Cap sur Boston pour la Learning Expedition 2019 !

Les 12 étudiants de la Learning Expedition 2018-19 ont rencontré à Boston plus de 30 personnes du secteur de la Deep Tech : chercheurs au M.I.T., étudiants à Harvard, investisseurs, startuppers juniors, entrepreneurs seniors etc.

Cap sur Boston pour la Learning Expedition 2019 !

Douze canetons à l’assaut de la Skyline

On se souvient tous de ce moment hors du temps où on vous annonce une bonne nouvelle. Ce moment où l’on nous dit : Vous avez été sélectionné : vous partez ! Aller s’en mettre plein les yeux pendant plus d’une semaine à Boston, comprendre cet écosystème entrepreneurial et technologique si particulier en rencontrant les femmes et les hommes qui le constituent, s’inspirer, revenir et partager. Et enfin, faire émerger, à partir des sciences sociales, des interrogations souvent ignorées. Voilà ce qui nous attendait.

Mais nous étions prévenus : ce ne seraient pas des vacances, et la semaine à Boston se mérite et se prépare. Première réunion de cadrage début juin 2018, coordination de six fuseaux horaires, connections Skype hasardeuses, le premier contact est établi : « l’Équipe» s’est constituée.

Retour à Sciences Po en septembre, le rendez-vous est pris : durant treize lundis, entre 19 et 21 heures, l’équipe prépare avec enthousiasme cette semaine tant attendue de janvier 2019. Au programme : team building, lecture, exposés, rencontres avec des spécialistes français ayant travaillé longtemps au MIT, afin d’arriver à Boston soudés, avec des connaissances solides, pour pouvoir tirer le plus grand bénéfice des rencontres qui nous seront accordées.

Les fêtes passées, la descente de l’avion et le passage de la douane également, nous nous émerveillons devant la Skyline illuminée. Alors, vous nous suivez ?

« Vous vous rendez compte ? On est à Boston ! »

Du 11 au 20 janvier 2019, nous étions donc à Boston, grâce au Centre pour l’Entrepreneuriat de Sciences Po, afin de  rencontrer gérants de start-ups et incubateurs, venture capitalists, chercheurs en informatique ou en sciences sociales. Nous avions tous, à partir de notre formation en sciences sociales, économie, finance et même biologie ou informatique, beaucoup de questions à poser. On vous livre ici un certain nombre de réflexions qui ont émergé de nos échanges, aussi bien entre nous qu’avec les intervenants.L’équipe LX 2019 au MIT

Le MIT Medialab, cœur du réacteur

Quel est le point commun entre l’écran tactile de votre téléphone, votre GPS, votre kindle et les legos de votre petit cousin? Tous ces objets sont passés par une phase de développement au MIT Medialab ! Ce laboratoire de recherche unique au monde transcende les frontières et les disciplines connues en adoptant une approche centrée sur l’anti-disciplinarité, et en encourageant le rapprochement de différents domaines de recherche.

Ses chercheurs misent sur la recherche fondamentale pour radicalement améliorer la façon dont les gens vivent, apprennent, s’expriment, travaillent et jouent. Faire un tel pari n’était pas gagné d’avance, d’autant plus que le laboratoire est financé par le secteur privé. Il n’y a aucune contrepartie évidente pour les partenaires industriels à sponsoriser la recherche du MIT Medialab. Aucun sponsor ne peut imposer un thème de recherche, ni exiger l’exclusivité des résultats produits. Et c’est un modèle qui fonctionne : une recherche libre et ouverte dont les aboutissements ne se limitent pas à une seule application.Un SuperSciencesPo au MIT MediaLab

« Education Education Education »

Harvard, MIT, Northeastern : vous l’aurez compris, il y a de la matière grise sur la côte Est ! L’essentiel de nos rencontres s’est d’ailleurs effectué dans le cadre d’universités ou centres de recherches issues de celles-ci.

Ce n’est pas exagéré de dire que nous nous trouvions au cœur dans la production intellectuelle américaine. Avec près de 65 universities and colleges, on surnomme Boston l’Athènes de l’Amérique. Si l’on considère l’agglomération (dont Cambridge, où se trouvent Harvard et le MIT) il en existe une centaine. Pour ne donner qu’un exemple, les publications médicales de Boston sont deux fois plus nombreuses que celles de la France entière. On prend la mesure de cette démesure en visitant les campus des différentes écoles, véritables œuvres d’art et lieux touristiques.

Car Boston doit en grande partie son développement à l’augmentation des dépenses de santé et de l’éducation qui deviennent des postes majeurs de dépense avec l’enrichissement du pays dans les années 70. Hôpitaux et universités captent les retombées de ces investissements, aidés par des politiques publiques volontaristes de l’Etat fédéral (principalement l’US Army) et fédéré (sur la santé) dans la recherche.

On retient principalement deux caractéristiques des acteurs éducatifs que l’on souhaiterait voir se développer encore plus en France. Tout d’abord, un plus grand partage dans la diffusion des données et la logiciels (le MIT est pionnier en terme d’Open Source / Open Access), ainsi qu’une plus grande disposition à la transmission. Voir des chercheurs s’impliquer dans la formation des professeurs du secondaire est particulièrement inspirant.

De Scratch, une application qui initie les enfants de 5 à 7 ans au code informatique, jusqu’aux très nombreux MOOCs, dont le MIT s’est fait le champion toutes catégories confondues, tout le monde peut être concerné par les initiatives menées et c’est ce qui nous séduit. Des efforts sont faits afin d’atteindre les quartiers prioritaires des politiques de la ville, même s’ils restent contraint par un système éducatif américain particulièrement conservateur (les établissements étant notés quasiment exclusivement selon leur performance aux tests standardisés).

Finalement, c’est aussi une affaire de politiques publiques. Le Boston des années 70 ne ressemblait en rien à celui que l’on connaît aujourd’hui car l’immense majorité des emplois qui s’y sont développés n’existaient pas. À ce titre, la transformation de Kendall Square (lien vers article de Marion) fait figure d’exemple.

« Leading from behind »

Une caractéristique que nous avons notée chez la majorité des personnes rencontrées est l’humilité et le sens de de l’intérêt général. Des initiatives dont ils sont les visages mais dont ils préfèreraient n’être que les cerveaux les propulsent sur le devant de la scène médiatique, les exposant parfois et restreignant leur travail de laboratoire par exemple. Parmi l’échantillon de personnes rencontré, nous nous sommes trouvés face à des passionnés qui investissent leur temps et leurs ressources dans des projets rarement orientés vers la quête de gloire individuelle. En ce sens, il est intéressant de mettre en exergue la différence d’ethos entre les personnalités rencontrées à Boston et celles rencontrées dans la Silicon Valley un an plus tôt par nos prédécesseurs.

Un exemple avec Natalie Kuldell, qui a quitté son poste de professeure au MIT pour fonder la non-profit Biobuilder, avec l’aide d’une bourse de la NSF (l’équivalent du CNRS américain). L’association oeuvre pour la promotion de l’enseignement des sciences naturelles dans les écoles, collèges et lycées américains, particulièrement de la biologie de synthèse. De nombreux enseignants sont ainsi formés chaque année afin de donner le goût de leur discipline à leurs élèves. Elle nous explique que se mettre en avant en devenant le visage de cette initiative lui a pesé. Elle a vécu cette étape comme une contrainte complètement étrangère à sa culture professionnelle. Elle préfèrerait se trouver face à un panel d’enseignants et ne pas avoir à gérer la communication, les finances, répondre aux appels à projet, convaincre les financeurs. Une autre différence de poids avec les startuppers de la Silicon Valley !  

« We are Solvers »

Cette phrase, inlassablement répétée telle un credo tout notre séjour durant, traduit de la perception que les chercheurs et entrepreneurs de Boston ont de leurs métiers.

Il est certain que, dans nos sociétés, la technique a permis de résoudre de très nombreux problèmes. Du lave-linge à l’e-mail en passant par le GPS, nos préoccupations du quotidien ne sont plus les mêmes aujourd’hui qu’il y a cinquante ans.

Nous sommes, de toute façon, enfants du progrès technique. On reconnaît d’ailleurs une réelle envie de bien faire et un sens de l’intérêt général dans de nombreux groupes de recherches, notamment ceux qui œuvrent pour la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement.

Cependant, considérer qu’à chaque problème répond une solution technique ne nous semble pas satisfaisant. Et dans le pire des cas, correspond à traiter le symptôme au lieu de guérir la maladie. Développer une application indiquant le centre de recyclage le plus proche permettra effectivement de recycler plus, mais ne doit pas détourner les efforts pour réduire la production de déchets et la recherche d’alternatives. C’est le risque de la puissance de l’algorithmie et de l’intelligence artificielle : avec des solutions “clefs en main” et efficaces immédiatement, elles séduisent le politique alors que les plans de long terme qui sont ambitieux en matière de traitement de fond du problème ne proposent pas d’amélioration immédiate.

De nombreux projets font ainsi la part belle à l’entreprise individuelle, la capacité d’action de la personne, ses possibilités apparemment infinies qui, à force de travail, viendront à bout des problèmes du monde. En se persuadant que l’individu peut tout faire par le biais de la technique, on s’interdit de penser sur un autre mode que l’efficacité de court terme. C’est la promotion d’un système politique individualiste, par ailleurs, qui ne pense plus les institutions capables de servir l’intérêt général mais cherche au contraire à s’en affranchir dans l’optique de faire le bien.

Deux autres questions nous apparaissent aussi largement évacuées  : celles de l’éthique et celle de la justice sociale. Ainsi, lors d’une présentation d’un projet de capteurs déposés dans les égouts de Boston indiquant les zones de consommation de drogue, notre scepticisme n’a pas été compris par nos interlocuteurs. Certes, les travailleurs sociaux de la ville disposeront de données plus fines afin de mieux adapter leur politique de prévention, mais on peut aussi craindre que ces données soient utilisées à des fins de répression de l’usage de stupéfiants. On renforcerait de ce fait la surveillance et la stigmatisation de telles pratiques alors même qu’on sait très bien que ces approches ne contribuent pas à résoudre la question mais plutôt participent à la création d’un problème social. Tout comme les algorithmes de prédiction criminelle, on peut finalement être plus inquiet du renforcement des discriminations de l’appareil répressif plutôt que de louer de meilleurs (fallacieux) résultats.

Un message d’optimisme

Même s’il faut rester conscient des limites de la technologie, et plus encore du manque de réflexion sur ses usages, on ne peut qu’être admiratifs devant la capacité des personnes rencontrées à trouver des solutions et donner un sens à leur travail. Nous avons rencontré des passionnés, et ce fut un vrai plaisir que d’échanger avec eux. Inspirés par ce que nous avons vu, nous tenterons d’en restituer l’intensité le mieux possible dans les prochains jours par des événements, des rencontres, des vidéos et beaucoup d’autres articles !L’équipe avec Biz the Beaver au Babson College

Alors … Restez connectés ! 🙂

Découvrez d’autres analyses de l’équipe de la Learning Expedition Boston 2019 :

  • En articles : https://urlz.fr/9eC0
  • En courtes vidéos : https://urlz.fr/9eC0
  • Et ils vous invitent à les rencontrer : https://urlz.fr/9eC0

A NOTER : Les candidatures pour la prochaine Learning Expedition sont ouvertes jusqu’au 18 avril : destination la Startup Nation à Tel Aviv ! Infos pour postuler : https://urlz.fr/9eC0.

Equipe LX 2019