Conférence Prométhée Education : Patrick Gérard, pour une r-ENA-issance de l’ENA ?
Au soir de mercredi dernier, les sciencepistes avaient le choix pour occuper leur soirée entre Valérie Pécresse, à l’occasion de la première Assemblée Générale des Républicains de SciencesPo, ou bien le directeur de l’École Nationale d’Administration, Patrick Gérard, pour une conférence de Prométhée Education. L’invité du jour a répondu aux questions de Jason Graindepice, étudiant en deuxième année de l’école d’affaires publiques de SciencesPo. J’ai pour ma part préféré le second choix, car venant de payer 350 euros à la RATP, j’ai refusé d’entendre pour une nouvelle fois que je me déplaçais dans Paris pour moins d’un euro par jour.
C’est d’abord Mélissa Hamdi de Révolte-toi qui a su nous esquisser le curriculum vitae du chef de cette institution. Après une licence de droit à Nancy puis l’obtention de trois diplômes à Assas, école dont il sera le professeur par la suite, il devient directeur du Crous, institution qui nous est bien familière en tant qu’étudiants. Mais Patrick Gérard n’a su s’arrêter là, devenant ainsi recteur d’académie puis enfin directeur de cabinet. S’il y a bien quelque chose qu’il n’a pas fait, c’est l’ENA. Pourtant, le voilà depuis un an directeur d’une école aussi prestigieuse que décriée.
Alors, en ayant Patrick Gérard devant soi, on ne peut s’empêcher d’avoir des dizaines d’interrogations en tête. Quelles sont donc les ambitions du nouveau directeur ? L’institutions saura-t-elle faire face au cours de ces prochaines années à la perte de confiance des Français envers leurs hauts fonctionnaires ? À défaut de mettre un terme définitif à nos doutes concernant cette école, le directeur est parvenu à faire émerger l’idée majeure de sa politique : la continuité. En effet, c’est d’abord dans la continuité qu’il s’est inscrit en rappelant l’objectif historique de l’ENA, à savoir mettre fin à la « cooptation » dans les administrations de l’État en 1945. « L’ENA est une volonté démocratique d’organisation des institutions publiques sur le mérite », explique ainsi l’invité.
Patrick Gérard a par la suite préféré éviter les différentes questions abordant la future transformation de l’ENA en grand établissement, c’est-à-dire un établissement d’enseignement supérieur avec une plus grande autonomie. Selon ses propres mots, ce n’est pas « une obsession pour lui ».
Enfin, quand on pense à l’ENA, on pense bien sûr à la trame de critiques devenues habituelles dans les médias. Le directeur n’a donc pas échappé aux interrogations des sciencepistes et lycéens venus pour l’occasion. Du point de vue de l’égalité, l’école travaille étroitement avec l’association 50/50 pour promouvoir l’accès aux femmes. En défenseur de la mixité sociale, le directeur a insisté sur le fait que, dans la dernière promotion, aucun admis n’est fils de député ou d’ancien de l’ENA. On y trouverait en revanche selon lui pas moins d’une douzaine de personnes issues de milieux modestes. De plus, il a promu l’existence d’un prépa organisée par l’ENA destinée aux étudiants de conditions sociales peu élevées. Cependant, la salle n’a pu s’empêcher de souligner que seule une poignée de leurs élèves ont finalement réussi le concours d’entrée.
Dernier point de cette rencontre : l’invité a tenu à préciser que, dans le respect de la fonction originelle de l’école, aucune préparation des étudiants au monde de l’entreprise privée n’est prévue à l’ENA. « L’ENA ne prépare pas au privé » a-t-il déclaré à un étudiant faisant remarquer le nombre croissant d’énarques rejoignant ce secteur. Sans changer son objectif principal, l’école va cependant s’ouvrir à de nouveaux profils en créant une quatrième voie de recrutement destinée aux docteurs d’université. Il n’est question que de trois à quatre places en plus par an. Le directeur a pourtant souligné leur utilité en déclarant sobrement qu’il y avait dans notre pays une grande faiblesse intellectuelle, et plus particulièrement chez nos élites.
Sans grandes annonces et nouveautés, Patrick Gérard a donc réaffirmé sa vision d’un avenir stable pour l’ENA. Le directeur s’est montré résolu à ne pas renoncer aux objectifs originels de l’école, et à ne pas constamment essayer de plaire aux médias ou aux responsables politiques qui décrient le caractère inadapté de l’institution à la société d’aujourd’hui.
Quentin Malaval