n’est pas à ces personnes que nous nous adressons mais à celles et à ceux qui, de bonne foi, se sont interrogé.e.s sur nos intentions.

La Queer Week n’est pas la vitrine d’une doctrine sectaire.

La Queer Week n’est pas aveuglément anti­religieuse. La Queer Week n’est pas non plus un des avatars du soi-­disant complot des missionnaires de la “théorie du genre” qui chercheraient à coloniser les universités françaises. La Queer Week est un projet étudiant qui, depuis 5 ans, introduit des approches novatrices des genres et des sexualités dans une perspective féministe. Chaque année, la Queer Week, comme toute autre association à Sciences Po, fait l’objet d’un vote de reconnaissance de la part des étudiant.e.s. C’est parce qu’elle est reconnue par les étudiant.e.s, et seulement à ce titre, que l’administration de Sciences Po met à sa disposition une partie de ses locaux. C’est parce qu’elle est reconnue que le Fonds d’intervention associatif de Sciences Po contribue à une partie de son financement, dont la majorité provient de fonds privés : des partenariats avec des entreprises, ou encore cette année, une campagne de financement participatif via Ulule, à laquelle beaucoup d’étudiant.e.s de Sciences Po ont participé.

De la messe noire à la pornographie: le best­-of des mythes de la Queer Week

Certaines performances artistiques ont été interprétées comme des attaques contre la religion et des atteintes à la pudeur. Ces critiques oublient que les performances sont intrinsèquement pensées pour interpeller, et que cela fait partie intégrante de la démarche artistique. Plutôt que d’imposer un sens, ces performances laissaient aux spectateurs et spectatrices la liberté de les interpréter. Pour l’anecdote, le “rituel d’activation de fétiches” a si bien marché que certain.e.s semblent avoir cru à une véritable “messe noire”. Nous souhaitons les rassurer, nous tenons la situation sous contrôle! Par ailleurs, aucun drapeau n’a été brûlé et aucune croix inversée ne figurait dans aucun rituel. De manière générale, aucun organe génital ne s’est baladé dans les couloirs.

Concernant l’exposition, aucune image à caractère pornographique n’a été montrée. La pornographie a pour seule intention l’excitation sexuelle du spectateur ou de la spectatrice. Au contraire, les photos exposées avaient pour intention évidente de faire réfléchir et d’interpeller. De plus, la structure de l’exposition, en espace clos, n’imposait pas les images au regard. En particulier, les œuvres des Djendeurs Terroristas contiennent une bonne dose de second degré dont les détractrices et détracteurs semblent pour le moins dépourvu.e.s. Tourner en dérision les normes dominantes ne peut pas être mis sur le même plan que des “blagues” contribuant à stigmatiser les minorités.

Béatrice Bourges et le Secret de la Licorne

Il est temps de rétablir la vérité sur l’irruption de Béatrice Bourges lors de la conférence de clôture. Béatrices Bourges est la meneuse du Printemps français, mouvement extrémiste composé des plus identitaires de la Manif pour tous, d’intégristes de Civitas, et de plusieurs formations d’extrême droite. Faut­-il rappeler que Béatrice Bourges souhaitait que la “Russie montre l’exemple” dans le traitement imposés aux homosexuels? Faut-­il rappeler que sa radicalité a même conduit la Manif’ pour tous à l’exclure du mouvement? Personne ne l’a empêchée d’assister à la conférence. Néanmoins, à la suite de son intervention déplacée attaquant la Queer Week et les participants à l’événement, le climat s’est rapidement dégradé. Nous avons alors pris l’initiative d’en informer les appariteurs pour éviter que la situation ne dégénère. Ceux-­ci l’ont ensuite accompagnée vers la sortie pour permettre à la conférence de se dérouler sereinement. Notons que les étudiants de Sciences Po ayant invité Béatrice Bourges à la conférence de clôture ont préféré cette option plutôt que de venir débattre eux­-mêmes. Leur présence, contrairement à celle de Béatrice Bourges, n’était pas en elle­-même facteur de désordre. Nous concevons la Queer Week comme un espace de dialogue et un espace sûr, où chacun peut s’exprimer à son aise. La présence de Béatrice Bourges a été ressentie par le public et par les intervenant.e.s de la conférence comme une remise en cause de cette liberté. Béatrice Bourges souhaitait confisquer le débat avec un discours homophobe. Rappelons que l’homophobie n’est pas une opinion mais un délit.

Un “dialogue de sourd.e.s”?

Certains ont déploré le manque de débat et de discussion lors de la Queer Week. La Queer Week n’a jamais prétendu être ce qu’elle n’était pas. Elle est certes une instance politique et militante – de fait, car les questions qu’elle soulève en ont le contenu ­, mais elle n’est pas une instance partisane, ni le bras armé d’une quelconque « idéologie ». Elle est un espace dans lequel artistes, chercheuses et chercheurs reconnu.e.s viennent présenter leur travail. La Queer Week s’est construite dans une tradition de respect mutuel, d’écoute, de liberté, de convivialité et de bienveillance. Elle a toujours été respectueuse des paroles de chacun.e, du ressenti de son public et des étudiant.e.s de Sciences Po. En témoigne le prix pour la vie étudiante reçu en 2013, pour avoir contribué à donner la parole à ceux qui en étaient dépourvus, et à faire entrer à l’université des thématiques qui en étaient exclues. Ne laissons pas Béatrice Bourges et l’intégrisme s’emparer de cet espace de liberté.

Barbara, Priya, Lucas, Charline, Romaric et Nelly – ­ Queer Week 2014

Pamela et Thibault ­ – Queer Week 2013
Pauline – ­ Queer Week 2012

7 Comments

  • Julien

    Il aurait pu au moins être reconnu une faute, sinon une maladresse, dans la manière de virer manu militari et insultes mêlées une personne qui parlait. Qu’elle soit virée parce qu’elle parlait trop, d’accord, mais une conférence ou une table ronde ou le public ne peut intervenir…je ne connaissais pas à Sciences Po ce genre d’idées. Comment cela aurait-pu dégénérer? Les quelques personnes avec elles frappant tout azimut le public? Ou peut-être le public frappant les quelques personnes avec elle….C’est par ce genre d’intolérance, vis-à-vis de n’importe quelle idée, qu’on alimentera l’intolérance. A moins que la Queer Week ne soit qu’un rassemblement « d’entre-soi », on peut attendre que les organisateurs soient plus ouverts au débat.

    Bravo et chapeau bas pour cette semaine néanmoins, qui a contribué à la réflexion, regret sincère pour cette piètre clôture. On aurait pu avoir là un vrai débat d’idées, certes improvisé, mais sincère et réel. Vociférer « Ta gueule » n’est pas tolérant, et envers personne.

  • Marc

    La primauté du masculin pour le pluriel en langue française vient du neutre latin.
    Il n’y a donc aucun sens à vouloir imposer une forme au féminin…

  • Sa Tan

    @Hqrpie:
    « Sans aucun rapport avec la queer week en tant que telle (dont je n’ai rien vu) ».
    Je ne peux m’empêcher de souligner que ce commentaire résume brillamment la méthode suivie par une forme d’expression critique qui consiste, par paresse, à ne proposer d’autre sens que celui que l’a écrit, s’épargnant par là les affres de la réflexion et la responsabilité du sens donné à ce torchon. C’est d’une facilité et d’une inconséquence absolument remarquables !!!

    Merci à la Queer Week pour cette belle initiative qui dure depuis quelques années déjà et pour ce droit de réponse qui remet les choses à leur places !

    Merci Bertrand pour cette petite re-mise au point et ce moment culturel 😉

    J’ai trouvé la performance d’ouverture d’activation de fétiches plutôt gentille et bienveillante…j’aurais été bien plus loin en brûlant des drapeaux de la manif pour tous et en clouant des poupées de cire à l’effigie des homophobes notoires, tout en invoquant Lucifer à la cérémonie !

    La haine homophobe et raciste n’a rien à faire sur les bancs universitaires et les réactionnaires co-sanguins n’ont qu’à retourner d’où ils viennent et rester entre eux en attendant leur fin.

  • Ouioui

    Enfin un article remettant un peu La Péniche à sa place, opérant quand même dans le sensationnalisme depuis quelque temps pour attirer le lectorat et être relayé par Slate, Le Monde et j’en passe au mépris du respect de l’autre mais surtout des individus.
    Droit de réponse très efficace, merci !

  • Bertrand

    Mes souvenirs étudiants (de Nanterre) remontent à bien longtemps ( l’après 68), alors quand je lis « violences » à propos de l’expulsion du Printemps français de Queer Week je me dis que les mots n’ont décidément pas le même sens pour tout le monde. Personne n’a été frappé, roué de coup, ne s’est pris des coups de bâton ou de barre de fer, pas le moindre cocktail Molotov à l’horizon. tout au plus une bousculade et une pression pour expulser les indésirables. Car oui le printemps français n’avait rien à faire là. Les gens qui se sont levés auraient eu la même réaction à un débarquement de Marion Le Pen ou Dieudonné.
    Le Printemps français est responsable (pas les seuls) du climat de violence (celle là bien réelle) qui a surgi à l’occasion de la loi sur le mariage pour tous. Agressions d’homos, vandalisme contre le Forum des associations LGBT aux Blancs manteaux… Et il faudrait dialoguer ? Non, il y a des moments où tout ne se vaut pas, où tout ne se résume pas à une confrontation de points de vue ayant chacun sa légitimité. Leur présence était pure provocation et la situation a été sensiblement assez bien gérée.
    Je suis aussi consterné par les réactions (pudibondes) aux expos et performances. Personne n’a entendu parler du programme Erasmus ou quoi ? Allez étudier à Bale, Cologne ou Berlin, Vienne ou Londres et visitez les musées, foires et expos artistiques. Un musée viennois comme le Leopold Museum (pas underground hein, une sorte de Beaubourg ou palais de Tokyo, dans un pays assez conservateur et encore très catholique) a organisé des expos (La vérité nue de Egon Schiele et Klimt, Masculin/Masculin) où les visiteurs qui le souhaitaient (certains jours) pouvaient visiter l’expo nuEs pour entrer en symbiose avec les oeuvres exposées. Je cite cet exemple d’une respectable institution capable de prendre des risques, capable de s’ouvrir et de prendre le pari de la création libre, pour montrer le fossé qui la sépare du conformisme et du puritanisme de nos institutions et élites.

  • Bonsoir

    Ok, la Queer Week est une belle initiative, elle va dans le sens de l’Histoire, elle est la traduction concrète des valeurs qui sont au coeur de Sciences-Po comme la tolérance, l’égalité, le respect, la déconstruction, etc. Ok.

    Mais malgré ça, le problème de la Queer Week (et je pense que les organisateurs devraient être lucides là-dessus), c’est qu’elle touche majoritairement un double public : les sympathisants de la cause LGBT et les personnes intéressées intellectuellement par la déconstruction des normes sociales dominantes (à savoir, le milieu académique). C’est un peu restreint, et la Queer Week, je pense, a de gros efforts à faire là-dessus.

    Aujourd’hui, la Queer Week est moins une occasion de démocratisation des problématiques du genre, qu’une démonstration, certes assez efficace, de la vivacité de la réflexion sur ces mêmes problématiques. C’est, en fait, une sorte de colloque festif et artistique plus qu’une vraie manifestation. Et c’est dommage parce que c’est sur ce terreau que se base une partie des critiques de la QW, notamment sur la question du sectarisme. Et je pense que la Queer Week n’arrivera pas à réduire les critiques d’un côté / l’indifférence de l’autre si elle ne prend pas ce problème à bras le corps.

  • hqrpie

    « Ces critiques oublient que les performances sont intrinsèquement pensées pour interpeller, et que cela fait partie intégrante de la démarche artistique. Plutôt que d’imposer un sens, ces performances laissaient aux spectateurs et spectatrices la liberté de les interpréter. »

    Sans aucun rapport avec la queer week en tant que telle (dont je n’ai rien vu), je ne peux m’empêcher de souligner que cette phrase résume brillamment la méthode suivie par une forme d’expression artistique qui consiste, par paresse, à ne proposer d’autre sens que celui que le spectateur donne, s’épargnant par là les affres de la réflexion et la responsabilité du sens donné à « l’œuvre ». C’est d’une facilité et d’une inconséquence absolument remarquables.