Billet culture

Le matin dernier, j’écoutais l’inspirante Amélie Nothomb nous conter sa vie et la relation qu’elle entretenait avec son écriture. 

Le journaliste admirait le parfait et logique enchainement de sa vie, de sa relation paternelle, jusqu’à son prix Renaudot 2021 pour un livre justement dédié à son père, décédé quelques mois auparavant. Comme si les moments de sa vie s’imbriquaient à la perfection, comme un puzzle qui finit enfin par être achevé. 

Puis, elle a prononcé cette phrase qui m’a marquée, voire troublée.

« Mais c’est vrai… C’est vrai… Et croyez-moi, c’est indépendant de ma volonté ! Mais tout ‘tombe trop bien’… Je suis persuadée que, quand je serai morte, tout fera sens. Ça fait partie évidemment de ma mégalomanie… Mais, vous savez, ma plus grande aspiration c’est que, quand je serai morte, on s’aperçoive que ma vie constitue un géoglyphe… »

Sur le moment j’ai trouvé cela un peu (voire assez) prétentieux. 

Mais ce sentiment cachait sans doute de la jalousie. Car finalement, quoi de plus désiré que de vivre comme dans un roman, d’endosser le rôle du héros romanesque qui aurait pour but d’ « accomplir » littéralement sa vie. De donner un sens à « sa destinée ». C’est ce dont tout le monde rêve. Mais est-ce réalisable ? Amélie Nothomb semblait dire que, elle, chanceuse comme elle l’était, c’était chose acquise et que sa vie se résumait à un beau roman de Balzac. 

Alors forcément c’est beau, et ça fait rêver, ça rend même jaloux. 

Puis, une fois cette mauvaise jalousie passée, et surtout, une fois m’être raisonnée « en même temps c’est vrai, c’est Amélie Nothomb… Si elle n’a pas une vie de roman celle-là, alors personne n’en a ! »

Mon ressentiment évacué, je pouvais enfin prendre du recul sur le sujet.  

J’ai trouvé que cette déclaration de l’auteure devait plutôt être un encouragement. Un appel à la motivation, à l’éveil intellectuel

Nous ne sommes pas les acteurs d’une pièce de théâtre antique dans laquelle notre destin serait déjà tracé. C’est bien à nous de tracer notre route, de nous fixer un objectif, une passion à travers laquelle nous voudrions vivre, et d’y plonger pleinement. 

Or, après avoir écouté l’interview jusqu’à sa fin, j’avais l’impression d’avoir trouvé l’exacte réponse à cette interrogation liminaire : « Est-ce réalisable ? »

Oui nous avons le choix, et oui, si un livre est merveilleusement bien écrit, avec amour, style et sincérité, il recevra le prix Renaudot. Et il n’y a rien de prétentieux dans cela. Que justice. 

C’est à nous d’écrire notre vie, de lui donner sens et de nous faire « héros » de notre propre roman. 

Voilà ce que j’ai compris à travers les mots doux d’Amélie Nothomb. 

Pour écouter cette merveilleuse discussion : https://www.franceinter.fr/emissions/hors-piste/hors-pistes-du-dimanche-14-novembre-2021