Alexandre Gaborit : candidat FN à 19 ans
L’emballement médiatique autour du FN à l’occasion du premier tour des municipales a atteint des sommets. Les grands médias nationaux, au premier rang desquels Le Monde ont été prompts à parler d’un « séisme », voir d’un « 21 avril municipal ». Participant pour une large part à fabriquer la victoire du parti de Marine Le Pen, qui pouvait clamer que le bipartisme était mort. L’un des enjeux pour le parti était de parvenir à monter des listes pour les municipales : il en avait 537. Pour ce faire, il a fait appel à de (très) jeunes candidats, au point qu’une tête de liste sur 7 avait moins de 30 ans.
Dans le cadre de sa couverture des municipales, et pour mieux comprendre ceux qui décident de s’engager pour le FN au niveau local, La Péniche a rencontré Alexandre Gaborit, un jeune de 19 ans, élève de terminale et candidat pour le FN à Villejuif (94). Bien que la ville soit historiquement communiste (depuis 1925), la liste d’Alexandre Gaborit a obtenu 11,23% des voix, et donc le droit d’accéder au second tour.
Quelle est ta première expérience politique ?
C’était à 15 ans, pour le Front National en tant que militant puis adhérent.
Quelles sont les orientations politiques de ton entourage, notamment de ta famille ?
Ma famille est de gauche. J’ai un père social-démocrate et une mère de gauche…enfin plutôt une idéaliste de gauche puisqu’elle n’est affiliée à aucun parti. Elle ne vote pas tout le temps et elle ne se retrouve pas forcément dans l’offre partisane actuelle à gauche. Ainsi, au second tour des présidentielles, elle a voté pour Hollande mais c’était plus un vote-sanction qu’un vote par conviction.
Comment as-tu rencontré le FN ?
En fait, je veux faire professeur d’histoire et j’aime bien regarder des vidéos sur YouTube axées sur ce thème. Et avec les suggestions de page, on me recommande des pages sur Marine Le Pen. Je vais donc voir par curiosité sur ces sites et je finis par franchir le pas en contactant le secrétariat départemental. On me met en contact avec le service jeune et deux jours plus tard, je me rends avec l’équipe sur un marché à Créteil.
Au début, c’est assez bizarre. On est stigmatisé, on se fait insulter de nazi ce qui m’a fait peur – j’étais le plus jeune de l’équipe – mais cela ne m’a absolument pas démotivé. Au final, sur les marchés, les gens sont plus enclins prendre les tracts et souvent, lorsque ce sont des couples, l’un des deux ne veut pas en entendre parler mais son conjoint ou sa conjointe prend le tract en cachette.
Qu’est-ce qui a changé entre le FN d’aujourd’hui et celui d’hier, c’est-à-dire entre le Rassemblement Bleu Marine et le FN sous Jean-Marie Le Pen ?
Il y a eu un réel changement entre les deux. Marine Le Pen a mené une campagne de dédiabolisation. Elle veut réellement le pouvoir et elle met toutes les chances de son côté en élaborant un programme structuré. Par exemple, concernant la sortie de la zone euro, le prix Nobel de l’économie de 2011 a même conclu qu’elle n’allait pas assez loin dans cette mesure.
Dans tous les cas, il n’y a aucune comparaison possible entre des municipales sous Jean-Marie Le Pen et celles d’aujourd’hui avec Marine Le Pen. Elle a vraiment fait bouger le parti avec sa campagne de dédiabolisation. D’ailleurs, dans certains papiers de la préfecture, on n’est même pas classés comme un parti d’extrême-droite.
En outre, Marine essaie vraiment de travailler avec les jeunes en les sensibilisant à notre programme et en les faisant réfléchir sur la position de la France dans le monde.
En quoi le FN est proche de la jeunesse et plus spécifiquement des jeunes de banlieue où le parti n’est pas toujours apprécié ?
Le Front National est le premier parti à avoir ouvert un site Internet et en termes de nombre d’adhérents, le FN Jeunesse est la première section jeunesse des partis politiques français.
Il est vrai que l’engagement militant en banlieue est plus difficile qu’en côte d’Azur par exemple où les gens sont plus à droite. La banlieue, c’est en quelque sorte la ceinture rouge, le dernier bastion communiste. Il faut donc s’accrocher davantage et être plus qu’un simple militant.
Du coup, êtes-vous réticents à approcher les jeunes de banlieue ?
On ne fait pas de différence entre les personnes. Nous sommes d’ailleurs de plus en plus présents en banlieue : 11 listes dans le département de Val-de-Marne contrairement à 2 lors de l’ancienne municipale. Les gens sont plus motivés et engagés, le nombre d’adhésion a explosé de 20 000 à 70 000.
Toujours sur la jeunesse, comment se passent les relations entre les jeunes du parti et les adhérents avec plus d’ancienneté ? Est-ce que vous faites « le sale boulot » ?
On est une sorte de mini-famille entre les jeunes et les relations jeunes et moins jeunes sont très bonnes, ils nous répètent souvent que nous sommes la relève. Tout le monde est sur un même pied d’égalité.
A Sciences Po, il y a eu plusieurs débordements en réaction à la venue de représentants du FN (conférence d’Europeans Now et durant le Forum des Municipales), qu’en penses-tu ?
Je pense que la position de l’association d’Europeans Now (NDLR : annuler la conférence) a été la bonne, si le débat démocratique doit exister il faut que chaque parti soit accepté.
Oui je veux faire de la politique, après l’un va avec l’autre. Villejuif c’est un cauchemar, c’est atroce, je me présente pour tous ces logements sociaux où les personnes sont parquées au mètre carré, on ne peut parquer des gens comme du bétail.
Je veux permettre aux électeurs de pouvoir voter pour autre chose, mon but c’est d’entrer avec plusieurs conseillers au conseil municipal. Je connais bien la situation de Villejuif, mais je veux créer une alternative qui ne changera pas la donne mais au moins laisse une chance de changement.
Comment a été accueillie ta candidature au lycée ?
Certains professeurs ont été assez froids. Mes amis ont accepté, des personnes de ma classe me félicitent pour mon engagement. J’ai quelque regards insistants au lycée mais rien de plus et je déplore des menaces de mort de jeunes à côté de chez moi après un communiqué de presse que la mairie s’est amusée à placarder dans une structure de jeunes.
Propos recueillis par Lou Guérin.